mercredi 22 juin 2016

RIVAL SONS "Hollow Bones" (juin 2016), by Bruno



     Ceux qui ont pu assister à leurs concerts de l'année précédente, ont pu constater que Rival Sons était réellement un grand groupe. Un groupe capable d'électriser son auditoire, de l'hypnotiser et surtout de l'enchanter. L'engagement et la sincérité, renforcés par des compositions sans failles, ont aisément convaincu et séduit les plus récalcitrants. Pour ma part, j'ai eu la chance d'assister à un des concerts les plus enivrants qu'il m'ait été donné d'assister. Ce sont de véritables magiciens qui ouvrent une porte sur une dimension où le temps s'arrête et où la haine ne peut accéder.

     Depuis 2011, chaque album de Rival Sons qui sort est une fontaine de jouvence, une entité apte à requinquer les plus moribonds. Un truc intemporel et hors des diktats de l'industrie musicale. Une émanation de divinités friandes de Heavy-rock. Un printemps dans ce monde qui semble s'enfoncer dans l'obscurité. Une bénédiction.
L'annonce d'une nouvelle galette ne peut logiquement que réjouir. Bien que les trois précédents opus n'aient pas pris une ride et procurent toujours autant d'excitation et de bien être, soit qu'ils ne lassent pas, l'arrivée d'un nouvel enfant est une joie.
 

   C'est dans ce contexte que l'on se précipite sans retenue, sans même chercher à écouter un quelconque extrait au préalable, sur le dernier disque, qui arrive deux ans pile, jours pour jours, après son prédécesseur (du moins aux Etats-Unis).
« Hollow Bones » à la belle et intrigante pochette (1), à l'allure ésotérique.
Seulement là, cette fois-ci, lorsque l'on place précipitamment le disque dans la platine, on reste quelque peu dubitatif. La voix miraculeuse de Jay Buchanan est là ; la robuste batterie Bonhamienne également de Michael Miley, et David Beste, totalement incorporé, fait le boulot, apportant son quota de groove et de puissance.
     Pourtant, on ne retrouve pas ce formidable et puissant magnétisme, et ce souffle héroïque qui habitent les galettes précédentes. « Hollow Bones Pt. 1 » semble même paresseux en reprenant, assez discrètement, des plans, des licks, de compositions antérieures (dont les « Ohhh hoo hoo »). Guère convaincant, et ces couplets au tempo presque rap n'arrangent rien. Avec « Tied Up » on se rend compte que Scott Holiday a un peu forcé sur ses gadgets. Tels que les Octaver, dont il est friand, et autres harmoniseurs (ou Harmonizer). Il est d'ailleurs passé de deux à trois pedalboards assez fournis (il avoue être un acheteur compulsif d'effets et de tester constamment de nouveaux sons). Ce qui donne sur ces deux premières pièces, une guitare relativement froide (en comparaison avec  l'accoutumée). Peut-être la faute à son nouveau petit joujou : le Micro-synth Bass d'Electro-Harmonix ? Ouaip, c'est un effet conçu à l'origine pour les quatre cordes, mais peut-être que Scott n'est pas au courant ? J'en doute. (Il y en a bien un qui l'utilise pour son tuba)

    « Thundering Voices » suit le même chemin imposé par Scott. Cependant, propulsé par des patterns de batterie époustouflants et un chant vaillant, glorieux, on découvre une pièce polymorphe assez originale, se développant dans divers instants distinctifs ; Rock-progressif, Hard vintage, Heavy-Cold-wave gothique. Hélas, elle s'arrête plutôt abruptement. Comme amputée. Comme si on l'avait muselée avant qu'elle ne puisse s'exprimer pleinement, délivrer tout son jus (sauf si elle n'avait plus rien à donner). C'est déjà le cas avec le précédent, "Tied Up", qui se termine sur un fade out précipité au moment où Holyday tisse de séduisants entrelacs de riffs pagiens. Au moment où le morceau semble décoller. En espérant que ce ne sont pas des coupures exécutées lors d'un travail de finalisation, de l'assemblage des enregistrements, afin de calibrer le morceau pour un format radio.

     La production n'a plus la puissance et la rudesse d'auparavant. La tonalité de la guitare, notamment, a freiné ses (h)ardeurs en se perdant presque dans les effets. Sans toutefois, et heureusement, s'y noyer. Elle a atténué son timbre Heavy, pour s’ébattre dans des eaux quelque peu colorées de psychédélisme. C'est comme s'il y avait moins de présence, moins de mojo. Pourtant, c'est toujours le fidèle Dave Cobb qui est derrière la console (et qui peut participer à la finalisation d'une composition, sa capacité à jouer de différents instruments aidant beaucoup). Cobb qui est présent depuis les débuts discographiques, en 2009, avec "Before the Fire" (toujours uniquement disponible sous forme digitale).


