A mon père...
Citation
en ouverture du roman : « Certains
ne deviennent jamais fous, leurs vies doivent être bien
ennuyeuses ». Charles
Bukowski.
C'est avec une
certaine appréhension, je l'avoue, que je reprends ma plume
aujourd'hui.
Plus de 2 ans sans
écrire la moindre ligne, c'est très long, mais votre vieille Foxy a
eu une longue traversée du désert... Pardonnez donc mes maladresses
de style, il faut que je me retrouve...
J'ai décidé de vous
parler d'un livre à la beauté saisissante, ou l'émotion traverse
chaque page, entre douleur, désolation ou éclat de rire, j'ai nommé
le très beau « En attendant Bojangles » d'Olivier
Bourdeaut.
Allez savoir pourquoi
un livre nous tombe dessus, un peu comme une histoire d'amour, nous
ouvre une porte qu'on croyait fermée à jamais, efface le temps,
l'espace et nous laisse en état de grâce.
« En attendant
Bojangles », c'est
l'histoire d'un drame familial, porté par une écriture pudique et
solaire, qui ne sombre jamais dans le pathos.
C'est
l'histoire de la folie d'une femme, tour a tour exubérante,
femme-enfant, femme-mère, dont la personnalité exaltée emporte
tout sur son passage, une « vie
à l'envers », que
son fils va découvrir avec son regard d'enfant, émerveillé, puis
inquiet de cette vie qui ne ressemble à aucune autre.
Parce
que dans cette famille hors du commun, on fait la fête du matin au
soir, on danse sur « Mr Bojangles » de Nina Simone, on se
taquine, on se ré-invente chaque jour, on habite avec un bel oiseau
de Numibie nommé Madame Superfétatoire, on se moque des conventions
et des bienséances... Tout tourne autour de cette mère
extravagante et de son univers...
Mais
très vite, on sent que quelque chose ne tourne pas rond dans cette
fête perpétuelle, on devine les signes, les fêlures de cette folie
qui couve jusqu'à l'explosion, le drame inéluctable.
Le
livre est écrit à travers les souvenirs d'un enfant qui ne comprend
pas toujours ce qu'il perçoit de la réalité, mais qui est heureux
avec ses parents, car dans le fond, il baigne dans de l'amour à
l'état pur. Entre le récit de cette tranche de vie contée à
travers les yeux d'un enfant, il y a quelques extraits des carnets de
son père, confronté à la maladie de sa femme : « Je voyais bien qu’elle n’avait pas
toute sa tête, que ses yeux verts délirants cachaient des failles
secrètes… »
« Je
m'étais dis que j'étais moi aussi légèrement frappé de folie et
que je ne pouvais décemment pas m'amouracher d'une femme qui l'était
totalement, que notre union s'apparenterait à celle d'un unijambiste
et d'une femme tronc, que cette relation ne pouvait que claudiquer ,
avancer à tâtons dans d'improbables directions. »
« C'était
à peine visible à l’œil nu, mais il y avait un changement d'air,
d'humeur autour d'elle.
Nous
n'avons rien vu, seulement senti. Sur elle, il y avait de petits
riens, dans ses gestes, le clignement de ses cils , ses
applaudissements , un tempo différent. Nous nous étions dit que son
originalité continuait à monter les escaliers, qu'elle avait
atteint un nouveau palier ».
Le
roman est donc ponctué de scènes tour à tour loufoques, fantasques
ou tragiques, jusqu'au premier drame, un incendie, qui va conduire
cette femme aux mille excès dans un asile psychiatrique,
où elle va côtoyer des « déménagés
du ciboulot »
toujours sous les yeux de son fils et de son mari, devenant même la
reine de cette cour des miracles, faite de pauvres âmes, telles
Yaourt, Sven ou Bulle d'Air.
Ce qu'il faut retenir de tout ça, c'est qu'il est très difficile
d'expliquer le drame de la maladie mentale, que l'on soit un enfant
ou un adulte. Car la folie ne s'invite pas dans une famille, elle
s'impose, elle est peut-être amusante au début voire anecdotique,
puis elle blesse et détruit, et dans ce roman, l'issue fatale ne
fait pas exception à cette règle.
On assiste jusqu'au bout à la tentative désespérée de cet homme
et de cet enfant de sauver cette femme d'elle-même et de ses démons,
jusqu'en Espagne, terre qui va sceller le destin de cette famille.
« J'avais
très bien compris qu'elle voulait s'endormir pour toujours, car il
n'y avait qu'en dormant qu'elle pouvait éloigner ses démons et nous
épargner ses moments de démence. Elle avait décidé ça, et même
si c'était triste comme solution, j'avais pensé qu'elle avait ses
raisons.... »
Premier roman de son auteur, Olivier Bourdeaut,
écrit à l'âge de 36 ans, je ne peux que saluer cette écriture à
fleur de mots, qui m'a littéralement bouleversée et a étrangement
raisonné en moi.
Malgré
le sujet traité, « En attendant Bojangles »
nous laisse, certes, une impression de tristesse, mais ce que l'on
retient principalement, c'est cette merveilleuse histoire d'amour,
cette lumière qui éclabousse tout pour ne donner, dans le fond,
qu'un récit d'une pureté et d'une incroyable poésie.
Voilà donc une très jolie pépite à
découvrir...
on se quitte en musique avec le titre en question de Nina :
Ah ben que voilà une bonne nouvelle! Depuis la "disparition" d'Elodie , la littérature se trouvait singulièrement absente de ce Debloc.....donc super! " En attendant Bojangle" est assurément une des plus belles réussites de 2016. Quant'a la chanson titre , je préfère l'originale , de Jerry Jeff Walker un song-writer américain. Il existe une excellente version par le groupe de country Nitty Gritty Dirt Band.
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