C'est en cherchant des nouvelles du groupe "The Buddaheads" que j'ai découvert que leur site était en berne. Et pour cause : BB Chung King est décédé d'une crise cardiaque le 22 juillet dernier, à l'âge de 60 ans, chez lui, à Burbank, Californie, dans son studio d'enregistrement. Le Dawghouse Studios où ont été enregistrés quelques disques de Blues et de Blues-Rock du XXI siècle (dont le "Back from Yesterdays" de Corby Yates qui défraya les chroniques des revues de guitare).
BB Chung King, né Alan Mirikitani le 3 janvier 1955 à Burbank, de descendants Japonais, avait fondé ce groupe à l'aube des années 90.
A ses débuts professionnels, Alan prit le patronyme de BB Chung King, puis baptisa son groupe, alors un quintet, Chung King Foods. Un nom qui déplut à certaines personnes influentes. Ce qui entraîna un changement pour BB & The Screaming Budda Heads. Sous ce nom parut un premier disque de blues-rock pétaradant et sans gras : "Are You Satisfied ?". (titre hommage à "Are You Experienced ?" ?). A cette période, avec son groupe, il flirtait avec le Heavy-rock.
Quand RCA reprend le groupe, Joe Galante, le patron, raccourcit le tout pour ne garder que The Buddaheads. (Une déception pour Alan qui avait cru à l'implication du label car Galante lui-même lui avait dit, tout en lui serrant chaleureusement la main, qu'il allait faire de lui une Star.).
Plus tard, Alan rajoute, en petits caractères, "BB Chung King &".
Le terme "Buddaheads" a parfois été utilisé par certains Américains pour désigner les migrants asiatiques, mais c'est aussi, et surtout, le nom du 442ème régiment d'infanterie de la seconde guerre mondiale, principalement constitué de "Japonais-Américains" (dont fit parti un oncle d'Alan). Un régiment qui aurait été l'un des plus décorés.
Parallèlement à son groupe, Alan Mirikitani s'était investi dans la composition, la production et/ou le mixage pour d'autres artistes.
Il avait ainsi travaillé pour Lonnie Brooks, Tinsley Ellis, Coco Montoya, Betty Lavette, Corby Yates (dont Alan disait le plus grand bien et qu'il considérait comme le futur en matière de guitare Blues-rock) et Ruth Brown. Cette dernière reçut un Grammy pour son interprétation d'une chanson de BB Chung, "Too Little, Too Late". Et toujours dans les récompenses par procuration, il avait produit, écrit et joué sur l'album "Never Felt No Blues" de B.J. Sharp., nominé aux Grammy et qui grimpa jusqu'à la quatrième place des charts européens.
Il avait même composé pour quelques films. On peut ainsi retrouver ses compositions sur "Mon cousin Vinny", "Robocop 3" (film d'auteur), "Forest Warrior" avec Chuck Norris (autre film d'auteur) et "Contact" de Robert Zemeckis. Il aurait aussi participé à la B.O. de "Entre Ciel et Terre" d'Oliver Stone, cependant c'est bien Kitaro qui est crédité comme unique compositeur.
avec Coco Montoya |
Malgré son statut quasiment inconnu en Europe, il était considéré comme l'un des meilleurs guitaristes du Sud de la Californie. Lieu où pourtant les fins bretteurs sont légion.
A Los Angeles et aux alentours, il était estimé comme un incontournable, reconnu par ses pairs, et ayant la réputation d'un homme aimable et disponible. Depuis le temps qu'il arpentait les routes du grand état, il frôlait le rang de légende.
Mick Jagger a posé à ses côtés pour la photo, Slash a jammé avec lui, CC De Ville également, ainsi que Coco Montoya (maintes fois, et qui, en juillet dernier, lors d'un festival, s'était immiscé dans une interview d'Alan pour vanter ses mérites). Des potes. La liste des illustres guitaristes montés le rejoindre sur scène serait en fait plus fournie.