     On respire de soulagement avec « 
Baby Boy » où l'on retrouve, presque, toute la magie et la verve de Rival Sons. Ça sent le Rock'n'Roll et la liberté. Cela bien que les paroles ne s'y prêtent pas vraiment. "The Wolf are hungry, come into your neighbors door. You draw your curtains and lay silent on the floor. Here comes a baby boy with a gun in his hand. Nobodys ever thinks cause I think I shouldn't have to".
« Pretty Face » retrouve la facette Pop rugueuse 60's, inspirée du Swinging London, que le collectif nous a déjà servit précédemment (notamment sur "Pressure & Time"). Todd E. Ogren-Brooks, que l'on a découvert lors de la dernière tournée (un sympathique échalas tatoué et chapeauté, entre Rabbi Jacob et Billy Gibbons) apporte un air vaguement rétro, tranchant avec les coups de slide tranchants. Mais les brutes, derrières, semblent prendre plaisir à étouffer ces quelques notes (de Mellotron ?). L'infortuné reste mixé en retrait.

   « Fade Out » fait dans la ballade mélodramatique, mais un tantinet raide. Là, par contre, le morceau s'étire un peu inutilement. C'est assez poussif, et le solo de gratte irrite les tympans.
Mais … mais oui ! Yeaahhh !!! Yyyhyaaa ! Ouga bouga-bouga (2) ! Rival Sons reprend « Black Coffee » du sulfureux couple Turner (album « Work Together »), avec les choristes qui vont avec (une première), et dont quelques passages évoquent aussi la proche version d'Humble Pie (album « Eat It »). La dernière référence n'a rien de surprenant puisque, rappelons-le, à ses débuts le groupe s'était exilé un moment à Londres pour s'immerger dans le pays - et la ville - qui avait enfanté tant de groupes qui ont forgé le Rock qui les inspire. D'après leurs propres mots, ils allaient à la source de la musique qui les fait vibrer. L'essence du « truth Heavy-rock » venait du Royaume-Uni. Holidays se revendique d'ailleurs comme un fan des Small Faces et d'Humble Pie. On découvre alors, avec plaisir et délectation, que les californiens sont très à l'aise dans ce genre de Hard-blues copieusement chargé de Soul. Une nouvelle voie désormais est ouverte (bien qu'en matière de solo Holiday ne soit ni Frampton ni Clempson, mais question rythmique ça assure. Quant à Miley et Beste, ils ont tout pour rejoindre le club fermé des invincibles duos rythmiques). Sur cette version, notamment sur la dernière partie, Buchanan réussie à créer quelque chose qui serait l'osmose entre Marriott, Plant et Tina.
« Hollow Bones Pt. 2 » repart dans le lourd (mais non assommant). La basse est particulièrement percutante et binaire, tandis que Miley est un gladiateur en chef, invaincu (quel batteur !), et Scott crée des espaces sonores à l'aide d'une slide sidérale, qui, avec une Fuzz contenue et une réverbération captée dans un temple antique, sans âge, aux dimensions cyclopéennes, a quelques étincelles mystiques. Les quelques notes de claviers qui arrivent péniblement à percer ont également cette connotation (mimant presque John Paul Jones sur "No Quarter"). Les paroles ont d'ailleurs une affiliation religieuse. "Choose your lord, ..., might be the Creator, might be Jesus. You know it might be Krishna. No more saviour and no religion that cannot make. I know that God sees you ... When you're gone, you're hollow bones ! ...  Holy love ! A Wakan Tanka ! Hare Krishna ! said hallelujah ! I said a Wakan Tanka !! "
Petit break psychédélique s'épanouissant dans des limbes multicolores et liquides. Une pause pour reprendre son souffle et finir dans une apothéose purement Led Zeppelinnienne. Alors que les musiciens, épuisés, rendent les armes, le chant continue tel un mantra, entre prière implorante et incantation. Ou un sortilège de résurrection ? Car, tous, à peine requinqués, jettent leurs dernières forces dans une dernière charge héroïque. On retrouve un peu de Stoner psychédélique dans cette pièce épique.


