vendredi 7 avril 2017

DE L'AUTRE COTE DE L'ESPOIR de Aki Kaurismäki (2017) par Luc B.


Six ans après LE HAVRE, dont nous avions déjà parlé Le Havre Aki Kaurismäki revient au même thème : les réfugiés. Comme quoi, rien n’a vraiment changé entre temps. Dans LE HAVRE, la police pourchassait des clandestins échappés d’une remorque de camion, un gamin trouvait refuge chez un cireur de chaussures. Dans DE L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR, c’est d’un cargo dont descend Khaled, réfugié d’Alep, en Syrie, où sa famille a été décimée. Il a traversé l’Europe en long et en large, avec sa sœur, avant d’atterrir à Helsinki, où il tente d’être naturalisé.

On connait le style particulier de Kaurismäki, une esthétique hors d'âge (proche parfois du Réalisme Poétique français), un cinéma épuré, visuel, des couleurs en aplat, peu de mouvement d’appareil, de rares dialogues, c’est tout. On pense à la ligne claire en bande dessinée, au cinéma muet, et Chaplin en particulier, par l’humanité qui se dégage de ses histoires.

L’image va à l’essentiel, elle montre une situation, la plus explicite possible. On suit donc le parcours de Khaled, sa descente du bateau, les douches publiques, la déclaration au commissariat, les abris de nuit. Il y fait la connaissance de Mazdak, réfugié irakien. Kaurismäki pointe la solidarité qui unit ces hommes, et tous les marginaux, musiciens de rue, exclus. Il montre aussi le long et laborieux processus judiciaire pour être reconnu réfugié politique. Et la réalité de la rue, les agressions, les milices néo-nazi.   

Un second récit nous montre un vendeur de chemise ambulant, Wikhström, se débarrasser de son stock et accessoirement de sa femme alcoolique, pour réaliser son rêve : reprendre un restaurant. C’est la partie plus amusante et truculente du film, « La chope dorée » est un rade désert, le plat du jour est identique, des sardines servies à même la boite. Wikhström et ses trois employés échappent de peu au contrôle de l’Hygiène, et décident - pour plus de profit ! - de se recycler dans le sushi !

Wikhström et Khaled vont se rencontrer, le premier donnera du travail au second. Kaurismäki raconte à la fois la difficulté à s’intégrer, la complexité administrative, la violence des situations, et l’extrême simplicité de ce qu’on pourrait faire : être solidaire. Si Khaled est souvent menacé par des cranes-rasés, il doit son salut à beaucoup d’intervenants : musiciens de rue, SDF, le réfugié Mazdak, une infirmière, et tas de gens qui, sans poser de question, donnent un coup de main.

Le film n’est jamais moralisateur, pleurnichard, c’est assez clinique, froid, on montre juste des gens agir, et le faire avec humanité. DE L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR joue sur le registre de la comédie, aligne les trognes, égrène quelques gags burlesques. Si la poésie de la mise en scène rend les choses plus légères à l’écran, elles ne sont pas moins profondes, moins tragiques. Le film est baigné de musique (on se souvient dans LE HAVRE la participation de Little Bob !) Kaurismäki reste dans le blues-folk, beaucoup de guitaristes défilent, la scène locale j’imagine (dont Tuomari Nurmio, alias Judge Bone), une grande photo d’Hendrix trône dans la salle du restau.

Le faux rythme peut gêner parfois, c’est vrai que ce n’est pas trépidant. Les visages sont presque impassibles, fermés, en cire. Kaurismäki filme peu d’expressions, les sentiments sont ravalés, contenus, le phrasé atone. C’est un langage à part dans le cinéma, un des rares metteurs en scène à avoir un style à lui, reconnaissable entre mille. La fin est-elle happy ou pas, là est la question, le réalisateur nous laisse le choix de clore cette histoire, optimiste ou désenchantée... 



DE L'AUTRE COTE DE L'ESPOI
couleur - 1h40 - 1:1.85  
  

000

4 commentaires:

  1. Gege-blues10/4/17 09:48

    Une ambiance froide, clinique avec des personnages désabusés mais une réalité sans complaisance illustrée par des scènes cocasses. J'ai bien aimé ce film qui sort des entiers battus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Gege-blues10/4/17 09:50

      des sentiers battues

      Supprimer
    2. Gege-blues10/4/17 11:44

      Oups ! des sentiers battus

      Supprimer
  2. les "entiers battus" c'était joli !!!

    RépondreSupprimer