Wilkie Collins |
J’avais envie de me lancer dans
un roman victorien, entre deux polars, l’histoire de la Gestapo en France (on y
reviendra, sujet léger…) bios de rocker, et je tombe sur cette
DAME EN BLANC, dont la quatrième de couverture nous dit : comment a-t-on
pu oublier cet écrivain magnifique et ce livre, qualifié de meilleur roman
policier de langue anglaise ? Par les saintes culottes de MacGregor ! Comme dirait mon bon ami le Philip Mortimer...
Wilkie Collins (1824 – 1889), grand ami de Charles Dickens avec qui il a écrit à quatre mains, accessoirement dépendant à l’opium pour soulager sa goutte, écrit LA DAME EN BLANC en 1859, et rencontre un succès foudroyant,
qui ne se dément pas pendant dix ans. On dit de PIERRE DE LUNE (1868) qu’il est
le premier roman de détective. Deux livres qui reposent sur une trame criminelle,
avec une structure de narration originale. Wilkie Collins use d’un patchwork de
points de vue, pour reconstituer une intrigue ardue.
Walter Hartright en est le
héros. Un professeur de dessin, londonien, qui un soir rencontre une femme toute
vêtue de blanc, lui réclamant son aide. C’est Ann Catherick, qui
se prétend poursuivie par des hommes. Ces événements nous sont racontés par
Hartright, le premier narrateur de l'histoire. Car Wilkie Collins nous prévient que suite à des imprévus, et devant la complexité des faits, il devra faire intervenir d'autres narrateurs...
Conseillé par un ami italien,
Pesca, notre professeur accepte de se rendre à la campagne, dans le Cumberland,
à Limmeridge House, chez Mr Fairlie, riche maniaque hypocondriaque, donner des
cours à deux jeunes filles : Marian et Laura. La première est une jeune
fille réfléchie, un caractère indépendant, de la graine de suffragette. La
seconde est sensible, émotive, belle comme le jour. Et ressemble à s’y
méprendre à Ann Catherick… Hum hum… Laura et Walter s’aimeront. Platoniquement. Dans ces romans, on ne trousse pas les filles dans une écurie, on leur effleure les cheveux, et c'est déjà osé.
Mais Laura est promise à un baronnet,
Sir Percival Glyde. Adorable, galant, amoureux éperdu, mais dont on va
rapidement se méfier. Comme de son compère (ou complice) le machiavélique et chimiste à ses
heures : le comte Fosco. Flanqué d’une femme trop servile pour être
honnête. Est-ce un mariage arrangé dans le but d’épouser la fortune de
Laura ? Une étrange femme semble le croire, qui cherche à faire capoter la noce en divulguant un odieux secret sur Sir Percival. Cette femme, simple d’esprit,
échappée de l’asile : c’est Ann Catherick. Walter Hartright ne croyant pas
au hasard, il se lie avec Marian pour enquêter…
Mais voilà, on lui met des
bâtons dans les roues, on le renvoie, et le personnage quitte provisoirement le
roman. Wilkie Collins a donc recours à d’autres narrateurs : Marian, qui rédige un
journal dont on peut lire des extraits choisis, mais aussi la version de Miss Michelson, une
gouvernante, comme le témoignage de Mr. Fairlie, ou des lettres échangées et autres récits
des uns et des autres. Beaucoup de personnages peuplent le roman, dont il faut
se souvenir.
C’est ce qui fait toute l’originalité
de ce roman, le lecteur devant reconstituer le puzzle. Comme le fera Walter
Hartright, qui revient dans la troisième partie, qui va devoir retracer les
faits et gestes de Sir Percival, Fosco et leur clique, dénouer les fils du
complot. Et à cette époque, pas d’ADN, de smartphone, de mails, donc on écrit
des lettres cachetées, on prend des fiacres, on passe trois jours à voyager
pour recueillir un témoignage.
Le style est fameux, richement
orné, de l'imparfait du subjonctif en veux-tu en voilà, c’est du pur victorien, on pense à des ambiances à la REBECCA. Beaucoup
de descriptions, des portraits intimes riches, les élans amoureux sont
subtilement dépeints. Le rythme est lent, mais dans la première et troisième partie,
les évènements sont suffisamment nombreux pour retenir l’attention. L’auteur distille
un je ne sais quoi d’inquiétant, paranoïaque. Derrière ces grands bourgeois se
cachent des êtres prêts à tout pour ne pas perdre de leur superbe, garder leurs
rangs.
LA DAME EN BLANC souffre tout de
même de quelques longueurs, ramollissements et redondances. Inévitable lorsqu’on
confronte les points de vue, où chacun raconte sa version. Le récit de Marian,
via son journal, est un peu longuet, mais on évite de
trop sauter de pages, car des éléments importants peuvent être dits. On pense à
une simple histoire de dette et de dot, mais le secret de Sir Percival est plus
compromettant encore, et aux développements inattendus. Un parfum d'Eugène Sue et de feuilleton plane sur les derniers chapitres.
Ce roman a été adapté trois
fois au cinéma, à la télé, en série… C’est un plaisir de lecture, confortable,
qui sent un peu la poussière, le feuillet jauni, juste ce qu’il faut pour en
apprécier le charme. Le qualificatif de premier roman policier (qu’il dispute à
l’œuvre de Edgar Alan Poe) n’est pas usurpé, le dénouement l’atteste, les
nombreux indices et fausses pistes aussi, mais ne vous attendez pas à un
thriller survolté, à moins que vous ne considériez BARRY LYNDON comme un grand film d'action !
LA DAME EN BLANC (THE WOMAN IN WHITE)
554 pages, aux éditions Phébus (mais disponible dans de nombreuses versions)
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