samedi 5 décembre 2015

MEKARDZZ – Chanteur & Danseur - "Que la vie est belle" – Interview par Claude Toon


© Photo Claude Toon

- Tiens M'sieur Claude, un artiste classique contemporain cette semaine avec ce nom un peu étrange…
- Point du tout ma chère Sonia, MEKARDZZ, de son vrai prénom Michael est un artiste pluridisciplinaire en recherche permanente, doublé d'un pédagogue…
- Ah je vois, une interview sur ses créations, c'est la première fois que vous rencontrez un artiste en chair et en os je crois ?
- Exact Sonia, j'ai essayé avec Beethoven et Mozart, mais ils ne répondent jamais à mes mails ! Ah ah !
- Pff, même pas drôle…

Oui, cette semaine, nous abandonnons l'univers classique passé ou présent, dada de mes chroniques, pour aller à la rencontre d'un artiste qui, certes vit de son art, mais ne vend rien, pas de disques ou de vidéos. Si dans le blog, nous parlons beaucoup de CD, DVD ou livres, il est bon de faire connaître un créateur différent, l'un de ceux qui à travers sa musique forment les jeunes ou moins jeunes à la danse contemporaine et au goût de toutes les formes d'art, qu'elles soient musicales, graphiques, et donc tout simplement poétiques :

1 - Michael, une question que tous nos lecteurs vont se poser… le sens caché du nom MEKARDZZ ?
"Eh bien je n'arrivais pas à trouver un pseudonyme qui reflétait tout ce qui m'intéressait dans l'art en général. Étant un peu touche à tout, il fallait trouver un pseudo correspondant à la diversité de mes projets artistiques. Phonétiquement parlant, c'est l'assemblage de trois mots. MEKA symbolise la mécanique, le mouvement. KAR comme cardiaque, les pulsions vitales du cœur – je suis quelqu'un d'assez passionné voire sanguin. Il y a un lien entre mécanique et battement organique… Le ZZ fait penser encore par sa consonance au bruissement et à une dynamique, à ma passion depuis l'enfance pour les cartoons, les supers héros. Tout cela forme ma marque de fabrique, le ZZ pourrait être sur ma propre poitrine comme le S de superman… (Rires). Un artiste doit rester un peu un enfant, aimer le rêve, voire le délire."

2 – Tu pratiques la danse en professionnel, la musique en tant qu'auteur-compositeur-interprète ? Y a t-il une logique artistique commune à toute cette activité ? Ou bien es-tu, comme tu le suggères, d'un tempérament touche à tout ? En un mot : la question est : quel a été ton parcours depuis tes premiers pas ?
"Ne sachant pas trop quoi faire de toutes mes prédispositions, je me suis simplifié la vie en plaçant la danse comme le noyau de mon travail. Pour mes spectacles, je compose mes propres bandes son, dans la plupart des styles : lyrique, classique, hiphop, jazz. J'ai baigné dans la musique et la danse depuis l'enfance… Comme Obélix, je suis tombé dans la marmite artistique. Pratiquer la danse est le résultat d'une volonté de rassembler toutes mes passions. Dans ma tête, j'avais le besoin compulsif voire viscérale de synthétiser toutes ces capacités qui ne sont pas très “vendables” dans notre société. J'ai commencé à apprendre la danse, pas très jeune en fait, dans une famille d'artistes, avec des parents danseurs, comme tu le sais. On faisait de tout : de la danse, mais aussi des dessins,  des costumes, etc. J'ai grandi dans les bruits et les odeurs de l'entreprise familiale, en l'occurrence une école de danse. Cela dit, il ne s'agissait pas pour moi d'assurer une succession mais un choix personnel, quelque chose qui me prenait sincèrement aux tripes. Comme tout être vivant, je pense que l'on est tous fait pour assumer une vocation. On ne pourra exceller que dans ces envies propres, avec l'aide des parents si possible."

