J’avais
lu l’autobiographie
de Kirk Douglas, LE FILS DU CHIFFONNIER (1988), beau succès de librairie, j’en
garde le portrait d’un homme engagé, au caractère bien trempé, et très actif
auprès de la gent féminine. Ce qui avait fait polémique, Douglas n’hésitant pas
à nommer ses conquêtes, et force détails croustillants. Ce qui était assez
inédit à l’époque. Il y parlait aussi de ses origines juives, ne comprenant pas les remarques antisémites à son égard, alors qu'il est né sur le sol américain.
La Griffe du Passé, avec Robert Mitchum |
Avec Burt Lancaster |
Retour
au théâtre new yorkais, puis un petit rôle au cinéma dans L’EMPRISE DU CRIME (bonne petite
série B avec Barbara Steinwick, 1946, que j'ai vue, les joies des DVD à 1 euro en supermarché...). Point de départ d’une des plus
fabuleuses carrières qui soit, avec pour apéritif un classique du Film
Noir, LA GRIFFE DU PASSE (1947, Jacques Tourneur, avec Robert Mitchum) et
CHAINES CONJUGALES (1949, Joseph L. Mankiewicz).
Kirk
Douglas a 100 ans aujourd’hui ! Sa femme, 97 ! C’est Anne Buydens, d’origine allemande, passée en Belgique puis en France, raison pour laquelle Kirk Douglas manie un peu le
français, comme son fils Michael.
Tout
le monde connait la gueule de Kirk Douglas, et sa fossette au menton. Visage taillé à la serpe, buste d’athlète (comme son pote Burt Lancaster, 7 ou 8 films en commun), alors que ce n'est pas un grand gabarit. Une réelle présence à l'écran, un jeu tantôt sobre ou halluciné selon les rôles (donc pas de maniérisme), un animal, mais doté d'une grande classe, charmeur et l’œil
rieur, ou le sourire carnassier et le regard plus dur et froid que l'acier. Son jeu n'est pas cérébral, comme les Paul Newman, Pacino, et ceux de l'Actor Studio, davantage physique, mais je trouve qu'il fait le lien avec cette génération, dans ses choix, ses compositions. Et la voix. J'adore sa voix, son timbre, y compris dans les VF ! Il n'était pas l'archétype du brun ténébreux, normal, il était blond aux yeux bleus. Il a joué pas mal de salauds, de cyniques, de
mégalos. Il tourne tous les genres,
western, polar, guerre, péplum, drame… Et pas des moindres ! Et pas avec n’importe
qui. Kirk Douglas n’était pas lié à des studios, il signait des contrats avec
des producteurs, pour deux ou trois films, puis partait ailleurs.
Avec Kubrick sur Les Sentiers de la Gloire |
Spartacus |
On
se souvient de sa méga production SPARTACUS (Stanley Kubrick, 1960) où il
embauche le scénariste Dalton Trumbo, alors black-listé pour amitiés communistes. Fallait le faire... A l’origine, il avait confié la mise en scène à son ami Anthony
Mann, mais rapidement ce choix s’avère mauvais. Mann n’arrive pas à prendre la mesure du projet. Douglas congédie Mann avec la promesse (tenue) de retravailler bientôt avec lui, et fait appel à Stanley Kubrick, suffisamment effronté et orgueilleux pense-t-il pour reprendre un tournage avec des monstres comme Charles Laughton ou Laurence Olivier. Bonne pioche. Douglas avait mis sa notoriété au service du jeune Kubrick, rendant possible LES SENTIERS DE LA GLOIRE (1957), charge antimilitariste. Deux collaborations qui ont
fait dire à Douglas : « Sur un plateau, Kubrick est un génie. Dans la
vie, c’est un sale con ! ». C’est - entre autre - parce qu’il ne
supportait pas l’ingérence de son producteur sur SPARTACUS, que Kubrick ne concevra ses prochains films qu'avec un contrôle total.
Kirk
Douglas en colonel Dax, arpentant, déterminé, les tranchées militaires, précédé
par les travellings arrières de Kubrick, reste parmi les images les plus marquantes de
sa filmographie, et de mon panthéon personnel...
Le Gouffre aux Chimères |
Van Gogh |
Le
cowboy épris de liberté, sera repris dans un film contemporain, un de ses plus beaux :
SEULS LES INDOMPTÉS (1962), encore écrit par Dalton Trumbo. Kirk Douglas y passe
à la réalisation, superbe scope noir et blanc, insatisfait du travail de David Miller, pourtant crédité. Revu il y a peu à la télé, c'est un film superbe. Les années 60 sont marquées par de grandes productions, LES HÉROS DE
TELEMARK (1965, Anthony Mann), PARIS BRULE-T-IL (1966, René Clément), films
plus politiques comme SEPT JOURS EN MAI (1964, John Frankenheimer, avec aussi
Burt Lancaster) et un John Huston potache LE DERNIER SUR LA LISTE, où Kirk
Douglas, méconnaissable, maquillé, interprète quatre rôles. Il s’y amuse
beaucoup avec Mitchum, Lancaster et Tony Curtis.