Le Blues de BB Chung King était multicolore, peut-être un peu à l'image d'une Amérique melting-pot idéalisée,. Non pas un Blues fusion, car restant essentiellement enraciné dans celui qui a fait son éducation : celui des pionniers du Blues d'Après-guerre à Cream. Son premier disque fut un Jimmy Reed. (et ce fut une révélation). Un Blues évidemment qui a bien retenu les leçons de ses meilleurs six-cordistes (de Freddie King à T.Bone Walker), et qui s'est aussi largement imprégné de l'héritage de ses enfants prodiges tels que Stevie Ray Vaughan et Jimi Hendrix.
L'influence du Rock des 70's est irréfutable. Elle a marqué sa musique, toutefois sans que cela soit prégnant. C'est surtout quelque chose qui rejaillit de temps à autres. Sa très bonne reprise du "Mississippi Queen" de Mountain en hommage à Leslie West (qui fut l'objet d'un single), ainsi que quelques chorus évoquant le Nugent inventif pré-80's ou encore Johnny Winter et Frank Marino, ne manquent pas de le confirmer.
On se demande bien comment un musicien de son acabit a pu demeurer aussi peu connu, voire même totalement anonyme, hors de ses frontières, alors qu'il y a tant de guitaristes de Blues-rock, souvent péchant par un excès d’exubérance (tant par le débit de notes que par le matos) et par un manque d'authenticité, qui croulent sous les apologies dithyrambiques. D'autant plus, qu'Alan avait gagné depuis longtemps le respect d'un public ainsi que celui des musiciens (et par des moindres).
Certes, ainsi qu'il le disait lui-même, il ne posait pas, ne dansait pas, il se contentait d'être lui-même, en toute honnêteté. (il n'était pas statique pour autant). Mais cela n'explique pas qu'il n'ait pu récolter les fruits de son travail par une reconnaissance officielle ou par une notoriété bien plus vaste.
C'est à se demander si dans cette belle Amérique, garante des droits de l'Homme et de la Liberté, ne perdurait pas une certaine forme de racisme. Pensez donc, un asiatique jouant le Blues et le Rock aussi bien que d'illustres icônes (et parfois même mieux que de jeunes blancs-bec, un rien poseurs et opportunistes, que l'on se plait à mettre en couverture ou à exposer dans de cossus "dossiers").
On peut également penser au cas de Jake E. Lee (également Californien - d'adoption -, et d'origine japonaise par sa mère) qui a été totalement occulté pendant plus de vingt années, malgré qu'il fut le guitariste d'Ozzy de 1982 à 1987 et un noyau de vieux fans fidèles.
Par contre, (d'après lui) probablement aidé par l'origine de ses descendants, il put faire des tournées en Asie, notamment au Japon où il eut un relatif succès.
Discographie (la plupart sont difficiles à trouver à des prix décents, et certains sont introuvables) :
"Are You Satisfied" (1993)
"Crawlin' Moon" (1994)
"Blues Had a Baby" (1994) ré-édition du 1er disque par RCA
"Play Hard" (1996) - Kaigan Entertainment - Réalisé au Japon -
"Go For Broke" (2000) - Blues Paradise Records
"Real" (2001/2002) - Blues Paradise Records
"All Ballads" (2003)
"Out takes & Xmas Songs" (2003)
"Mumbo Jumbo" (2003) - Wilshire Park / CD Baby
"Howlin' at the Moon" (2004) - Grooveyard Records - généralement considéré comme l'un de ses meilleurs ; rien d'étonnant puisqu'il reprend des titres de la période 2000 - 2003 (ré-enregistrés ?). Seuls deux titres sont inédits et enregistrés pour l'occasion, tandis que "Mississippi Queen" est issu d'un E.p. du même nom.
"Raw" (2006) - Wilshire Park
"Wish I Had Everything I Want" (2011) - Wilshire Park
BB Chung King : "Le Blues est le plus facile à apprendre, mais le plus difficile à maîtriser ; tout comme vivre la vie"
Unique vidéo clip
En 1993, avec les Screaming Budda Heads
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