mercredi 20 janvier 2016

Mr SIPP « The Mississippi Blues Child » (5 mai 2015), by Bruno



     L'habit ne fait pas le moine... Effectivement. Si certains gaspillent plus d'énergie à étudier et définir un look, que de travailler leur musique, d'autres n'en ont cure de savoir si leur tenue vestimentaire fait Rock's, bluesmen, métalleux ou "boy's band" (ou encore bimbo décérébrée et/ou délurée, ou [   censuré !!! ] ).  C'est avant tout la musique qui doit parler d'elle même. La musique ne se regarde pas, même si quelques escrocs cupides (pléonasme ?) essayent de le faire croire au jeune public ; cela évidemment afin de vendre du divertissement, car il semble aujourd'hui plus aisé de créer un spectacle entre le cirque Barnum et le music-hall Broadway (ou du "Moulin Rouge" ?),  où le play-back n'a jamais autant été de mise, - finalement, bien plus proche de la parade que d'un concert - que de trouver d'authentiques musiciens capables de capter l'attention d'un public avec seulement sa musique (avec son cœur et ses tripes). Désormais, l'authenticité n'est guère encouragée, ce serait plutôt le contraire.

     Fort heureusement, il y a encore des légions d'authentiques musiciens et Mr Sipp
Sa seule concession est, à l'image des musiciens de Blues et de Soul des années 50 et 60, celle de se présenter devant son public dans une tenue élégante et soignée ; avec généralement le groupe en accord (cravate rouge et lunettes de rigueur). Et encore, cela ne l'empêche pas de se produire parfois en jean élimé et tee-shirt, ou baskets rouges assorties à la cravate...


   Si ce Mr Sipp débute son disque par un Fat-Blues punchy plutôt conventionnel (pas mauvais pour autant), avec une guitare très (trop ?) présente, il remet rapidement les pendules à l'heure dès « Jump the Broom », en offrant des compositions plus personnelles et nettement plus intéressantes. Le tout en faisant preuve d
une maîtrise exceptionnelle. On a droit à une représentation de grand Art en matière de musique. Comment sonner aussi limpide tout en restant enraciné avec force dans le Blues ? Ses guitares sont vraiment expressives etleur son son chaud, mat et onctueux, légèrement veloutée, s'inscrit dans une forme de tradition d'un Blues moderne gardant ses distances avec le Rock (ce qui ne l'empêche de s'y plonger à l'occasion, comme avec "TMBC" ). Donc, aucun rapport avec les nombreux gratteux qui jouent un Blues avec des "guitares Hard-rock" et qui généralement confondent prouesse technique et feeling. 

(Mr Sipp utilise Une Epiphone Riviera Custom et une Gibson ES-335. Actuellement, il est endossé par Epiphone). 

     Un Blues qui se teint à lenvie, de Soul, de Rock, d'une once de Jazz, dun soupçon de Funk, voire de Pop, sans perdre son âme. Il semble à laise, exceller même, dans toutes les formes de Blues. Sa réputation de performer le suit déjà, et avec des titres comme lirrésistible et entraînant « Sipp Slide », « Hold it in the Road » et « Nobodys Bisness » , il devrait même faire danser des salles pleines de coincés apathiques, de dépressifs suicidaires et de zombies décrépis. 
     Par bien des côtés (avec quelques petits degrés de moins en matière de Rock), il rappelle lâge dor de Lucky Peterson, celle correspondante à la période sous l'égide du label Verve-Gitanes (sans doute sa meilleure) puis de Blue Thumb. Dans une moindre mesure, on peut aussi faire le rapprochement avec Carl Weathersby, voire Larry McCray. D'ailleurs, tout comme Lucky Peterson, il est aussi multi-instrumentiste et il a accompagné des musiciens de Gospel. 
D'un autre côté, son jeu de guitare évoque aussi la pertinence, voire l'inventivité d'un Hubert Sumlin.

Probablement est-ce son passé, dans le Gospel et la Soul, qui lui permet d'apporter un certain lyrisme à son Blues, parfois proche d'une mélodie mnémonique, que l'on pourrait reprendre en sifflotant.
Ainsi, avec « Tonight », il fera fondre les cœurs des dames avec sa fusion Blues et Soul mêlant le meilleur de Robert Palmer, de Donny Hathaway et de Marvin Gaye, et sa guitare pleine de finesse entre Carlos Santana et Robben Ford. Si ce titre ne fait pas un carton aux USA, cest que le système est définitivement pourri. 
Dans le même genre, on peut également mentionner "What is Love", plus Soulful, mais tout aussi empreint de feeling.

     En seulement quelques, Mr Sipp dévoile un potentiel énorme, sans forcer et sans exubérance. Sa voix chaude et profonde doublée à une maîtrise absolue de la guitare Blues devraient logiquement le propulser vers les hautes sphères de la notoriété.  
Pourtant voilà déjà le deuxième disque de Castro Coleman, et on ne peut pas dire quil squatte les rayons des disquaires. Et ce nest pas sa victoire lannée dernière de lInternational Blues Challenge de Memphis, celle du Gibson Best Guitarist, ses trois distinctions de cette année (élu "artiste masculin de l'année" aux JMA), ni sa réputation de performer (généralement tiré à quatre épingles, l'homme n'en laisse pas moins exprimer son corps) qui semblent faire changer les choses. Malheureusement. D'un autre côté, Malaco Music Group, une maison d'édition spécialisée dans le Gospel, la Soul et le Rhythm'n'Blues, dans la "Black music", se contente du continent américain.

     Avec "The Mississippi Blues Child", ce natif de McComb (né le 25 août 1976) affirme et revendique sa totale affiliation au Blues, et plus particulièrement celui né dans l'Etat du Magnolia - Sipp en diminutif de Mississippi -. Toutefois, par bien des côtés, son Blues semble s'être copieusement abreuvé au West-side Blues de la Windy city, et de se saupoudrer d'une once de BB King.

     Probablement un des meilleurs disques de Blues de l'année 2015. Mr Sipp qui œuvrait auparavant dans le Gospel (sous le nom de Cate Cole) et dans la Soul édulcorée, qui longtemps travaillé pour les autres (on parle d'une cinquantaine de disques...), frappe un grand coup pour son entrée dans le monde du Blues. De plus, fait plutôt rare ces derniers temps, il ne se repose pas sur des reprises : il compose (et produit). La relève est là.

  1. TMBC  -  4:35  (The Mississippi Blues Child)
  2. Jump the Broom  -  4:29
  3. In the Fire  -  5:24
  4. Hole in my Heart  -  4:43
  5. Say the Word  -  6:42
  6. Sipp Side  -  4:08
  7. Nobody's Bisness  -  3:16
  8. Jackpot  -  4:36
  9. What is Love  -  5:00
  10. V.I.P.  -  4:43
  11. Tonight  -  4:56
  12. Hold it in the Road  -  4:05
  13. Be Careful  -  4:41
  14. Too Much Water  -  4:11






"Jump the Broom"



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