avec lui même... dans L'Arrangement |
La
suite est plus anecdotique, mais il y aura ce curieux et sarcastique western de
Joseph Mankiewicz, LE REPTILE, avec aussi Henry Fonda, richement dialogué, décalé, mais dont les effets de
réalisation ont vieilli. Kirk Douglas repasse à la réalisation avec SCALAWAG
(1973) adaptation de L'ILE AU TRÉSOR, un four total, ratage complet, au contraire de LA BRIGADE
DU TEXAS (1975) autre western où Douglas s’offre le rôle d’un marshall
populiste et ambitieux. La réalisation est soignée, c’est à la fois un
spectacle d’aventure et une réflexion ironique sur le pouvoir et la justice. Mais le
film ne fonctionne pas, et Douglas laisse définitivement tomber la caméra.
On
le voit chez Brian de Palma dans FURY (1978), bof, dans RETOUR VERS LE NIMITZ (1980)
aventures spatio-temporelles qui fait travailler les méninges, et qui revu récemment tient sacrément bien la route. Et l'improbable SATURN 3, un machin de science-fiction dirigé par Stanley Donen
(oui, l'auteur de CHANTONS SOUS LA PLUIE et CHARADE !) qui trône haut à la
rubrique des nanars cultes !
Martin Sheen et James Farentino, Le Nimitz |
Kirk Douglas a écrit aussi trois romans, et a publié le quatrième tome de
son autobiographie. C’est pas une belle carrière ça ? Hawks, Wilder, Huston,
Kubrick, Minnelli, Mankiewicz, Kazan…
Un
siècle ! Merde ! Y’en a pas beaucoup qui ont passé le cap ! Il
pourra sans doute trinquer avec Olivia de Havilland (100 piges aussi)
inviter pour le dessert Gisèle Casadesus (102 ans),
Zsa Zsa Gabor (99 ans) ou Michèle Morgan (96 ans)…
Bon
anniversaire cher Kirk !!! Longue vie !!! Et je vous fais parvenir au plus vite mon scénario sur la vie de Jeanne Calment, les raccords maquillage ne devraient coûter trop cher.
Je ne vais pas vous montrer des extraits de film (lequel choisir ?) mais de télé. Une soirée des Oscars, avec Burt Lancaster, la chanson est sur le thème de : "ah quelle chance de ne pas être nominé". C'est juste génial. Et un journal de F2, où il parle français.
Bon, vous l'aurez compris : j'adore ce mec.
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Pour un gars qui a joué le rôle du tuberculeux doc Holliday dans "Règlements de comptes à OK Corral", il a bien tenue le coup !
RépondreSupprimerVoilà qui me laisse pantois. Quel homme ! Quel belle personne ! et quelle carrière également. En voilà un qui, le jour "J", pourra s'en aller le cœur apaisé et bien rempli aussi.
RépondreSupprimerThanks Mr Luc.
Entièrement d'accord, quoique...Pour avoir visionné X fois Les Sentiers de la gloire, que je passais en classe dans une ville où il y a une des plus grosses bases aériennes françaises et une caserne de gendarmes mobiles, et donc des fils de ...., je suis moins catégorique sur le caractère antimilitariste du film. Enfin, moins catégorique, non, franchement en désaccord. Dax est l'officier modèle, courageux, à l'écoute de ses hommes...etc. Ce qui est attaqué dans le film, c'est moins l'armée comme institution que certains de ses représentants, cyniques et arrivistes (les généraux Miraud et Broulard). A la fin, après l'épisode lacrymal, tout le monde repart de plus belle. On attend le film sur les épisodes de fraternisation et les mutineries, férocement réprimés, qui sera lui, par force, antimilitariste. C'est pas pour tout de suite, à mon avis, vu le crédit dont jouissent actuellement les culottes de peau.
RépondreSupprimerRemarque incidente que tu ne prendras pas mal: on dit la gent féminine et non pas la gente féminine (on n'accorde gent que lorsqu'il est adjectif): c'est un des mes poils à gratter, comme conséquent à la place d'important ou en charge de.
Corrigé. Merci. En plus, je le savais...
SupprimerPour les Sentiers de la Gloire, on va en reparler très bientôt. Ce que Kubrick pointe, c'est l'absurdité de la chose, comme dans FOLAMOUR, ou BARRY LYNDON. C'est l'autorité qu'il fustige. Ce qui le fascine. Ce n'est pas contre une armée (Kubrick n'avait jamais fait de guerre, trop jeune, puis trop vieux) mais contre les imbéciles qui dirigent l'armée. C'est en ce sens antimilitariste. Si l'armée est contrôlée par des fous, alors il faut être antimilitariste.