mardi 27 octobre 2015

LUKE "Pornographie"

Cinquième album pour le groupe Luke formé l'année de l’éphémère France "black blanc beur" et du fameux "1,2,3..0" (1998, allusions à la coupe du monde 98).  Enfin quand je dis groupe je pourrais parler du projet de Thomas Boulard, chanteur et parolier, pivot central de Luke (ainsi nommé en référence au "Luke la main froide" incarné par Paul Newman (chronique)) qui a vu tourner autour de lui différents musiciens.
Un groupe qui  aura connu un beau succès avec "la tête en arrière" (album de 2004) et qui -parlons d'entrée des sujets qui fâchent- aura été au centre d'une petite polémique, certains trouvant la ressemblance avec Noir Désir trop marquante. On ne peut le nier, Noir Déz' est une influence revendiquée de Thomas Bouchard, je préfère dire que les groupes s’inscrivaient dans le même courant. Un album qui comme un signe de fierté arbore le "Parental Advisory Explicit Content", en effet par les temps qui courent ou la pensée neuneu et le politiquement correct étouffent  tout, c'est plutôt un bon point que d'être visé par ce logo. (rappelons le à l'initiative de l’inénarrable Tipper Gore (l'ex de Al Gore), authentique barge fondatrice aux States du PMRC).

Suite à l'écoute de cet album 2 chroniqueurs de notre rédaction ne sont pas vraiment d'accord sur leur appréciation du disque, alors exceptionnellement vous allez avoir droit à 2 points de vue, et ce sera à vous  de trancher:


 POUR, par Rockin'

Tout à fait pour, et comment ne pas l'être dés l'ouverture avec "Warrior", premier uppercut dans ta gueule de blaireau, rock enervé, portrait de jeune loup cynique aux crocs affûtés "je vous baise hardcore, j'ai assassiné les utopies sur l'autel d'un nouveau monde, bienvenue dans ma chair bienvenue dans mon monde, vous avez enfanté une bombe". Encore plus fort avec "Rock'n'roll" qui déménage vraiment, ça suinte la colère, le refrain est vraiment accrocheur, le truc qui doit cartonner en concert -"donnes moi du rock'n'roll, j'veux qu' ça cogne" - ça pour cogner ça cogne..
Avec "Des marchandises" c'est cette société déshumanisée ou l'homme est devenu une marchandise qui est prise pour cible. "Indignés"  -référence sans doute au mouvement du même nom-  m'a séduit avec son tempo plus calme et un beau texte porteur d'espoir ("faire de l'espoir calciné le plus beau des champs de blé"). "J'veux être un héros" rejoint le thème de "Warrior", sur le modèle de réussite sociale en toc véhiculé par la pub, les médias et quelques abjects crétins (comme celui qui disait  "si t'as pas une Rollex à 50 ans t'es un looser"). ("j'veux croiser des gens comme moi et leur parler comme à des chiens") . "C'est la guerre" est le premier single choisi, à mon sens pas le meilleur titre, même si le constat est sombre et comme dirait l'autre c'est pas faux ("Y'a même plus de colère, génération MTV, génération somnifère"). "Quelque part en France" est  intéressant, ballade rock  au mid-tempo désabusé qui charge de front (sic) l'électeur du FN ("on est le premier parti de ceux qui s'emmerdent"), le texte mi chanté mi parlé est vraiment efficace et assez bien vu  sociologiquement. J'aime bien cette charge, en effet il est au contraire de bon ton de brosser dans le sens du poil pour le récupérer l’électorat de ce parti aux idées -je cherche le mot- écœurantes (pour être poli).
Belle ballade avec "Rêver tue" avant "Pornographie", qui s'en prend aux idoles éphémères, à la célébrité instantanée par le buzz, aux poufs à gros nichons comme aux crétins gominés, et ça tape fort, sur un son plus électro, comme sur "Discothèque", qui met en relief l'insouciance, s'abrutir sur du Guetta pendant que le bateau coule ("On a enterré les charniers sous les dance floor"). On termine avec "Solitaires", sur cet humain de plus en plus connecté et de plus en plus seul, même dans la foule, même dans "la France à Drucker".

Cette série de directs au foie à la Mike Tyson, de règlements de comptes à la Al Capone,  est une déflagration salutaire dans le monde aseptisé du rock français, un coup de pied dans la fourmilière.
L'écriture est viscérale, rageuse, "je me suis pas autocensuré" dit Thomas Boulard, ça c'est sur et c'est un bon point, rarement depuis Trust j'avais entendu une telle charge ou alors il faut se tourner vers certains textes rap ou punk . Je me plains assez du manque d'engagement des artistes français, de la pensée neuneu qui prévaut (Maé, Grégoire, Obispo, etc), des pseudos rockers (BB Brunes, Kyo..)  pour ne pas me réjouir de trouver quelqu'un qui mets les pieds dans le plat et défouraille dans tous les sens! Il est bien aussi de rappeler  que le rock  ça sert aussi à ça, et qu'il a vocation de révolte alors bravo et merci à Luke.


CONTRE, par JL

Je ne reviendrai pas sur les titres en détail, notre ami Rockin l'a fait avec son talent habituel (bonjour la schizo..) mais...car oui, il y a un mais. Alors oui, les électeurs du FN sont de grosses buses (scoop!), les marchands d'armes sont des salauds (re scoop!), les élites c'est des pourris (rere), les starlettes de la téléréalité sont en toc (noon?) , la télé ça rend con (sans dec'?), le fric ça pue, les multinationales  gouvernent le monde pour leur profit, la société de consommation  va droit dans le mur, la pollution nous fait crever, oui nous sommes des blaireaux bien éduqués ; tout ça ben ça fait un peu enfoncage de portes ouvertes. Çà défoule et ça fait du bien de le dire mais à haute dose sur tout un album ça saoule un peu, d'autant que peu ou prou tous ces thèmes  tournent en boucle de titres en titres. Et puis tout ça manque un peu de subtilité, de respiration musicale et poétique, Et puis, et puis on a déjà entendu "Antisocial" ou "l'elite" de Trust, le "j'accuse" de Saez, "un jour en France" de Noir Désir, "Hexagone","société tu m'auras pas"  (Renaud) , "Magouille blues" (François Béranger)..
Coup de pied dans la fourmilière dit Rockin ci dessus, peur-être  mais distribué par une major, Sony Music, aller jusqu'au bout de la démarche aurait peut-être été de travailler avec un label indé (bon ok, je suis de mauvaise foi là dessus, autant se servir du système pour le critiquer).
Reconnaissons leur le mérite d'avoir des choses à dire et de taper fort, mais à tort et à travers, un peu comme un boxeur aveuglé par la haine, et qui finit par rater sa cible.

Rockin-JL

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