Six
ans après LE HAVRE, dont nous avions déjà parlé Le Havre Aki Kaurismäki revient
au même thème : les réfugiés. Comme quoi, rien n’a vraiment changé entre
temps. Dans LE HAVRE, la police pourchassait des clandestins échappés d’une
remorque de camion, un gamin trouvait refuge chez un cireur de chaussures. Dans
DE L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR, c’est d’un cargo dont descend Khaled, réfugié d’Alep,
en Syrie, où sa famille a été décimée. Il a traversé l’Europe en long et en
large, avec sa sœur, avant d’atterrir à Helsinki, où il tente d’être
naturalisé.
On
connait le style particulier de Kaurismäki, une esthétique hors d'âge (proche parfois du Réalisme Poétique français), un cinéma épuré, visuel,
des couleurs en aplat, peu de mouvement d’appareil, de
rares dialogues, c’est tout. On pense à la ligne claire en bande dessinée, au
cinéma muet, et Chaplin en particulier, par l’humanité qui se dégage de ses
histoires.
L’image
va à l’essentiel, elle montre une situation, la plus explicite possible. On suit donc le parcours de Khaled, sa descente du
bateau, les douches publiques, la déclaration au commissariat, les abris de
nuit. Il y fait la connaissance de Mazdak, réfugié irakien. Kaurismäki pointe
la solidarité qui unit ces hommes, et tous les marginaux, musiciens de rue,
exclus. Il montre aussi le long et laborieux processus judiciaire pour être
reconnu réfugié politique. Et la réalité de la rue, les agressions, les milices
néo-nazi.
Un
second récit nous montre un vendeur de chemise ambulant, Wikhström, se
débarrasser de son stock et accessoirement de sa femme alcoolique, pour
réaliser son rêve : reprendre un restaurant. C’est la partie plus amusante
et truculente du film, « La chope dorée » est un rade désert, le plat
du jour est identique, des sardines servies à même la boite. Wikhström et ses
trois employés échappent de peu au contrôle de l’Hygiène, et décident - pour
plus de profit ! - de se recycler dans le sushi !
Wikhström
et Khaled vont se rencontrer, le premier donnera du travail au second. Kaurismäki
raconte à la fois la difficulté à s’intégrer, la complexité administrative, la
violence des situations, et l’extrême simplicité de ce qu’on pourrait faire :
être solidaire. Si Khaled est souvent menacé par des cranes-rasés, il doit son
salut à beaucoup d’intervenants : musiciens de rue, SDF, le réfugié Mazdak, une
infirmière, et tas de gens qui, sans poser de question, donnent un coup de main.
Le
film n’est jamais moralisateur, pleurnichard, c’est assez clinique, froid, on montre
juste des gens agir, et le faire avec humanité. DE L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR joue
sur le registre de la comédie, aligne les trognes, égrène quelques gags
burlesques. Si la poésie de la mise en scène rend les choses plus légères à l’écran,
elles ne sont pas moins profondes, moins tragiques. Le film est baigné de
musique (on se souvient dans LE HAVRE la participation de Little Bob !)
Kaurismäki reste dans le blues-folk, beaucoup de guitaristes défilent, la scène
locale j’imagine (dont Tuomari Nurmio, alias Judge Bone), une grande photo d’Hendrix trône dans la salle du restau.
Le faux
rythme peut gêner parfois, c’est vrai que ce n’est pas trépidant. Les visages sont presque impassibles, fermés, en cire. Kaurismäki filme peu d’expressions,
les sentiments sont ravalés, contenus, le phrasé atone. C’est un langage à part dans le cinéma,
un des rares metteurs en scène à avoir un style à lui, reconnaissable entre mille. La fin est-elle happy ou pas, là est la question, le réalisateur nous laisse le choix de clore cette histoire, optimiste ou désenchantée...
DE L'AUTRE COTE DE L'ESPOIR
couleur - 1h40 - 1:1.85
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Une ambiance froide, clinique avec des personnages désabusés mais une réalité sans complaisance illustrée par des scènes cocasses. J'ai bien aimé ce film qui sort des entiers battus.
RépondreSupprimerdes sentiers battues
SupprimerOups ! des sentiers battus
Supprimerles "entiers battus" c'était joli !!!
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