- Semaine consacrée à la musique de chambre M'sieur Claude ? Et je ne
vous demande plus "aimez-vous Brahms ?" hi hi !
- Et oui Sonia, et après un premier article sur deux quintettes de la
maturité : l'un pour cordes et alto et l'autre pour cordes et clarinette,
voici le troisième avec piano…
- Vous aviez écrit il me semble dans une chronique que cette formation
est peu utilisée par les compositeurs car difficile à maitriser…
- Je confirme mes propos que l'on trouve dans mes commentaires sur les
quintettes de Fauré et de Schumann, je vais résumer tout cela dans mon
texte…
- J'aime beaucoup ce mélange de force et de poésie, une musique très
contrastée…
- Vous définissez très bien le monde musical de Brahms mon petit… On
pensera à vous quand je prendrai ma retraite du Deblocnot…
Petit préambule coup de gueule. J'aurais aimé ne pas parler d'artistes déjà
rencontrés dans le blog et dont le talent n'est plus à prouver. Mais, vous
connaissez le credo des labels : vendre en jouant sur la popularité des
vedettes. Début des années 90, un enregistrement du tout jeune
Quatuor Hagen
en complicité avec le non moins jeune pianiste
Paul Gulda
avait bousculé la discographie par sa fougue tempétueuse. Un CD que l'on ne
trouve plus qu'à des prix surréalistes sur le net. Quant à un exemple
musical YouTube… on en trouve que le début… Cela dit,
Pollini
–
Quartetto Italiano, 35 ans et pas une ride.
Brahms jeune XXXXX |
Le compositeur
Brahms
est d'importance à l'époque romantique, personne n'en doute. L'homme ne
deviendra guère sympathique avec ses confrères en avançant en âge.
Bruckner
n'est pour lui qu'un "charlatan" wagnérien. Il découragera par maladresse le
jeune
Hans Rott, ami d'étude et de chambrée du jeune
Mahler, comme nous l'avons lu il y a quelques semaines
(Clic).
Brahms
n'était guère un novateur. Mais entre ses symphonies, la splendeur de sa
musique de chambre et pour piano, et ses œuvres chorales, il faut bien
avouer que les chefs-d'œuvre s'accumulent.
Et puis, même les musiciens ont leurs affaires people. Il
profitera de l'internement de
Robert Schumann
puis de sa mort pour se rapprocher (de très près) de l'épouse puis de
la veuve :
Clara Schumann, de 14 ans son aînée et qui a déjà six enfants. Il reste quelques lettres
enflammées qui ont survécu à l'autodafé d'un amour impossible. Enfin…
Revenons à notre quintette pour piano qui date de cette période… 1864-1865.
Schumann
a rendu l'âme huit ans auparavant.
Brahms
a la trentaine.
La genèse de ce quintette est aventureuse. Souvent les jeunes compositeurs
s'emportent dans des ouvrages trop longs et trop riches en matériau musical,
comme pour se prouver qu'ils maitrisent déjà toutes les ficelles du métier.
L'âge et l'expérience les conduiront à plus de concision et d'épure. Déjà,
lors de l'écriture des
quatuors avec piano Opus 25 & 26, le jeune
Brahms
(à l'instar de son contemporain
Dvořák) s'épanchait dans des ouvrages de 40 à 50 minutes. Le jeune homme
récidive avec ce quintette d'une bonne quarantaine de minutes. Mais
Brahms
va montrer un sens exceptionnel de l'imagination mélodique, du rythme, des
variations de climats. On ne s'ennuie pas une seconde !
Il va travailler longuement cette partition qui sera d'abord un quintette à
la manière de
Mozart
(deux altos). Insatisfait, il transcrira cette ébauche sous forme d'une
sonate pour deux pianos. Puis
Clara, et le chef d'orchestre
Hermann Levi, experts en la matière et discernant l'ampleur quasi symphonique de
l'œuvre en gestation, lui conseilleront cette formation définitive que
Robert Schumann
avait découverte lui-même et transcendée en 1842 dans son unique
quintette
(Clic).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Quartetto Italiano Maurizio Pollini |
En 1979
Maurizio Pollini
est l'un des pianistes phares du label
Dgg. Le
Quatuor Amadeus, qui a le même statut, a déjà gravé le quintette avec
Christoph Eschenbach. Correct, bien évidemment, mais il serait bon de renouveler le catalogue.
Pour
Pollini, Dgg voit grand et débauche
le
Quartetto Italiano
en contrat exclusif chez
Philips. Cinq italiens pour
jouer une musique profondément germanique. La magie va opérer et cette
gravure reste malgré quelques critiques de principe l'une des
interprétations les plus appréciées. Les critiques viennent plutôt de
mélomanes qui, comme moi, pensent que
Dgg joue la carte du
vedettariat exclusif pour assurer des ventes juteuses depuis des décennies.
Et les jeunes ?
Je ne reprends pas la présentation de ces artistes.
