mercredi 11 mai 2016

LAYLA ZOE "Breaking Free" (15 avril 2016), by Bruno




    Beaucoup la considère comme la réincarnation de Janis Joplin ... mouais ... Il est vrai que son timbre de voix assez rocailleux, parfois limite déchiré, et son chant très expressif pouvant se montrer explosif, peuvent légitimement faire le lien avec l'icône sus-nommée. Mais tout juste s'il y en a pas une tous les mois de réincarnation ! De Stevie Ray Vaughan, d'Hendrix, de Morrison,de  Bonham, de Lennon, de Redding ... Le marketing n'a aucune conscience. Et d'ailleurs de "Joplin", cela doit être au moins la cinquième réincarnation depuis le début du siècle. A la fin, la comparaison devient réductrice, presque répulsive, au mieux sans plus de réelle valeur.
De son côté, lorsqu'on l'interroge, Layla Zoe avoue l'avoir beaucoup écoutée (elle a un tatouage à son effigie - mais aussi un de Tom Waits et un de Neil Young - Une vraie passionnée -), et qu'en conséquence, même inconsciemment, l'influence doit exister. - Mais pas cultivée -.
 Quoi qu'il en soit, quand j'ai écouté ce skeud en avant-première ... Ouch ! Qu'est-ce que je me suis pris sur la tête ! J'parviens pas à m'en remettre... J'ne m'étais pas méfié... J'ai écouté ça sans précautions, sans m'y préparer. En prévoyant de faire autre chose en même temps. Et voilà t'y pas que j'me prends d'entrée un bon coup de massue !
 

   C'est qu'avec cette slide fantomatique en introduction j'avais cru avoir affaire à un blues-psyché planant et inoffensif. M'enfin ! Ben non mon coco. "Backstage Queen" est un véritable Hard-blues façon Led -Zeppelin. Pas moins ! Peut-être plutôt Rival Sons au début, mais progressivement l'ombre du dirigeable absorbe tout.  Tout y ait : la rythmique alternant entre riff binaire et groovy, la basse ronde et robuste comme un bumper de flipper géant, le pattern de bûcheron à faire trembler les murs, solo lumineux (mais non pagien pour autant), chant envoûté ; et le break en mode folk acoustique, juste avant d'achever l'auditeur en reprenant à zéro mais avec un peu plus de volume et de gnaque ! Blam ! Six minutes de pure extase ! On croirait revivre, rajeunir. On pourrait aussi mentionner Fastway (première phase), ne serait-ce parce que la voix sonne plus Dave King que Robert Plant.
On respire à l'écoute de "Why Do We Hurt The Ones We Love" qui n'est "qu'une" ballade supportée par une guitare (certainement une Stratocaster) qui égrène des accords ouverts confectionnant un écrin dans lequel se love la voix de Zoé. Une voix imposante qui écarte devant elle toutes objections, qui fait irrémédiablement taire les commentaires et les chuchotements. Progressivement, la ballade est agrémentée d'un orgue, de chœurs discrets, et d'une section rythmique plus mordante. Elle devient "power", prenant alors presque autant d'intensité que la pièce précédente.

     On souffle réellement avec "Wild One" : slow-blues chaloupé sur lequel le funambule de la slide, Sonny Landreth, - que Zoe présente comme un bon ami - est venu déposer aux pieds de Zoe un superbe solo expressif, ici particulièrement langoureux.
"Highway of Tears" est introduit par un long chorus aux notes tirées et soutenues, pas très loin du Gary Moore de "Still got the Blues". Référence encore plus marquante sur le solo (ici, par contre, sa respire à plein nez la LesPaul). Encore un slow-blues, cependant ici l'atmosphère dramatique est si dense (parfois proche du "Since I've been loving you" de qui vous savez), avec ce chant déchirant, transi d'émotion, que le frisson parcoure l'échine jusqu'à la nuque. Putain ! Mais quel plaisir de constater que, malgré les merdes formatées que l'on balance sur tous les médias, comme on jetterait les déchets des cuisines aux porcs, certains n'ont aucunes réticences à enregistrer un tel titre de onze minutes. Il y a encore de la lumière dans ce monde qui s'obscurcit. (un petit bémol toutefois pour un solo qui s'éternise un peu - ambiance live garantie -)


     Et "Breaking Free"... ? C'est reparti... Peut-être chauffé par les titres précédents, l'émotion nous submerge. On a la sensation d'irradier d'énergie, mais impossible de se retirer de l'emprise de cette formidable chansons Pop-rock Bluesy. Chhuuuttt... "Your love for me full of transparency, so I'm Breaking free now... Breaking free now... Heart waves crashing into the emerald street lights". C'est divinement bon. Orgasme des esgourdes. La batterie, puissante, claque à la façon d'un John Bonham, référence confirmée par le jeu maîtrisé des cymbales ; les cordes de la basse résonnent comme si on avait les oreilles collées contre (c'est ténu, mais on discerne lorsque la corde effleure la frette précédente en vibrant). Le riff en accords ouverts et classiques retentit tel un hymne à la vie.
S'il existait encore des radios libres à "grande écoute", ce titre aurait logiquement fait un malheur.
Dire qu'elle a été nommé chanteuse de l'année en 2006 lors des Island Awards de Vancouver, et qu'elle reste inconnu en Europe (où pourtant elle réside depuis quelques années - en Allemagne-). Alors que l'on nous bourre le mou avec leur fumisterie de nrj awards (ouais, en minuscules !) et autres arnaques.

