Rafael Frühbeck de Burgos |
Encore un peu de soleil cette semaine. Le compositeur russe
Rimski-Korsakov, comme ses copains de la même époque, se passionne pour la musique
espagnole. Ce
Capriccio espagnol
sent bon les thèmes ibériques : les danses des gitanes, le fandango… et
aussi les vacances dans la péninsule…
Et puis rien de mieux que l'un des meilleurs chefs "espagnols" du XXème
et du XXIème siècle pour enchanter cette partition brillante et
chorégraphique. Mais voilà (petit coup de gueule), j'aurais aimé vous parler
de
Rafael Frühbeck de Burgos
comme d'un artiste bien vivant (ce que je croyais). Et bien non, le maestro
est mort dans l'anonymat le plus absolu le
11 juin 2014 à Pampelune. Date
maudite comme
Prokofiev
rendant l'âme le même jour que
Staline. Mauvais choix pour
monter au paradis : le lendemain débutait l'évènement quadri annuel,
planétaire et omniprésent :
la coupe du monde foot
2014. Alors là, les médias, et
soyons un peu honnêtes, l'humain moyen n'avaient d'yeux et d'oreilles que
pour le ballon rond !!!! Pas une annonce ou un entrefilet sur les médias,
peut-être trois lignes page x dans les revues spécialisées, etc. Je ne suis
pas totalement innocent dans cette affaire…
On va se rattraper avec cette fulgurante vidéo de qualité d'un concert
donné début 2014 au Danemark. L'orchestre se déchaîne sous la houlette d'un
homme qui semble déjà pourtant bien fatigué… Saloperie de cancer !
Né
Rafael Frühbeck
tout court de parents allemands en
1933 à Burgos, le musicien
ajoutera "de Burgos" ultérieurement en hommage à la ville où il a vu le jour. Il ne faut pas
voir un titre nobiliaire dans ce nom à l'orthographe peu commune. Il suivra
toute sa formation en Espagne aux conservatoires de Madrid et de Bilbao :
violon, piano et composition. Il se tournera vers la direction d'orchestre
plus tardivement en étudiant à la
Hochschule für Musik à Munich,
mais avec assurance, puisqu'il remportera le prix Richard Strauss.
Sa brillante carrière débute en
1962, date à laquelle il est
nommé directeur de l'Orchestre national d'Espagne, poste qu'il va occuper 16 ans. Suivront la direction d'orchestres de
hauts niveaux déjà souvent cités dans le blog : les
orchestres symphoniques
de
Montréal
et de
Vienne, le
RSO de Berlin et la
Philharmonie de Dresde. En 2012, il est appelé au pupitre de l'orchestre symphonique du Danemark
qu'il ne conduira que 2 ans avant de s'éteindre.
Rafael Frühbeck
de Burgos
servira tout particulièrement les musiciens de son pays natal comme
Joaquin Rodrigo
(il assurera des créations d'œuvres du compositeur du
concerto d'Aranjuez), et plus encore
Manuel de Falla, dont il enregistrera tout le corpus orchestral. Et puisque je parle de
disques, on ne peut faire l'impasse sur une gravure culte de l'oratorio
Elias
de
Mendelssohn
dans une version chantée en anglais (le compositeur avait écrit aussi en
allemand sa partition). Le plateau des solistes était
Gwyneth Jones,
Janet Baker,
Dietrich Fischer-Dieskau, et l'orchestre
Philharmonia
culminait alors à son zénith dans les dernières années des années 60' sous
la direction officielle et rigoureuse d'Otto Klemperer.Les connaisseurs apprécieront...
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Nikolaï Rimski-Korsakov
a déjà eu son "grand" article avec sa symphonie à programme
Shéhérazade, une œuvre bien connue et écoutée dans l'interprétation vigoureuse de
Fritz Reiner.
(Clic)
La biographie du compositeur russe étant détaillée dans le premier article,
revenons juste sur quelques points de repères pour situer le
Capriccio espagnol
dans sa carrière.
Rimski-Korsakov
(1844-1908) partage avec
Tchaïkovski
une place de première importance dans la musique postromantique slave. Il
fut le chef de fil du groupe des cinq et également un pédagogue et un
orchestrateur de génie ayant eu parmi ses élèves des pointures
internationales comme l'italien
Ottorino Respighi
dont nous avons écouté les "impressions brésiliennes" il y a quelques semaines. Citons aussi
Prokofiev
et
Stravinski.
