- Un petit morceau de 7
minutes du grand Fauré M'sieur Claude ? Je pense que c'est surtout de la violoncelliste
Jacqueline du Pré dont vous voulez nous parlez. Une française ?
- Son prénom était
trompeur. Cette virtuose était anglaise et ses disques sont hélas rares car elle a connu
une carrière de moins dix ans !
- Ah ? Un accident, je ne
situe pas cette instrumentiste dans le temps…
- Non pire, la sclérose en
plaques (une maladie qui fout la trouille) l'a privée de son agilité vers 27
ans, un âge maudit pour d'autres artistes dans d'autres genres…
- Oui le drame absolu pour
un musicien, comme la surdité de Beethoven qui a pourtant continué de composer,
mais là, pas d'issue… Sinon, sympa cette élégie ?
- Oui, une pièce dans le
ton nocturne et nostalgique dont le compositeur français avait le secret.
Jacqueline du Pré et Daniel Barenboïm |
La
fillette voit le jour à Oxford en 1945
dans une famille qui a quitté Jersey pour s'installer en Grande Bretagne. C'est
en écoutant la BBC, que la gamine de quatre ans tombe sous le charme du son
velouté et viril du violoncelle. Premières leçons avec sa mère puis la voie
royale des conservatoires de Londres. Premier concours radiodiffusé sur la BBC
pour ses douze ans. Arrivent les années de perfectionnement avec les plus
grands de son temps : Mstislav Rostropovitch,
Paul Tortelier, et Pablo
Casals déjà âgé et vivant en Suisse.
En
1965, à seulement vingt ans, Jacqueline du Pré est propulsée au-devant
de la scène en interprétant le difficile concerto d'Edward
Elgar accompagnée par l'orchestre
symphonique de Londres dirigé par Sir
John Barbirolli (Clic). Lors de ce concert, elle joue pour la
première fois sur Son violoncelle offert par un mécène : le stradivarius
Davidov. Cet instrument est utilisé
actuellement par le violoncelliste américain d'origine chinoise Yo-Yo Ma.
Sa
carrière démarre en flèche sur les plus grandes scènes de la planète.
L'industrie du disque, notamment EMI,
lui ouvre les portes des studios. En 1966,
elle rencontre le pianiste Daniel Barenboïm
(qui deviendra aussi un chef d'orchestre renommé). Les deux jeunes artistes se marient,
et l'on peut dire que la clé de voute du couple sera musicale puisque l'on les
rencontrera souvent ensemble dans le répertoire des sonates pour piano violoncelle
comme celles de Beethoven… Jacqueline se
convertit au judaïsme et fait ainsi partie de ce groupe surnommé avec ironie par les
intéressés "la mafia juive", en compagnie de Itzhak Perlman,
Pinchas Zukerman et Zubin
Mehta (qui n'est d'ailleurs pas juif mais dirige avec succès en Israël).
Tardivement, les torchons de
tabloïds ont lancé des rumeurs et polémiques sur le goût prononcé
de l'artiste pour la bagatelle, y compris avec son beau-frère. Je préfère m’intéresser au jeu fluide et legato de la belle anglaise.
1972 : Jacqueline
du Pré a 27 ans et son jeu semble moins élégant, ses doigts
comme engourdis ?! Le diagnostic est implacable, et sa carrière à peine commencée
est terminée avec la certitude d'une descente aux enfers : la sclérose en
plaques. 15 ans de dépression, de paralysie évolutive et d'agonie l'attendent. En 1987, la violoncelliste meurt auprès de son mari qui ne l'a jamais abandonnée.
Les
enregistrements sont assez rares du fait d'une carrière de moins de dix ans,
mais restent très attachants. On préférera les gravures d'avant 1970, l'explication est évidente…
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Marie et Gabriel Fauré |
L'élégie
est une courte pièce pour violoncelle et piano composée en 1880. Elle sera
orchestrée plus tard (en passant je recommande l'interprétation de Seiji
Ozawa – ça fera plaisir à Pat Slade qui aime ce chef ☺)
Commenter
dans le détail cette œuvre poétique et mélancolique n'a pas grand intérêt. Un simple morceau pour
toucher l'âme et le cœur. Le piano entonne une marche très rythmée et douce. Le
violoncelle énonce une longue phrase un peu triste dans un clair-obscur
qu'affectionnait le compositeur contemporain de Debussy
et admirateur des mouvements impressionnistes.
Le
piano va conserver ce rythme obsédant dans diverses tonalités puis amorcer un
chant plus lyrique tandis que le violoncelle semble vouloir s'échapper du
discours douloureux qui était le sien.
Pour
cette gravure, Jacqueline du Pré est en
complicité avec Gerald Moore, un pianiste
très connu des amateurs de lieder car il fut l'accompagnateur pendant des
décennies des chanteurs les plus en vue, comme Dietrich
Fischer-Dieskau.
Le
phrasé de Jacqueline du Pré touche au
sublime. Absence de vibrato hors sujet dans cette intime mélopée, une technique destinée à enjoliver de
manière chichiteuse le jeu (le plus souvent chez certains pour masquer le
manque de justesse). Et puis cette œuvre n'a rien de mortifère, et là on
retrouve le jeu limpide, très legato, émouvant et puissant, qui caractérisait l'art de
cette artiste d'exception.
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Quel pièce magnifique ! Gérald Moore au piano que je ne connais que pour un album de lieder avec Dietrich Fischer-Dieskau
RépondreSupprimerUne orchestration par Osawa ? Il vas falloir que je cherche çà !