     Le funk-rock semi-acoustique "Working Horse" est presque un soulagement. Moins consistant, il permet de se ressaisir.
"Sweet Angel" n'aurait été rien d'autre qu'un agréable slow-bluesy, un chouia Southern et/ou country mainstream, si, là encore et toujours, Zoe ne faisait pas la différence. Toute en retenue, bien qu'il y ait toujours une certaine force qui transparaît dans la voix, cette pièce est du velours. Très proche de l'album "Dirt in my Tongue" de Jo Harman (lien/clic).
Ha ! Apparemment, ça leur manquait. Zoe et ses acolytes renouent avec des vibrations nettement plus fortes : "Run Away" s'amuse à varier les plaisirs, passant par des parfums évoquant tout-à-tour Led Zep, Hendrix, voire Mouintain (la basse présente d'ailleurs une légère saturation, comme si elle passait à travers une fuzz) Ha ! Ha! Et le solo débute dans un style de Jimmy Page avant d'être plus personnel ; somme toute, c'est assez proche de ce que fait Richard Pryor avec son excellent groupe Pebbleman (1).



     Petite reprise de "Wild Horses" tout en guitares acoustiques (juste deux sèches) , laissant tout l'espace au chant . Serait-il possible d'avoir là, la meilleure reprise d'une des chansons emblématiques des Rolling Stones ? Quelle voix ! Tant de présence, d'intensité, sans jamais perdre en justesse.

"A Good Man" et sa slide volante ... et son arpège cristallin ... C'est animée d'une pure passion. Cela évoque parfois une composition d'Eddie Vedder dans ce qu'il a fait de plus roost.
"He Loves Me"... Pourtant il n'y a rien... enfin rien... c'est épuré au possible : juste un piano et une voix. Tous deux rejoints seulement au bout de quatre minutes par des chœurs proches du murmure. Cependant, là encore, et toujours, Zoe touche l'âme. Son authenticité touche des points sensibles, comme si, d'un coup, on évoluait vers d'autres sphères de perception. Pourquoi ? Parce qu'elle est sincère, honnête, nature ? Qu'elle ne triche pas ? Qu'elle est entièrement impliquée, ressentant profondément les paroles et ouvrant son cœur et son âme ? C'est fort possible. Il y a encore quelque chose de beau - bien caché - dans l'âme humaine.
Demain, j'irais pas bosser ... Nan ! J'vais me repasser ce disque et me sentir à nouveau vivant ... et puis, galvanisé par ses bonnes vibrations, j'irais marcher dans la nature, dans les bois, à l'abri de l'agitation humaine.

Duo de choc



     Le regretté Jeff Healey avait dit d'elle qu'elle était merveilleuse (Layla l'avait accompagné en tournée). On peut le croire. Thomas Ruf l'a cru en l’accueillant dans son écurie (le label comportant le plus d'artistes féminines au mètre carré). Et il a bien fait car voilà probablement le meilleur disque de la Canadienne. Si "Lily", le précédent opus (trois ans déjà), était déjà vraiment très bon, - avec l'aide de Henrik Friedschalder (qui avait déjà participé au précédent, "Sleep Little Girl" ) -, elle semble avoir trouvé ici des musiciens de grande valeur à sa hauteur (tout comme Friedschalder), qui lui permettent de se hisser aisément vers d'autres cieux, peut-être supérieurs. Quatre gaillards jouant vraiment avec l'esprit de groupe, et non des requins de studio abattant le minimum syndical avant de se tirer avec l'oseille.

Jan Laacks : guitares électriques et acoustiques, chœurs, orgue, lap-steel et percussions
Gregor Sonnenberg : basse, orgues et claviers (sur "He Loves Me")
Hardy Fischötter : batterie et percussions

     Il convient de souligner, et d'applaudir, le travail de Jan Laacks qui, non content d'être déjà un très bon musicien, signe ici toutes les musiques. De surcroît, il produit ça d'une main de maître. Un gars à surveiller de près. La rouquine a trouvé là un lieutenant de premier choix.
Cela fait déjà quelques années que ce gars l'accompagne mais là, il semble s'épanouir et emmener à suite Layla. Ces deux se sont trouvés; Ils donnent l'image de deux âmes sœurs complémentaires.
Si Layla pouvait auparavant pécher parfois par un excès de rage et de puissance, comme un trop plein d'énergie qu'elle aurait du mal à canaliser, ici, elle fait preuve de bien plus de retenue. Ce qui, en définitive, lui donne encore plus de force et d'intensité. L'émotion y est plus vive et saisissante.
Espérons que Ruf Records la suivra et lui donnera une promotion digne de son talent (et celui de Jan Laacks). Elle le mérite. Ils le méritent.

