samedi 8 août 2015

RIMSKI-KORSAKOV – Capriccio Espagnol - Rafael Frühbeck de Burgos (2014) – Par Claude Toon


Rafael Frühbeck de Burgos


Encore un peu de soleil cette semaine. Le compositeur russe Rimski-Korsakov, comme ses copains de la même époque, se passionne pour la musique espagnole. Ce Capriccio espagnol sent bon les thèmes ibériques : les danses des gitanes, le fandango… et aussi les vacances dans la péninsule…
Et puis rien de mieux que l'un des meilleurs chefs "espagnols" du XXème et du XXIème siècle pour enchanter cette partition brillante et chorégraphique. Mais voilà (petit coup de gueule), j'aurais aimé vous parler de Rafael Frühbeck de Burgos comme d'un artiste bien vivant (ce que je croyais). Et bien non, le maestro est mort dans l'anonymat le plus absolu le 11 juin 2014 à Pampelune. Date maudite comme Prokofiev rendant l'âme le même jour que Staline. Mauvais choix pour monter au paradis : le lendemain débutait l'évènement quadri annuel, planétaire et omniprésent : la coupe du monde foot 2014. Alors là, les médias, et soyons un peu honnêtes, l'humain moyen n'avaient d'yeux et d'oreilles que pour le ballon rond !!!! Pas une annonce ou un entrefilet sur les médias, peut-être trois lignes page x dans les revues spécialisées, etc. Je ne suis pas totalement innocent dans cette affaire…
On va se rattraper avec cette fulgurante vidéo de qualité d'un concert donné début 2014 au Danemark. L'orchestre se déchaîne sous la houlette d'un homme qui semble déjà pourtant bien fatigué… Saloperie de cancer !
Rafael Frühbeck tout court de parents allemands en 1933 à Burgos, le musicien ajoutera "de Burgos" ultérieurement en hommage à la ville où il a vu le jour. Il ne faut pas voir un titre nobiliaire dans ce nom à l'orthographe peu commune. Il suivra toute sa formation en Espagne aux conservatoires de Madrid et de Bilbao : violon, piano et composition. Il se tournera vers la direction d'orchestre plus tardivement en étudiant à la Hochschule für Musik à Munich, mais avec assurance, puisqu'il remportera le prix Richard Strauss.
Sa brillante carrière débute en 1962, date à laquelle il est nommé directeur de l'Orchestre national d'Espagne, poste qu'il va occuper 16 ans. Suivront la direction d'orchestres de hauts niveaux déjà souvent cités dans le blog : les orchestres symphoniques de Montréal et de Vienne, le RSO de Berlin et la Philharmonie de Dresde. En 2012, il est appelé au pupitre de l'orchestre symphonique du Danemark qu'il ne conduira que 2 ans avant de s'éteindre.
Rafael Frühbeck de Burgos servira tout particulièrement les musiciens de son pays natal comme Joaquin Rodrigo (il assurera des créations d'œuvres du compositeur du concerto d'Aranjuez), et plus encore Manuel de Falla, dont il enregistrera tout le corpus orchestral. Et puisque je parle de disques, on ne peut faire l'impasse sur une gravure culte de l'oratorio Elias de Mendelssohn dans une version chantée en anglais (le compositeur avait écrit aussi en allemand sa partition). Le plateau des solistes était Gwyneth Jones, Janet Baker, Dietrich Fischer-Dieskau, et l'orchestre Philharmonia culminait alors à son zénith dans les dernières années des années 60' sous la direction officielle et rigoureuse d'Otto Klemperer.Les connaisseurs apprécieront...
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Nikolaï Rimski-Korsakov a déjà eu son "grand" article avec sa symphonie à programme Shéhérazade, une œuvre bien connue et écoutée dans l'interprétation vigoureuse de Fritz Reiner. (Clic)
La biographie du compositeur russe étant détaillée dans le premier article, revenons juste sur quelques points de repères pour situer le Capriccio espagnol dans sa carrière. Rimski-Korsakov (1844-1908) partage avec Tchaïkovski une place de première importance dans la musique postromantique slave. Il fut le chef de fil du groupe des cinq et également un pédagogue et un orchestrateur de génie ayant eu parmi ses élèves des pointures internationales comme l'italien Ottorino Respighi dont nous avons écouté les "impressions brésiliennes" il y a quelques semaines. Citons aussi Prokofiev et Stravinski.
Il est amusant d'entendre les analogies de style entre Shéhérazade, œuvre capiteuse et héroïque flirtant avec l'imaginaire des contes orientaux des mille et une nuits, et la chorographie symphonique et euphorique du "folk" ibérique du Capriccio espagnol. On ne pourra pas s'empêcher de retrouver cette énergie festive et l'orchestration généreuse de "fête à Bagdad" qui conclut la symphonie écrite en 1888, tandis que le Capriccio espagnol a été composé tout juste avant en 1887.
Rimski-Korsakov a bourlingué en tant qu'officier de marine, notamment de 1862 à 1865. Il a ainsi débarqué dans la ville portuaire de Cadix (La beeelle de Cadix a dés yeux dé vélours. Merci Luis Mariano… couché !). Le compositeur a bien évidement vu et entendu des danses et des chants populaires dans les "baretos" locaux…