Photo sans trucage !!! (© Claude Toon)
3 – Notre blog parle peu de danse, hormis un article sur le DVD du ballet Blanche-neige d'Angelin Preljocaj (sur des musiques de Mahler - Clic). Il y a un projet sur le classique des classiques "Casse-noisette" dirigé par Valery Gergiev et dansé par la troupe de ballet Marinsky. Peux-tu expliquer tes choix chorégraphiques et tes musiques de références… ?
"Musiques ? Uniquement ce qui m'intéresse ! J'écoute absolument de tout. Pareil pour les styles de danses. Il faut que ça me parle… Je ne place aucune barrière artistique dans ma tête. Pour répondre à ton aparté, je ne mets pas en compétition les valses de Vienne de Strauss vs la Street Dance et autres danses apparues récemment. Tout ce qu'il y a autour de nous est de l'art, même cette nappe ou ses couvertures de livre (Rires). Le design est déjà de l'art. Entrer dans le stylisme est un travail artistique qui aura une personnalité, c'est automatique et omniprésent. Il ne peut pas y avoir de compétions entre les styles de danses. À partir du moment où dans notre civilisation, les ethnies se rencontrent, il y a de nouvelles formes de danses qui naissent. Certes, il y aura toujours des compétitions organisées ou avec soi-même car on ne peut pas vivre sans aucun égo qui est une base de la vie humaine."
"Et je pense que cela est valable pour tous les arts. En musique, l'art est infini, même si on doit connaître les techniques à maîtriser, les règles ou les codes (comme en informatique), il restera toujours à créer. Je ne copie jamais un morceau de musique par-ci par-là, pas de plagiat qui est, je trouve, le mal de notre temps. Tout doit sortir du cœur pour renouveler l'inspiration, sinon on n'obtiendra jamais une personnalisation du créé. Je n'ai pas de formation en harmonie à proprement parler. Je comprends les bases et je compose par sensibilité. Pour la danse, bien entendu, il m'a a fallu obtenir des diplômes pour enseigner. Sinon je suis autodidacte et d'un caractère indépendant. Je n'ai jamais souhaité intégrer un corps de ballet formaté pour conserver ma liberté de créateur dans toutes les disciplines évoquées, sans chaînes aux pieds…."

4 – Comment composes-tu tes musiques ? On pense à un travail en solitaire en écoutant les clips : texte et musique électro… Mes potes du blog ne sont pas des fans de Rap, mois non plus. Penses-tu que ce style a été desservi dès le départ par une certaine vulgarité ? Ou bien sommes-nous des vieux ronchons ancrés sur notre culture du XXème siècle ?
Comme ça me vient, je ne me réfère pas à un style ou une école. Et oui, tu as raison Claude, je ne travaille avec personne car que ce soient les classiques (querelles pour ou contre le sérialisme que tu cites), les rappeurs ou etc.., ils sont tous en conflit ! Pour comprendre ou penser le Rap, il faut en avoir gros sur le cœur, en avoir ch**é. Ce n'est pas qu'un style de rue ni qu'un exutoire, c'est vouloir exorciser sa souffrance. Le Rap part d'une névrose de gens qui sont d'origine défavorisée ou au contraire de milieu aisé dans lequel ils ont été ignorés ou méprisés. Le Rap est né aux USA dans le monde afro-américain sur les soubresauts de la ségrégation et n'était pas violent. Il cherchait à dédramatiser la misère. C'est la commercialisation de cette musique qui l'a fait dériver. Comme je ne veux pas me prendre trop la tête avec toutes ses considérations historiques ou sociales, j'essaye de jouer avec les rimes, d'utiliser les techniques qui me font envie… Avec mes idées, je me limite à dire ce que j'ai à dire à un moment donner. Non, je n'ai pas en vue un album complet qui répond aux envies d'un public. Ça, c'est une démarche commerciale qui est tout à fait respectable, mais qui n'est pas mon objectif.

