Il
est étonnant ce Jean Jacques Milteau, parce que lorsqu’on regarde la liste des
gens avec lesquels il a travaillés, on y trouve, en France, beaucoup de
chanteurs de variété. C’est pas péjoratif, c’est un fait. Les Goldman, Le Forestier, Mitchell… m'enfin, accompagner Patricia Kass sur scène est-il vraiment un gage de virtuosité à l’harmonica ?
Et
puis d’un autre côté, il enregistre dans son coin, depuis le milieu des années
70, et ses livraisons se font de plus en plus régulières, surtout depuis qu’il
a formé une équipe de fidèles, comme le pianiste et co-compositeur Benoit
Sourisse, et le producteur Sebastian Danchin. Travailler aux Etats Unis lui
permet aussi de jouer avec pas mal de pointures, Eric Bibb, Poppa Chubby, et
jammer avec ses idoles. On a donc affaire avec un gars éclectique.
En
2001, il sort l’album MEMPHIS, enregistré aux Etats Unis, avec des musiciens
américains, mais aussi quelques invités au micro (puisque JJ Milteau ne chante
pas) comme Mighty Mo Rodgers. Suite du projet, ce BLUE 3rd, en 2003, enregistré
dans le New Jersey.
Terry Callier |
Le
seul souci de cet album ? C’est sans doute que le premier titre, « Blues
3rd » soit le meilleur du lot. Un instrumental funky, développé sur un
motif simple, festif, un côté Nouvelle Orléans avec les cuivres, le piccolo de
Bobby Rangell, qui perce comme chez Lalo Schriffin, un pont qui rappelle le « Mercy
mercy mercy » de Joe Zawinul. Le morceau ressemble à une jam, y’a même un
chorus de batterie, bref, entrée en matière alléchante. La suite est une
ballade soul, superbe, « The lonely knows » chantée par N’Dambi. Je précise
que, sauf nommé, les compos sont de Milteau et Sourisse.
Un
instru encore avec « Pride Street », une soul qui lorgne vers le
reggae, avec ces contretemps de l’Hammond, joli chorus du guitariste Manu Galvin,
lui aussi accompagnateur chez Forestier, Renaud, Birkin. Et un blues mid-temo « Some
kind of pressure », de et avec Terry Callier au micro. Un natif de
Chicago, copain d’enfance de Curtis Mayfield, qui enregistre depuis les années
60. Du p’tit lait.
Une
reprise avec sautillant et funky «The Turtle walk » écrite par Lou Donaldson.
C’était un saxophoniste (enfin, c’est toujours, il est encore en vie, 90
balais) qui a beaucoup donner dans le hard-bop, Art Blakey, Jimmy Smith, mais
aussi Thélonius Monk. En fait, c’est un blues, dans sa forme, chorus à gogo, et
après celui du sax baryton, paf, changement de tonalité quand déboule l’Hammond,
ça fait toujours son p’tit effet !
Benoit Sourisse |
On
pense à Isaac Hayes pour la suite « Home is where the hatred is »,
chantée et écrite par Gil Scott Heron, sur une grosse ligne de basse funky. Heron
était un poète qui scandait ses textes, avant le rap, dans la tradition aussi
du Free Jazz. Ensuite Milteau en trio jazzy sur « Rainy day in jersey »,
ça sent le vécu, accompagné juste de Sourcisse au piano, et
contrebasse-batterie. N’Dambi revient à la soul, sur un tempo plus enlevé, avec
« Daddy’s gone ». Et puis un
tout petit duo d’une minute trente, harmonica / tuba, sympa.
Un
shuffle ensuite avec « Englewood » (le bled où ils ont enregistré),
bien ternaire, mais ce n’est pas un blues, un instrumental swinguant reposant
sur un dialogue orgue et harmonica. Sympa. Terry Callier revient avec « Paris
blues », une ballade d’atmosphère, qu’on aurait bien faite durer encore un
peu. Les titres de ce disque font 3 ou 4 minutes généralement.
On
finit avec deux instrumentaux, « Sunday Morning » qui ne se distingue
vraiment que par son chorus de tuba, puis la scie « What a wonderful world »
popularisée par Louis Armstrong. Départ en fanfare, c’est le cas de le dire, une
harmonie de soufflants funky, qu’on ne retrouve qu'à la fin. Entre les deux, on aurait
aimé davantage de digressions, Milteau joue la mélodie du chant, sur fond de Fender
Rhodes, y’a même une guitare acoustique qui traine derrière, mais à mon goût
trop respectueuse ou scolaire. On aurait pu trouver ça sur un disque d’Albert Raisner.
Malgré
une fin d’album un peu mitigée à mon sens, voilà un disque cosi, qui fleure bon
le funk, moelleux, des effluves de la Nouvelle Orléans, ou des odeurs plus
urbaines, dominé par les sons clairs de Jean Jacques Milteau. On est davantage
chez Toots Thielemans ou Stevie Wonder que chez James Cotton ou Howlin’ Wolf.
Et le leader partage généreusement le micro, avec ses invités quatre étoiles,
et ses musiciens.
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Un excellent disque. Intemporel.
RépondreSupprimerCelui-ci avec "Memphis", "Soul Conversation" et "Fragile", ainsi que "Live, Hot'n'Blue", ont une place de choix dans ma CDthèque.