mercredi 23 mars 2016

TOM KEIFER "The Way Life Goes" (30 avril 2013), by Bruno




     Pour tout dire, cet album a parfois été descendu sur le net (l'espace d'échange, de culture, de futilités, de bêtise profonde, et qui permet aussi aux pisses-froid de déverser leur fiel, d'exorciser leurs frustrations et leur lâcheté en prenant un malin plaisir à démolir des œuvres). Trop, à mon sens, - bien qu'il y en ait tout de même un lot qui lui ait consacré une bonne critique - freinant alors considérablement son parcours commercial. Surtout pour l'Europe pour qui le nom de Tom Kiefer ne signifie pas forcément quelque chose. Mais qu'a-t'on exactement reproché au premier essai solo de Tom Kiefer ? Que l'on n'y retrouve pas vraiment le mordant du classic-rock bluesy, assez rentre-dedans, des excellents "Long Cold Winter" et "Heartbreak Station" (lien)? Deux disques sortis respectivement en 1988 et 1990 ? Et qui ont donc plus de trente années ? Et si Tom Kiefer avait composé un disque qui sonnerait tout comme un Cinderella d'autant, est-ce qu'une autre frange n'aurait pas crié que Kiefer faisait preuve d'un manque d'imagination en ne pouvant sortir du cadre de son pourtant propre groupe ?

"mmmm... j'te kiffe, toi"

     Pourquoi ne pas prendre ce disque pour ce qu'il est, sans regarder en arrière, sans chercher à le comparer avec les précédentes réalisations du compositeur. Un compositeur d'ailleurs qui n'est guère prolixe avec seulement quatre disques studios depuis 1986 (!). C'est plus que maigre. Toutefois, il peut être préférable de ne rien réaliser de concret, plutôt que de se sentir obliger de sortir des galettes pourries, ou fades, qui ternissent l'image de groupe, et des artistes.

     Si Kiefer a préféré réaliser un album solo plutôt qu'un nouvel album inespéré de Cinderella, au grand dam des vieux fans inconsolables, c'est principalement parce que ce disque a été composé à deux. Soit avec sa chère épouse, Savannah. Savannah Snow qu'il a épousée au débuts des années 2000, et avec qui il aura un fils, Jaidan, né en février 2004.
Après une absence de près de vingt années des studios d'enregistrement, Tom a préféré y retourné avec l'aide de son épouse. Pas vraiment un caprice de madame puisque qu'elle est compositrice, chanteuse de surcroît, à la voix plaisante et agréable .
Et puis, en prenant le parti de ne pas reprendre le nom de Cinderella, il a toutes les libertés pour jouer la musique qui l'inspire. Sans se soucier le moins du monde de savoir si elle correspondrait aux attentes du public de son vieux groupe. Cela, même si Kiefer a toujours été le principal compositeur ; en fait pratiquement l'unique, puisque seuls trois titres ont été co-signés par Eric Brittingham et un par Andy Johns. Sans contestation possible, il est le leader incontestable, le seul pilier du quatuor. Il est le squelette, la chair et l'âme de Cinderella. Il n'y aurait donc rien eu de choquant à ce qu'il propose une nouvelle version du groupe (on a vu bien pire...). Son choix d'attribuer son premier disque studio depuis 1994 à un disque solo est probablement une question d'honnêteté et de franchise.

     Paradoxalement, c'est sur son disque solo que Tom compose le moins. Enfin, plus exactement, on retrouve toujours son nom sur la totalité des morceaux, sauf que cette fois-ci, il a accepté  (ou demandé) l'aide d'autrui. Précisément donc, c'est le nom de Savannah Kiefer qui revient sur huit pièces sur quatorze.

Le résultat est un très bon disque de Hard-rock/classic-Rock aux consonances bluesy et pop, d'où les influences majeures de Tom rejaillissent de façon encore plus évidente (sans pour autant ce complaire dans la facilité avec des reprises où des emprunts trop flagrants et marqués). Ainsi, au détour d'une ambiance, d'un tempo, d'un refrain, bien souvent l'ombre imposante des Rolling Stones, et surtout celle d'Aerosmtih, recouvre quelques pièces, sans vraiment totalement les posséder.

     Peut-être pour rassurer le curieux, et/ou pour appâter le fan impatient de Cinderella, "The Way Life Goes" débute par du bon gros Heavy-rock bluesy, aux guitares mordantes et libérées. "Solid Ground" déboule comme un fauve s'échappant d'une cage, assoiffé de liberté et passablement énervé. Tom y pousse d'ailleurs quelques rugissements triomphants et provocateurs ; cela en dépit de ses nombreux déboires précédents avec ses cordes vocales (qui l'ont obligé à maintes reprises à interrompre et reporter la réalisation de ce disque dont les premières ébauches remontent à 2003). Un véritable félin affamé. La pièce rassure : Kiefer reste dans un trip Rock. Aucunes tentatives pour faire le dos rond, pour amadouer les radios. Même si dans l'ensemble l'album est moins foncièrement Heavy-Rock que Cinderella, on reste dans une sphère aux sonorités bien Rock, bien rugueuses. A l'image de son timbre de voix éraillée. Il n'a pas échangé ses guitares contre des synthés, ni ne les a chargée de divers effets pour les policer, et/ou de sucrer ses propos.
Même le morceau suivant, "A Different Light", pourtant véritable chanson Pop (Rock), ne fait pas la gageure de s’encombrer d'artifices (bien qu'il y ait quelques violons qui viennent s'immiscer sur le dernier mouvement. Ces derniers ont le bon goût de ne pas s'imposer, se contentant de se fondre dans la mélodie). L'orchestration demeure organique, électrique, organique, Rock.