   Pour finir, un délicieux dessert hérité des cieux. Faudrait-il qu'ils aient été visité par des anges, ou qu'ils en furent le réceptacle pour composer ce miraculeux et délicat « All That I Want » ? Bien que le combo ait déjà fait preuve de leur capacité à écrire de fabuleuses et saisissantes ballades, jamais jusqu'alors il n'avait réussi à retranscrire une telle intensité d'émotion avec si peu de notes. Si peu d'instrumentalisation. Tant de sobriété et de dépouillement. La première minute se contente d'un fragile arpège de guitare et du chant. Un chant habité, Un violon et un violoncelle (joués par le musicien de Country et Bluesgrass Eamon McLoughin) s'immisce sur la pointe des pieds. A bout d'un moment, la basse se glisse doucement, pour seconder la guitare, avant qu'elle ne joue quelques notes de slide. Une déclaration d'amour à faire frémir l'orc le plus brutal. De l'Art avec un grand "A". Le silence est pesant ...


     Scott Holiday s'est forgé un son personnel à base d'amplis Orange (plus une tête Reeves 30 MK, de couleur orange ...), d'un combo Magnatone Twilighter stéréo, et d'une réédition d'un Supro (le fameux ampli utilisé par Page sur Led Zep I et II) et de Fuzz diverses (dont une reproduction de la Super-Fuzz d'Univox, la célèbre Tonebender de Vox, la surprenante Probe de Zvex et une Deep Trip Hellbender sensée reproduire, avec une Telecaster, les sons des premiers Led Zep), d'une fournée d'octaver (POG d'EHX, Fuzz Octavia, Octavia R. Mayer, ), de delays (MXR Carborn, l'Aqua-Puss de Way Huge, Line 6 DL4), de Tremolo, de reverb et des trucs de dingues comme la Ringworm de Way Huge (pour des sons extra-terrestres allumés). Et des guitares pas très courantes chez les groupes Heavy-rock de ce siècle. Soit des Gibson Firebird VII  reissue 65 (reverse ou pas), Fender Jazzmaster, Grestsch White Penguin (apparemment délaissées actuellement) et ses guitares de luthiers copieusement inspirées des Firebird ; ses Kauer Banshee à trois micro TV-Jones. Il y a quelques temps, il a craqué pour les guitares en alu des bourguignons de MeloDuende (3) qui lui ont conçu une gratte suivant ses spécifications (avec vibrato Bigsby). La Billy-Bo Jupiter (une french version de la guitare emblématique de Bo Diddley, déjà remise au goût du jour par Billy Gibbons) que l'on peut voir dans le clip "Electric Man".

     Ses multiples pérégrinations dans sa recherche effrénée du son l'ont, cette fois-ci, amené à délivrer parfois un son plus froid et moins boisé qu'auparavant. Ce qui, à mon sens, dessert certains morceaux (particulièrement les deux premiers). On s'y habituera probablement. En tout cas, si Scott n'est pas un virtuose, une fine gâchette de la descente de manche, il demeure un fin rythmicien, bien calé sur le tempo. Un guitariste préférant nuancer son riff, ou carrément le transformer, pour changer et varier les ambiances sur une même pièce, plutôt que de s'essayer dans de longs soli (un nouveau Pete Townshend ?).

     Leurs trois opus précédents avaient marqué leur année de parution en s'érigeant parmi les meilleurs sorties du genre. En dépit de quelques excellentes pièces et d'un bon niveau général, il n'est pas certain que cet "Hollow Bones" en fasse de même. La faute incombant probablement au fait qu'il n'y ait pas de titre percutant et imparable tels que "Keep on Swinging", "Pressure & Time", "Open My Eyes", "Good Things", "Until the Sun Comes", "Wild Animal", "Face of Light". Pas non plus un riff imparable et dévastateur. Certains paraissent manquer de maturité, de recul pour les peaufiner. Ce qui est plausible car le disque na été réalisé qu'en trente jours seulement. Compositions et mixage compris (même si Scott a l'habitude de se concevoir une réserve de nouveaux riffs pendant les temps morts des tournées). Il y a peut-être aussi le souci de ne pas ressortir la même recette précédente. Néanmoins, occasionnellement, on dirait que cela sent le réchauffé.
     Toutefois, on a pu constater qu'avec ces Angelins, des titres que l'on croyait, au départ, relativement faibles ou moyens, se révélaient être en concert de véritables brûlots. Ainsi, en live donc, on ne serait guère étonné d'être frappé en plein poitrail par les trois premières chansons revigorées par une guitare plus cossue. D'autant plus que l'intéressé confesse qu'il prend plaisir à changer, et à adapter, ses effets pour la scène (ce fut le cas pour Electric Man).

     Maintenant que j'ai blasphémé (ouais, mais j'y mets tout de même 4 étoiles) sur un des meilleurs groupes de la décennie, je vais devoir expier mon péché en allant m'écouter « Pressure & Time », « Head Down » et « Great Western Valkyries » d'affilé. Et après ... on s'remettra "Hollow Bones".