Maurizio Pollini
a fait la une du blog avec son disque consacré aux
quatre Scherzos
de
Chopin
(Clic). Quant au
Quartetto Italianao, un 6+ lui a été attribué pour son enregistrement culte du
15ème quatuor
de
Beethoven
(Clic).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Commenter certaines œuvres se révèle ardu. Ne me demandez pas pourquoi, je
n'ai pas la réponse. Pour ma chronique récente consacrée à la longue,
complexe et géniale
symphonie N°7
de
Mahler, ma plume (clavier) glissait toute seule. Là, pour ce plus bref et
enchanteur quintette, je suis victime du syndrome de la page blanche. On
nomme cette situation la leucosélophobie !! C'est fou ce que l'on apprend
avec internet. Même le correcteur orthographique ne connait pas, et puis ça
sonne vraiment comme une maladie grave !! ;o) Bref de digression.
Si, comme je l'ai déjà dit,
Brahms
est un romantique peu novateur et qui ne regarde pas vers la musique du
futur, il est indéniable qu'il fait œuvre d'une inventivité démoniaque dans
les formes classiques qu'il utilise, notamment la forme sonate avec ses
quatre mouvements imposés depuis
Mozart
et
Haydn
et, les principes d'exposition, réexposition de thèmes bien identifiables.
Mais il pousse le bouchon très loin dans les libertés prises avec ces
structures académiques, et c'est en cela que je ne vais sans doute pas
détailler la richesse de la partition mais plutôt tenter de donner les clés
musicales et émotionnelles de ce quintette. Donc, très classiquement, quatre
mouvements :
L'Arc-en-ciel de Caspar David Friedrich (1810) XXXX |
Difficile la maîtrise de la formation piano-quatuor ? Oui mais à l'évidence
pas pour le compositeur ni pour nos cinq italiens. Que ce soit dans les
passages de dialogue entre les cordes et le piano plus percutant ou les
échanges plus concertants, la magie opère. Le tempo assez mesuré permet de
fluidifier le discours.
Maurizio Pollini
est au zénith de son talent à cette époque. Son touché est précis et délicat
sans trahir le style brahmsien qui confère au jeu de l'instrument une frappe
virile. On retrouve chez le
Quartetto Italiano, ce jeu détimbré et brillant qui fit leur réputation. L'osmose est idéale.
Aucun des instrumentistes ne cherche à se mettre en avant. La fidélité au
texte prend le pas sur les virtuosités individuelles. Ce n'est guère une
surprise pour ceux qui connaissent ces artistes.
Une Fillette dans un champ, de Ludwig Knaus (1857) |
3 - Scherzo: Allegro
(Do Mineur - Do Majeur) : le scherzo s'engage vaillamment : notes staccato
au piano et traits incisifs des cordes. Il se dégage un climat fiévreux
voire endiablé de cette danse allègre. Les instrumentistes adoptent un jeu
enivré et puissant. La prise de son est superbe. En ce mois de janvier 1979,
l'ingénieur du son est particulièrement inspiré. Le trio, très bref, ne
s'alanguit aucunement. Il gagne légèrement en optimisme par sa tonalité de
do majeur. L'interprétation musclée tend vers la gouaille dans cette
atmosphère volontairement rustique.
4 - Finale : Poco sostenuto Allegro non troppo – Presto, non troppo
(Fa mineur) : Des notes graves et même un peu sinistre nous surprennent dans
le début du final. On pense à
Beethoven
et à son
15ème quatuor. Ce climat tranche considérablement avec la jouissance du scherzo et la
bonhommie de l'andante. Cette multitude illimitée d'atmosphères hisse ce
quintette sans hésitation au rang des chefs-d'œuvre du genre. [2:00]
L'allegro commence réellement, et avec lui une série de variations
fantasques qui n'oublient pas les thématiques folkloriques hongroises
qu'affectionnait le compositeur des célèbres
danses hongroises. À ce sujet,
Maurizio Pollini
et le
Quartetto Italiano
n'hésitent pas à recourir pour ces passages à un phrasé hiératique ; on
songe à la frénésie d'une danse villageoise un jour de liesse. La coda, a
contrario de celles un peu massives de certaines œuvres romantiques, se veut
pleine de verve, féérique et enchantée, lyrique et un peu folle.
Maurizio Pollini
et le
Quartetto Italiano
signent une grande version d'une œuvre ambitieuse, gorgée de passion et de
poésie. Peu de concurrence à l'ère de la stéréophonie. Je mentionne la
version qui m'est chère : l'ensemble
Paul Gulda
et le
Quatuor Hagen
en 1992 (Dgg – 6/6). Il
y en a peut-être d'autres mais mes recherches sont restées peu
enthousiasmantes. Une exception : l'enregistrement contrasté,
voluptueux mais pudique du
Quatuor Ébène avec au clavier la jeune pianiste japonaise Akiko Yamamoto. (2009 - Erato - 5/6).
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