Savannah & Tom Kiefer

On remarque aussi qu'il n'a jamais aussi bien chanté. On subodore que madame l'y a aidé, car Savannah est indéniablement une bonne chanteuse, sachant apporter force et mélodie, un peu comme Nancy Wilson de Heart (sans égaler sa puissance). Lorsque le couple chante ensemble, il s'opère une véritable osmose. C'est le cas de le dire, les deux timbres, pourtant totalement dissociables, se marient fort bien. Madame apportant un peu de fraîcheur à la rugosité de monsieur.

"It's not Enough", tout comme Cheap-Trick auquel ici il fait penser, a ce petit truc décalé, à la fois doux dingue et malicieux, tout en gardant le cap sur un refrain accrocheur et une certaine mélodie.
"Cold Day in Hell" riffe tel un Rolling Stones de "Voodoo Lounge", et ces traits plaintifs et traînants d'harmonica à la Mick Jagger qui ne font que renforcer le lien. Une chanson co-écrite par Jim Peterik, l'ex-guitariste-chanteur de Survivor (1) ; référence typée d'un rock FM et grand public, cependant pas une once de connotation FM ici, c'est du 100 % pur Rock.

La ballade "Thick and Thin" a bien fait ses devoirs en étudiant consciencieusement les  hits d'Aerosmith ; on frôle l'hommage. Toutefois, là où nombreux sont ceux qui s'y seraient cassés les dents, Tom passe aisément, et avec succès, l'épreuve. Vingt ans auparavant, avec l'aide de MTV, cette chanson aurait cassée la baraque.
"Fools Paradise", tout en étant plus appuyée, suit un peu le même chemin. Tout comme le très bon "You Showed Me".
Si "Ain't That a Bitch" s'en éloigne, c'est pour aller se lover dans le giron des Rolling Stones ; dont d'ailleurs les quelques lignes d'orgues sur les dernières mesures évoquent les touches d'orgues de Chuck Leavell , un des hommes de main du quintet depuis 1983 (mais on pourrait mentionner l'apport d'Al Kooper pour Bob Dylan).
Est-ce à dire que Kiefer pompe outrageusement Aerosmith pour ses ballades ? Certainement pas.  Non, pompé ou plagié, probablement pas. Vraisemblablement, que le groupe de Boston est une  référence majeure pour Kiefer, et qu'il a dû les écouter en boucle, jusqu'à épuisement, jusqu'à ce que la musique se soit imprimée dans la moindre parcelle de son cerveau, de son épiderme, de sa chair. Si Kiefer parvient, par son talent évident, a éviter la caricature, les efforts vains du besogneux, le vol effronté, c'est parce qu'il a également une culture musicale plus large qui s'étant jusqu'au Blues (D'ailleurs, n'est-ce pas ce que reproche Joe Perry himself à bon nombre de musiciens de Hard-Rock actuels :qu'ils n'aient jamais écouté un seul disque de John Lee Hooker. Perdant alors les fondamentaux indispensables au Hard-Rock de qualité.).

Par contre, "Ask me Yesterday" (seconde pièces co-écrite avec Jim Peterik) est dans un registre Country-rock, plus intimiste ; cependant, ça tourne finalement un peu en rond, et les petites nappes de violons au final procurent un air mainstream qui atténuent la saveur boisée du début.

Autre ballade, "The Flower Song" porte bien son nom tant elle respire le printemps, les promenades dans les prés fleuris, les forêts verdoyantes percées par des traits de rayons de soleil apaisants. C'est bucolique sans avoir besoin de jouer avec des artifices rustiques.
"Mood Elevator" surgit comme un killdozer venu vous vriller les tympans, avec le renfort de Jeff LaBar à la guitare déchirante. Du Heavy-rock garage et agressif, qui est là pour faire mal, et qui paraîtrait même alors incongru s'il n'y avait pas son acolyte qui suivrait. Les références typées "Aerosmith" sont là encore évidentes (du rentre-dedans tel que l'on peut le retrouver dans les albums "Rock", "Pump" et "Get a Grip"). "Welcome to my Mind" reste dans le Rock qui maltraite les esgourdes ; pratiquement Nü-Metal , semblant parfois à la limite de tomber dans une facette Metal Indus (sans perdre un son "Classic-Rock roots").

The last but not the least, "Babylon" conclut ce savoureux disque dans une ambiance surchauffée et enfumée à la façon d'un Rolling Stones en pleine possession de ses moyens, revenu prêcher la bonne parole d'un Rock pêchu et intègre, largement parfumé de Rythmn'n'Blues.

Un très bon disque, sincère, gorgé de bonnes vibrations, dépourvu d’esbroufes. Il aura fallu longtemps pour que Tom Kiefer puisse enfin finaliser un nouveau disque, mais cela en valait la peine.
Probablement sa meilleure réalisation à ce jour.

(1) Mais aussi du Henry Paul Band, de Pride of Lions, de The Ides of March (avant Survivor), de Jimi Jameson, de Kelly Keagy, et du Jim Peterik's Lifeforce.








La ballade de rigueur





Lien : Cinderella "Heartbreak Station" 

2 commentaires:

  1. Ça fait fortement penser aux Quireboys, non?

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    1. Non, pas vraiment. Même si on pourrait déceler quelques similitudes.
      La référence ultime demeure ici celle d'Aerosmith. On dirait même parfois que Joe Perry est venu prêter main-forte. Quant au chant ... il est évident que Steven Tyler a laissé sa marque dans l'histoire du Rock.

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