1."Hollow Bones Pt. 1"  Scott Holiday, J. Buchanan, Michael Miley, Dave Cobb       2:52
2."Tied Up"  David Beste, Buchanan, Holiday3:27
3."Thundering Voices"  Holiday, Buchanan, Cobb, Miley2:53
4."Baby Boy"  Buchanan, Holiday3:37
5."Pretty Face"  Buchanan, Holiday3:23
6."Fade Out"  Holiday, Buchanan4:50
7."Black Coffee"  Ike Turner, Tina Turner5:34
8."Hollow Bones Pt. 2"  Buchanan, Holiday, Miley, Beste6:50
9."All That I Want"  Jay Buchanan3:39




(1) Œuvre de Martin Witthfooth, talentueux peintre surréaliste et engagé, mettant souvent en scène, dans un symbolisme évident, parfois dérangeant, avec une certaine violence, l'opposition entre un monde moderne matérialiste, destructeur et nihiliste, et un monde animal encore en osmose avec le végétal.
(2) dixit le Nuge sur « Intensities in 10 Cities »
(3) Une petite marque qui commence à faire son trou avec des instruments qui ont vraiment de la gueule. Sa notoriété s’accroît depuis qu'elle a répondu aux attentes de musiciens tels que Manu Lanvin, Nicolas Sirkis, Billy Gibbons, Johnny Halliday, Shaka Ponk, John Butler, Tryo, Nikko Bonniere.




Autres articles / Rival Sons (clic-lien) :
"Pressure and Time" (2011)  +++  "Head Down" (2012)  +++  "Great Western Valkyries" (2014)
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5 commentaires:

  1. Non non, pas de blasphème, juste de la lucidité! Des compos très moyennes au cours desquelles Buchanan s'écoute chanter et Holiday joue à l'apprenti sorcier en triturant les sons masquant la faiblesse des titres. En même temps ça fait six mois qu'ils ouvrent pour Black Sabbath (jusqu'en Australie...)et ne prendre que 30 jours pour enregistrer un disque ça frise le foutage de gueule( Led Zep l'a fait mais c'était Led Zep...).
    Question plan de carrière je les trouve balèze, sur Facebook ils communiquent comme des malades, ils changent la couleur des rondelles vinyles d'un pays à l'autre, bref l'ambition a tendance a devenir envahissante.
    Je comprends qu'ils veuillent capitaliser sur leur succès et battre le fer quand il rougeoie, et ce sont de sacrés bosseurs, mais un peu de recul, une pause, me semblerait bienvenue. Le talent est là, en tout cas!

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    1. Oui, le talent est bien là. Mais ... peut-être ... un peu gâché pour ce disque, pourtant indéniablement bon. Bon, mais tout de même inférieur aux 3 précédents (fait à confirmer avec le temps ...). Peut-être que j'en attendais trop (je n'ai même pas voulu l'écouter sur le net pour ne gâcher le plaisir).
      C'est un avis, mais il me semble que s'ils avaient travaillé au préalable leurs compositions avant de les enregistrer (en se laissant donc un certain temps de pause entre leurs démos et le travail de studio), ils auraient dû (ou pu) réaliser un album monstrueux.
      Mais ont-ils eu le choix ? Parfois aussi, le mieux peut être l'ennemi du bien. Faudra voir en concert ce que donne ces nouvelles compos, et si elles parviennent à passer les ans.

      Maintenant, il y a beaucoup "d'artistes" qui en trois fois plus de temps, avec un staff, une énorme "logistique", pondent des merdes.

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  2. La pochette est si belle et originale que ça m'avait presque incité a acheter mon premier Rival Sons. J'ai aussi souvenir de la forte impression qu'avait laissé ce groupe a juan loco lors d'un concert en terre Haut Savoyarde l'an passé. Flûte !
    Vrai que les quelques extraits que j'avais déjà pu entendre ne m'avaient pas laissé une impression plus forte que ça.

    Une autre fois !

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    1. Vu également l'année dernière, et franchement, il y a longtemps que je n'avais vu une aussi bonne prestation (près de 5 heures de route aller/retour - Ouille - mais ça valait largement le détour). Un avis partagé avec les potos qui m'avaient accompagné et ceux rencontré.
      Ces gars là ne trichent pas ! Peut-être même meilleur en concert (ce qui ne semblait pas le cas au début de la décennie).

      Il faudrait peut-être que tu essayes "Head Down".

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  3. Je les ai vu dans mon fief, trop prof ! trop carré ! du ZZ TOP ( je parle pas du style mais des prestations live ), un petit tour et on s'en va.
    Je rejoins SNCF, il leur faut un moment de pause et nous sortir une galette qui nous surprenne, style Led Zep III, un bon break quoi !

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