Nikolaï Rimski-KorsakovXXXX
Le Capriccio Espagnol comprend 5 parties enchaînées et l'orchestration requise est rutilante : 1 piccolo, 2 flutes, 2 hautbois (et un cor anglais), 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, triangle, caisse claire, grosse caisse, cymbales, tambourin, castagnettes, harpe, et cordes. La durée et d'un petit quart d'heure.
1 – Alborada : vivo et sterpitoso [0:34] : Alborada = Aubade. Rien à voir ici avec hidalgo jouant sous le balcon de sa chérie. L'indication de tempo précise vif et retentissant. C'est le cas dans cette introduction rythmée, une cavalcade dans l'arène de l'orchestre symphonique. Pour faire couleur local : tambourin et castagnettes énergisent le sujet emprunté à une  mélodie de danse des Asturies. Le chef cravache cet excellent orchestre danois qui se révèle transparent et dynamique. La clarinette virevolte en solo ainsi que le premier violon. Ceci ne doit pas surprendre dans le sens où Rimski-Korsakov songeait initialement à écrire une partition concertante pour violon et orchestre…
2 – Variazioni – Andante [1:50]: Après le déferlement initial, les quatre cors entonnent une mélodie nocturne aux accents plus slaves qu'espagnols. Plusieurs variations à partir de ce thème élégiaque vont s'enchaîner avec élégance en montrant l'habileté d'orchestrateur de Rimski-Korsakov : les cordes, le hautbois, l'orchestre à l'unisson, et beaucoup de passion. Le passage se terminera par un tendre solo de flûte. Hyper romantique…
3 – Alborada : vivo et sterpitoso [6:35] : courte reprise de l'introduction mais pas complètement da capo grâce à un solo bref et incisif du violon repris deux fois. Tout cela sonne champêtre et joyeux et contrairement à l'intro, l'aubade se termine avec brio et un ultime coup des cymbales.
4 – Scena et canto gitano - Allegretto [7:55] : Un roulement de caisse claire et une phrase agreste des trompettes évoquent une scène typiquement espagnole. Une gitane chante et danse. Le violon solo incarne l'entrée en scène du personnage. Rimski-Korsakov joue la carte de la lascivité et de la sensualité d'une chaude journée ibérique. Il déploie une mélodie érotisante en utilisant des arpèges voluptueux aux harpes. Rafael Frühbeck de Burgos maîtrise à la perfection ses tempos : aucune langueur, une vitalité dans la direction qui permet de savourer les couleurs chatoyantes de l'orchestration.
5 – Fandango asturiano [12:58] : Le final s'articule sur le rythme endiablé du  célèbre fandango mais sans exagération. La clarinette introduit les castagnettes au sein des mille feux de l'orchestre. Une ambiance festive qui se termine dans une radieuse folie… Rimski-Korsakov et Rafael Frühbeck de Burgos respectent à la lettre les règles du fandango andalou : des castagnettes endiablées et un tempo qui ne cesse d'accélérer.
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1 commentaire:

  1. Alors la tu m'as cloué sur place en m'apprenant le décès de Rafael Frühbeck de Burgos !!! Et pourtant ce n'est surement pas moi qui aurait du passer à coté de l'information parce que la coupe du monde j'en ai rien a foot ! (Je préfère le rugby !!).
    Le Capriccio Espagnol me ramène au moins 40 ans en arrière, j'ai toujours adoré cette oeuvre avec son thème Russo-hispanique et surtout le nostalgique Andante. Une des premières oeuvre de Rimski-Korsakov que j'avais acheté dans une édition économique "Le Cercle Musical".

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