vendredi 23 décembre 2016

JEAN JACQUES MILTEAU "Blue 3 rd" (2003) par Luc B.


Il est étonnant ce Jean Jacques Milteau, parce que lorsqu’on regarde la liste des gens avec lesquels il a travaillés, on y trouve, en France, beaucoup de chanteurs de variété. C’est pas péjoratif, c’est un fait.  Les Goldman, Le Forestier, Mitchell… m'enfin, accompagner Patricia Kass sur scène est-il vraiment un gage de virtuosité à l’harmonica ?

Et puis d’un autre côté, il enregistre dans son coin, depuis le milieu des années 70, et ses livraisons se font de plus en plus régulières, surtout depuis qu’il a formé une équipe de fidèles, comme le pianiste et co-compositeur Benoit Sourisse, et le producteur Sebastian Danchin. Travailler aux Etats Unis lui permet aussi de jouer avec pas mal de pointures, Eric Bibb, Poppa Chubby, et jammer avec ses idoles. On a donc affaire avec un gars éclectique.

En 2001, il sort l’album MEMPHIS, enregistré aux Etats Unis, avec des musiciens américains, mais aussi quelques invités au micro (puisque JJ Milteau ne chante pas) comme Mighty Mo Rodgers. Suite du projet, ce BLUE 3rd, en 2003, enregistré dans le New Jersey.

Terry Callier
Le seul souci de cet album ? C’est sans doute que le premier titre, « Blues 3rd » soit le meilleur du lot. Un instrumental funky, développé sur un motif simple, festif, un côté Nouvelle Orléans avec les cuivres, le piccolo de Bobby Rangell, qui perce comme chez Lalo Schriffin, un pont qui rappelle le « Mercy mercy mercy » de Joe Zawinul. Le morceau ressemble à une jam, y’a même un chorus de batterie, bref, entrée en matière alléchante. La suite est une ballade soul, superbe, « The lonely knows » chantée par N’Dambi. Je précise que, sauf nommé, les compos sont de Milteau et Sourisse.

Un instru encore avec « Pride Street », une soul qui lorgne vers le reggae, avec ces contretemps de l’Hammond, joli chorus du guitariste Manu Galvin, lui aussi accompagnateur chez Forestier, Renaud, Birkin. Et un blues mid-temo « Some kind of pressure », de et avec Terry Callier au micro. Un natif de Chicago, copain d’enfance de Curtis Mayfield, qui enregistre depuis les années 60. Du p’tit lait.

Une reprise avec sautillant et funky «The Turtle walk » écrite par Lou Donaldson. C’était un saxophoniste (enfin, c’est toujours, il est encore en vie, 90 balais) qui a beaucoup donner dans le hard-bop, Art Blakey, Jimmy Smith, mais aussi Thélonius Monk. En fait, c’est un blues, dans sa forme, chorus à gogo, et après celui du sax baryton, paf, changement de tonalité quand déboule l’Hammond, ça fait toujours son p’tit effet !   

Benoit Sourisse
On pense à Isaac Hayes pour la suite « Home is where the hatred is », chantée et écrite par Gil Scott Heron, sur une grosse ligne de basse funky. Heron était un poète qui scandait ses textes, avant le rap, dans la tradition aussi du Free Jazz. Ensuite Milteau en trio jazzy sur « Rainy day in jersey », ça sent le vécu, accompagné juste de Sourcisse au piano, et contrebasse-batterie. N’Dambi revient à la soul, sur un tempo plus enlevé, avec  « Daddy’s gone ». Et puis un tout petit duo d’une minute trente, harmonica / tuba, sympa.

Un shuffle ensuite avec « Englewood » (le bled où ils ont enregistré), bien ternaire, mais ce n’est pas un blues, un instrumental swinguant reposant sur un dialogue orgue et harmonica. Sympa. Terry Callier revient avec « Paris blues », une ballade d’atmosphère, qu’on aurait bien faite durer encore un peu. Les titres de ce disque font 3 ou 4 minutes généralement.

On finit avec deux instrumentaux, « Sunday Morning » qui ne se distingue vraiment que par son chorus de tuba, puis la scie « What a wonderful world » popularisée par Louis Armstrong. Départ en fanfare, c’est le cas de le dire, une harmonie de soufflants funky, qu’on ne retrouve qu'à la fin. Entre les deux, on aurait aimé davantage de digressions, Milteau joue la mélodie du chant, sur fond de Fender Rhodes, y’a même une guitare acoustique qui traine derrière, mais à mon goût trop respectueuse ou scolaire. On aurait pu trouver ça sur un disque d’Albert Raisner.

Malgré une fin d’album un peu mitigée à mon sens, voilà un disque cosi, qui fleure bon le funk, moelleux, des effluves de la Nouvelle Orléans, ou des odeurs plus urbaines, dominé par les sons clairs de Jean Jacques Milteau. On est davantage chez Toots Thielemans ou Stevie Wonder que chez James Cotton ou Howlin’ Wolf. Et le leader partage généreusement le micro, avec ses invités quatre étoiles, et ses musiciens.
   
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1 commentaire:

  1. Un excellent disque. Intemporel.
    Celui-ci avec "Memphis", "Soul Conversation" et "Fragile", ainsi que "Live, Hot'n'Blue", ont une place de choix dans ma CDthèque.

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