Manouchehr
Kheiron Tabib, dit Kheiron, est un humoristique français d’origine iranienne. Il
est passé par le Jamel Comedy Club, a joué des spectacles en stand-up,
participé à l’écriture de la série BREF sur Canal Plus, créée par Kyan
Khojandi, dont les parents venaient aussi d’Iran.
NOUS
TROIS OU RIEN raconte l’histoire de ses parents, Hibat et Fereshteh Tabib,
activistes iraniens, opposants au Shah, dictateur laïc. Hibat Tabib a été
emprisonné 7 ans, avec certains de ses frères, et libéré lorsque le Shah a été
destitué par le régime de Khomeini, dictateur non-laïc (et accessoirement, le
début de nos emmerdes avec les barbus de tous poils…). Hibat et Fereshteh
quittent clandestinement l’Iran en 1984, avec leur gamin de deux ans, le petit
Kheiron. Après une année planqués à Istanbul, ils arrivent à Paris. Hibat s’investit
dans la vie associative, avec Daniel Bioton, maire de Pierrefitte.
Kheiron
choisit donc de raconter par le menu la vie de ses parents, un récit pour le
moins édifiant, exemplaire. Heureusement Kheiron en fait une comédie. C’est ce qui gêne un
peu, au début, car le ton semble décalé. On y parle français, en Iran (comme
dans les films américains où tout le monde parlent anglais quel que soit le
pays), un français contemporain, et les joutes verbales rappellent ce qui se
fait à la télé. Exemple type avec le personnage du Shah d’Iran, joué par
Alexandre Astier, créateur de la série Kamelott. Toujours cadré de face,
derrière son bureau, le personnage tient davantage du cartoon, du gamin
colérique, et le Hinkel de Chaplin nous revient en mémoire.
Mais
Kheiron parvient à faire rire tout en racontant des évènements dramatiques. Le
début du film est alerte, ludique.
Il y a de nombreux personnages, mention pour le frangin kleptomane, qui ne vole
que des vêtements… Et dont le magasin de fringues fera faillite des années
plus tard, car il se volait lui-même ! Le récit avance vite, on retiendra la
présentation officielle aux beaux-parents, les gags récurrents sur le diplôme d’avocat.
Quand vient l’heure de quitter l’Iran, Hibat n’avait pas envisagé de partir avec
femme et enfant. Mais Fereshteh insiste, le menace, sur le thème de « nous
trois, ou rien ». La scène est excellente, drôle, où on fait remarquer
que cet activiste courageux a plus peur de sa femme que de Khomeini… ce qu’approuvent
les autres hommes de la pièce, en acquiesçant d'un regard entendu ! (scène tronçonnée dans la bande annonce, qui la dénature totalement)
Le
voyage en lui-même est la partie la plus faible, sans doute trop longue. Le
périple est dangereux, et sachant qu’on en connait l’issue, le réalisateur
aurait pu être plus factuel. Il se laisse aller à l’émotion, sur fond de piano
lyrique, sans doute pas le meilleur choix.
Puis
c’est l’installation en banlieue parisienne, à Stains (93). Le couple est pétri
de joie à l’idée de fouler la plus belle démocratie qui soit, terre de liberté
et de révolution… pour atterrir dans une cité grise et triste. Hibat n’aura de
cesse de redynamiser le quartier, avec l’aide de Fereshteh, qui s’implique
aussi auprès des femmes immigrées. La séquence sur les MST
est hilarante (les quoi ? SMS ? Non, MST… Ah, les chocolats, les M&M’S ?),
comme la visite du château de Vaux le Viconte, avec les mamas africaines qui
partent en bus avec toute la cantine. Une galerie de personnages amusants dont cet africain à qui on explique que la polygamie est interdite en France, et qui marchande son nombre de femmes ("allez, quatre femmes... bon, trois, mais je ne descendrai pas plus bas !")
C’est
un premier film, non exempt de défaut. On sent Kheiron plus à l’aise dans le registre comique que dans les scènes plus dramatiques,
parfois un peu bancales. Certains reprocheront sans doute le côté « petit
précis d’une bonne intégration à l’intention des prochains qui arriveront ». Oui, on sait, la vie n'est pas rose, et les exemples de réussite ne doivent pas cacher les échecs. Mais cette histoire-là s'est déroulée ainsi. Pourquoi ne pas la raconter ?
D'autant qu'entre temps il y a eu le 7 janvier et le 13 novembre 2015. Et ça change
carrément la donne. Alors que le pays s’interroge, incrédule, sur le modèle
français, le vivre ensemble, la laïcité, les zones socialement sinistrées, le
film de Kheiron devient une bouffée d’oxygène et d’espoir salutaire. (même si en 30 ans, les choses ont évolué)
La
stupide bande-annonce mise sur le sirupeux larmoyant, les trémolos académiques sur fond d'envolées violoneuses. Une connerie ! Ce film est drôle, malin, ludique, léger, échappe au sentencieux. Le
parcours d’Hibat aurait pu faire l’objet d’un biopic à l’américaine, un truc indigeste
de 2h40 se prenant très au sérieux. Il n’en est rien, c’est même tout le
contraire. Un film modeste, qui en dit beaucoup, et le dit bien. Conseillé
aussi (et surtout) aux enfants, à partir de 10 – 11 ans…
La
distribution est impeccable, on y croise la lumineuse Leïla Bekhti, Gérard Darmon,
Zabou, Alexandre Astier, Michel Vuillermoz, Arsène Mosca… Un film a rapprocher, par son ton, son propos, de celui de Michel Leclerc LE NOM DES GENS (2010).
couleur - 1h42 - scope 2:35
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Z'annonce de la neige pour le WE. Alors allons z'au ciné. La bande a Ruquier n'avait pas tari d'éloge au sujet de ce premier film. Je t'en donnerais de mes nouvelles a l'occasion.
RépondreSupprimerUn comique qui n'a pas tari. Un peu gênant.
RépondreSupprimerEt s'il ne tarit pas d'éloges ?
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