01. Backstage Queen   :   6:12
02. Why Do We Hurt The Ones We Love   :   5:21
03. Wild One   :   5:01
04. Highway Of Tears   :   11:08
05. Breaking Free  :    6:23
06. Working Horse   :   4:50
07. Sweet Angel   :   8:02
08. Run Away   :   6:08
09. Wild Horses   :   5:52 (Jagger / Richards)
10. A Good Man   :   5:30
11. He Loves Me   :   5:31




(1) Excellent quatuor Sud-Africain de Heavy-rock ; leur second disque est une bombe.
(2) Ces deux disques sur Cable Cab Records, tout comme le double live de 2015, "Live at Spirit 66"



6 commentaires:

  1. Tu la trouves vraiment bien, la reprise de Wild Horses?
    D'autre part, Ruf Records (des Allemands, faut-il le rappeler...?) a plutôt un catalogue de troisièmes couteaux, de has been, et de never were. J'en ai deux ou trois, cachés je sais plus où, tellemnt j'ai honte (Michael Hill - une catastrophe -, Rudy Rota...).

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    1. Attention : la présente version de "Wild Horses" correspond à une représentation en direct à la télévision allemande (en aparté, nous, à la place, on a droit à des trucs genre Maé et consorts - consœurs ? -) de juin 2015, avec la captation sonore en fonction.
      Toutefois, il n'y a pas d'énormes différences entre celle-ci et celle du CD. Cependant, déjà, le son et la dynamique, sont bien meilleurs.

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    2. Mmmmh... Il me semble déjà avoir lu cette réticence vis-à-vis de Ruf Records ... non ?
      En tout cas, en ce qui concerne le Rudy Rotta, ce dernier n'a jamais enregistré pour ce label (à ma connaissance), et Michael Hill je ne sais pas. J'allais lu des critiques mitigées sur Soul Bag. Toutefois, à mon sens, c'est revue assez conservatrice, puriste. Ils n'aiment pas trop dès que ça flirte avec le Rock. Et paradoxalement, ils pondent de plus en plus de trucs sur le R'n'Bi et la Nü-Soul.
      Michael Hill sur Ruf ? Cela date du siècle dernier ? Il était pas chez Alligator ?
      Rudy Rotta ? c'est un Italien qui envoie des soli dans tous les sens, en pilotage automatique ?

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    3. https://www.amazon.fr/Electric-Storyland-Michael-Hills-Blues/dp/B00007JGVF/ref=sr_1_1?s=music&ie=UTF8&qid=1463069592&sr=1-1&keywords=michael+mob+hill
      Le Rudy Rotta il est au fond du placard, mais c'est chez Ruf. Sûr. C'est un live. Pochette noire.
      Soul Bag, c'est des intégristes. Un truc enregistré au fond d'un juke joint désolé du Mississippi entre 1948 et 1955 par d'illustres inconnus sachant à peine jouer, de préférence borgnes et tuberculeux, et ils crient au génie.

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    4. Je pense que tu confonds avec In-akustik (ou le sous label Inak qui avait sorti quelques disques de Blues-rock dans les années 90), qui est aussi une maison allemande (avec l'accent).


      Quant à Soul Bag, revue à laquelle je fus abonné (jusqu'à ce que je leur commande un bouquin qui n'est jamais arrivé, et jamais eu non plus de réponse ... J'me suis même demandé s'ils n'étaient pas, d'une certaines manières, racistes. Enfin un service VPC à chier). Toutefois, la revue avait tout de même quelques bons pigistes et en conséquence quelques bons articles. Cependant, sur l'avis de chroniques dithyrambiques j'ai parfois fait l'acquisition de quelques trucs (dont je tairais le nom) qui m'avaient vraiment ennuyé (cela pourtant dans ma période foncièrement Blues).
      Ouaip, l'image du "juke joint désolé du Mississippi entre 1948 et 1955" est à peine exagérée.

      Intégristes ? P't-être bien ... Mais parfois, me semblait être plus de la mauvaise foi ; un rejet pur et simple que tout ce qui pouvait aller vers une évolution du Blues. Ou du moins lorsque l'on osait toucher à ses fondations.
      Pourtant, qu'auraient donné des musiciens tels que Howlin' Wolf (avec l'acolyte Hubert Sumlin) et Elmore James s'ils étaient nés 10-15 ans plus tard ? Quel écart entre Son House et Freddie King !

      Après ses critiques (qui ne concernent pas tout l'monde), il convient de saluer le travail de Gérard Herzhaft qui a beaucoup œuvré pour la reconnaissance du Blues et de ses artistes.

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  2. Herzhaft, dont j'ai les deux dictionnaires, blues et country, indispensables.

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