Photo : Amon Ross ©
6 – Tu dessines aussi ? Crayons, dessins, peintures ? Un autre hobby ?
J'ai développé une technique perso avec un stylo bille et un crayon. À l'école, on imposait le fusain, mais le stylo surtout pas. C'est dingue ! J'ai fait en sorte de faire ce qui n'existe pas. Je me passionne pour le graphisme genre Marvel. Je veux toujours faire les choses parfaitement, quitte à déchirer de nombreuses créations décevantes.
J'ai besoin de m'identifier à certains super héros comme Volverine (on a dû suivre le même entrainement – Rires). En fait je n'ai pas changé mes méthodes de travail depuis l'âge de 5 ans ! J'ai besoin de rester petit pour grandir. Question art, je ne fais que ce qui me bote ! Si j'entends un truc comme "t'es le meilleur", il y a un problème. Meilleur par rapport à qui ou à quoi. Là stop, car je serais en train de subir un formatage…
Donc pour conclure, tu ne veux pas devenir un nouveau personnage Marvel.
Merci pour toutes ces idées à méditer Michael… 

Trois vidéos : deux textes mis en musique par MEKARDZZ : "La vie et belle" & "à ta hauteur", puis quelques pas de danses modernes en duo avec Fallon, sœur et élève de Michael.




7 commentaires:

  1. C'est vrai que le rap n'est définitivement pas ma came. La faute a cette manière si monocorde de déclamer des vers. C'est d'autant plus frustrant pour quelqu'un comme moi qui est souvent sensible aux beaux textes. "A ta Hauteur" en est d'ailleurs un bel exemple dans lequel je me suis personnellement retrouvé.
    Et puis j'avoue être a chaque fois impressionné par le Street Art et ces danses ultra rythmée. Surtout quand c'est maîtrisé de cette façon. Bonjour la condition physique que cela demande. Du sport de haut niveau !

    Merci à tous les deux.

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  2. j'aime beaucoup quand il dit qu'il n'a rien à vendre, c'est rare et honnête, ce doit être ça un vrai artiste. Bravo à lui en tous cas, même si comme Vincent et quasi nous tous ici rap et hip hop ne sont décidément pas notre truc, on ne peut que respecter un gras comme ça .

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    1. oups, la coquille, un "gars" en non un "gras"! d'autant que vu ta photo et la vidéo il assure sportivement!

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. Merci à tous pour votre tolérance vis à vis des arts urbains

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  4. Hors des sentiers battus et hors des cadres conventionnels mais avec la précision et l'énergie pour la danse, avec un le choix des mots et des sonorités pour les textes sur une ligne musicale totalement contemporaine... Wahou ! Si c'est pas un artiste ça ! Bravo ! Maggy Toon

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  5. J'ai également beaucoup apprécié, MEKARDZZ, que vous remettiez en perspective la naissance de cette musique qu'est le rap.
    Comme a chaque fois, on constate depuis des décennies, que c'est toujours la communauté noir qui créé un courant musical "fort".
    A travers la ségrégation, les souffrances personnelles, le rejet d'une caste, etc, ainsi sont nés le Jazz, le Blues, le Rock' N' Roll. Plus tard, le Hip Hop et le Rap. La musique n'est jamais aussi bonne et sincère que quand elle permet d'expurger son mal-être, sa peine ou sa colère.

    N'ayant, personnellement, jamais été confronté au racisme et n'ayant pas vécu dans tous ces cartiers sinitres, sans doute est-ce l'une des raisons qui fait que je ne me serai pas montré plus réceptif que ça a ce style d'expression qu'est le Rap. La barrière de la langue anglophone ainsi que la récupération médiatique qui en aura été faite aura définitivement eu raison de mon intérêt porté a ce style.

    Curieux comme je le suis parfois, je m'étais quand même rendu au ciné récemment pour y voir ce film sur la naissance du Gangsta Rap. "NWA Straight Outta Compton" est a voir absolument !

    Bonne route Monsieur MEKARDZZ. Et merci de votre visite ici.

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