Il est amusant d'entendre les analogies de style entre
Shéhérazade, œuvre capiteuse et héroïque flirtant avec l'imaginaire des
contes orientaux des mille et une nuits, et la chorographie symphonique et euphorique du "folk" ibérique
du
Capriccio espagnol. On ne pourra pas s'empêcher de retrouver cette énergie festive et
l'orchestration généreuse de "fête à Bagdad" qui conclut la symphonie écrite en
1888, tandis que le
Capriccio espagnol
a été composé tout juste avant en
1887.
Rimski-Korsakov
a bourlingué en tant qu'officier de marine, notamment de
1862 à
1865. Il a ainsi débarqué dans
la ville portuaire de Cadix (La beeelle de Cadix a dés yeux dé vélours. Merci Luis Mariano… couché !). Le compositeur a bien évidement vu et
entendu des danses et des chants populaires dans les "baretos" locaux…
Nikolaï Rimski-KorsakovXXXX |
Le
Capriccio Espagnol
comprend 5 parties enchaînées et l'orchestration requise est rutilante : 1
piccolo, 2 flutes, 2 hautbois (et un cor anglais), 2 clarinettes, 2 bassons,
4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, triangle, caisse claire, grosse caisse,
cymbales, tambourin, castagnettes, harpe, et cordes. La durée et d'un
petit quart d'heure.
1 – Alborada : vivo et sterpitoso
[0:34] : Alborada = Aubade. Rien à voir ici avec hidalgo jouant sous le
balcon de sa chérie. L'indication de tempo
précise vif et retentissant. C'est le cas dans cette introduction rythmée, une
cavalcade dans l'arène de l'orchestre symphonique. Pour faire couleur local
: tambourin et castagnettes énergisent le sujet emprunté à une
mélodie de danse des Asturies.
Le chef cravache cet excellent orchestre danois qui se révèle transparent et
dynamique. La clarinette virevolte en solo ainsi que le premier violon. Ceci
ne doit pas surprendre dans le sens où
Rimski-Korsakov
songeait initialement à écrire une partition concertante pour violon et
orchestre…
2 – Variazioni – Andante
[1:50]: Après le déferlement initial, les quatre cors entonnent une mélodie
nocturne aux accents plus slaves qu'espagnols. Plusieurs variations à partir
de ce thème élégiaque vont s'enchaîner avec élégance en montrant l'habileté
d'orchestrateur de
Rimski-Korsakov
: les cordes, le hautbois, l'orchestre à l'unisson, et beaucoup de passion.
Le passage se terminera par un tendre solo de flûte. Hyper romantique…
3 – Alborada : vivo et sterpitoso
[6:35] : courte reprise de l'introduction mais pas complètement da capo
grâce à un solo bref et incisif du violon repris deux fois. Tout cela sonne
champêtre et joyeux et contrairement à l'intro, l'aubade se termine avec
brio et un ultime coup des cymbales.
4 – Scena et canto gitano
- Allegretto [7:55] : Un roulement de caisse claire et une phrase agreste
des trompettes évoquent une scène typiquement espagnole. Une gitane chante
et danse. Le violon solo incarne l'entrée en scène du personnage.
Rimski-Korsakov
joue la carte de la lascivité et de la sensualité d'une chaude journée
ibérique. Il déploie une mélodie érotisante en utilisant des
arpèges voluptueux aux harpes.
Rafael Frühbeck de Burgos
maîtrise à la perfection ses tempos : aucune langueur, une vitalité dans la
direction qui permet de savourer les couleurs chatoyantes de
l'orchestration.
5 – Fandango asturiano
[12:58] : Le final s'articule sur le rythme endiablé du
célèbre fandango mais sans
exagération. La clarinette introduit les castagnettes au sein des mille feux
de l'orchestre. Une ambiance festive qui se termine dans une radieuse folie…
Rimski-Korsakov
et Rafael Frühbeck de Burgos
respectent à la lettre les règles du fandango andalou : des castagnettes
endiablées et un tempo qui ne cesse d'accélérer.
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Alors la tu m'as cloué sur place en m'apprenant le décès de Rafael Frühbeck de Burgos !!! Et pourtant ce n'est surement pas moi qui aurait du passer à coté de l'information parce que la coupe du monde j'en ai rien a foot ! (Je préfère le rugby !!).
RépondreSupprimerLe Capriccio Espagnol me ramène au moins 40 ans en arrière, j'ai toujours adoré cette oeuvre avec son thème Russo-hispanique et surtout le nostalgique Andante. Une des premières oeuvre de Rimski-Korsakov que j'avais acheté dans une édition économique "Le Cercle Musical".