Bruno Dumont s’est taillé une
petite réputation dans le cinéma français par la radicalité de ses films. Venu
au cinéma sur le tard (il était prof de philo), après des pubs, films
institutionnels ou documentaires, il tourne LES VIES DE JESUS (1997) et L’HUMANITE
(1999). Dont les deux acteurs non professionnels recevaient le prix
d’interprétation à Cannes. Car Dumont tourne avec des amateurs, dans le Nord,
utilisant le patois. Un cinéma âpre, violent, rugueux, emprunt de
mysticisme. Il y aura FLANDRES (2006), HADEWIJCH (2009) qui tranche un peu,
avec le parcours (prémonitoire ?) d’une jeune fille qui passe du couvent
au djihad. Bruno Dumont traine aussi une réputation pas facile, Fabrice Luchini
avouant volontiers que si ce tournage fut une expérience intéressante, il ne
recommencerait pas de sitôt.
Avec trois vedettes au
générique, Fabrice Luchini, Juliette Binoche et Valéria Bruni-Tedeschi, Bruno
Dumont allait-il mettre un peu d’eau dans sa vase, verser dans un cinéma plus
consensuel ? La réponse est :
non.
Certes, MA LOUTE est une
comédie, qui flirte avec le burlesque. En 1910, la famille bourgeoise Van
Peteghem investit sa maison de vacances, sur la côte d’Opale. En contre bas, vivent
les Brufort, famille de pêcheurs. La région est touchée par une vague de
disparitions mystérieuses (comme le dit un flic, « chef, une disparition,
c’est toujours mystérieux… »). L’inspecteur Alfred Machin et son adjoint
Malfoy mènent l’enquête…
On est frappé d’entrée par la
beauté des images, très larges plans en scope sur la baie, une photographie
légèrement délavée qui renvoient au
siècle dernier. Esthétiquement, le film est une réussite totale, les plans sont
magnifiquement composés, couleurs en aplat, travail sur les silhouettes (vous connaissez les tableaux de Jack Vettriano ?).
Dumont présente les protagonistes tout de suite. André Van Peteghem, improbable chef de clan (géniale scène avec la domestique et les patates !), perclus de tics, à la démarche désarticulée (Luchini marche comme un Aldo Maccione !), tout en déséquilibre. Sa femme Isabelle, un peu cruche, sans cesse à se casser la gueule, et la belle-sœur Aude, mystique torturée et exubérante. Des aristos fin de race, caricature de leur classe. Aude à une fille… ou un fils, Billie, on ne sait pas trop, tantôt habillée en robe, les cheveux longs, tantôt en costard les cheveux rasés. Au générique, le rôle est interprété par un énigmatique Raph... Raphaël, ou Raphaëlle ?
Dumont présente les protagonistes tout de suite. André Van Peteghem, improbable chef de clan (géniale scène avec la domestique et les patates !), perclus de tics, à la démarche désarticulée (Luchini marche comme un Aldo Maccione !), tout en déséquilibre. Sa femme Isabelle, un peu cruche, sans cesse à se casser la gueule, et la belle-sœur Aude, mystique torturée et exubérante. Des aristos fin de race, caricature de leur classe. Aude à une fille… ou un fils, Billie, on ne sait pas trop, tantôt habillée en robe, les cheveux longs, tantôt en costard les cheveux rasés. Au générique, le rôle est interprété par un énigmatique Raph... Raphaël, ou Raphaëlle ?
Les deux flics renvoient
directement à Laurel et Hardy. Alfred Machin est obèse, Malfoy un roux
gringalet. L’inspecteur ne peut jamais poser un genou à terre pour observer une
scène de crime, il s’effondre, roule, et son adjoint le relève ! Et il
grince ! Des sortes de couinements caoutchouteux qui accompagnent sa
démarche, et aussi tous ses gestes ! On sent le cinéma de Jacques Tati pas très
éloigné.
Les Brufort sont des
prolétaires renfrognés, parlant patois, vivant en clan. Le fils ainé, c’est Ma
Loute. Ils ramassent des moules, ou aident les promeneurs à traverser la baie
pour 20 centimes, pas en barque, mais portés sous le bras ! Ma Loute et
Billie vont se taper dans l’œil…
Bruno Dumont va rapidement
donner la clé des disparitions (l'enquête est un prétexte) lors d’une scène hallucinante, des
gamins réunis autour d’une bassine, picorant des praires, des couteaux
noyés de sauce tomate… qui se révèlent être des doigts et des oreilles
ensanglantés. La mère qui sort en brandissant un pied fraichement coupé :
« Qui veut du rabe ? Les enfants, non ? Le gros pouce, un orteil ? ».
Si on pouvait trouver un peu
facile la confrontation des deux mondes (vue mille fois), bourgeois en déliquescence contre
paysans dignes et travailleurs, ce plan remet tout en cause. En en faisant des
anthropophages, bouffeur de riches au sens propre, Dumont élève la lutte des
classes au stade ultime ! Cet homme-là aime ses contemporains, c'est sûr ! Les consanguins d'un côté, les incestueux de l'autre...
Dans MA LOUTE, tout est
exagéré, grossi, déformé. Gestuelles, dictions, physiques
(étonnante transformation de Luchini, sa manière de répéter sans cesse « ils
vont s’envââââser dans la baie ! »). Bruno Dumont pousse le curseur, le jeu est outré, caricatural à l’extrême. Il filme à égalité stars et amateurs, les premiers n'écrasent pas le jeu des seconds.
Bruno Dumont réussit quelques scènes
burlesques, chutes à répétition, la course de char, le scaphandrier, le duo d’inspecteurs, mais
on ne sent tout de même pas une fibre comique assumée, ça reste froid, distant. Comme un exercice de style. Et voir une comédie en salle avec 6 spectateurs, n'incite pas à la poilade générale... Cette histoire aurait plu à un Bruno Podalydès (il avait fait LE MYSTERE DE LA
CHAMBRE JAUNE, en 2003) pour son aspect cartoon, ligne claire. On pense au Tardi d'Adèle Blanc-Sec aussi. Il y a aussi des moments joliment irréels, comme ces
personnages qui s’envolent. D’ailleurs, l’inspecteur Machin finit le dernier
quart d’heure en 10 mètres du sol, retenu par une corde !
Il n’y aura pas de dénouement
proprement dit, pas d’explication. Si la
mise en scène peut aussi évoquer Blake Edwards, Jacques Tati (avec ce faux rythme constant, mais aussi des baisses de régime parfois), l’élégance et le raffinement ne sont que de surface. Le film reste âpre, inconfortable, par cette
vision nihiliste, par son refus d’humanité. Chaque famille finira repliée sur elle même, la communication est impossible. Aucun regard bienveillant sur les personnages. Seule
Billie a notre sympathie, trouble, énigmatique. Qu'on aimerait connaitre mieux. Mais même ça, Bruno Dumont nous le refuse.
Ne vous fiez pas aux bandes
annonces, aux superlatifs à la con zébrant les affiches (jubilatoire ! hilarant ! génial ! explosif !), où l'on semble vous vendre un film d'Etienne Chatillez, gentiment acidulé. Bruno Dumont a sans doute
réalisé ce qu’il appelle une comédie, mais ça reste du Dumont.
couleur - 2h10 - scope 2:35
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Je n'en ai vu aucun. Et je confonds toujours Les vies de Jésus avec Les démons de Jésus. Une vague de disparitions sur le côte...Excellent.
RépondreSupprimer6 spectateurs? Mais tu vas au cinéma dans quel coin?
lire "sur la côte" , évidemment.
RépondreSupprimerUn film nordiste, un de plus !
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