Natif
de Géorgie, à Jasper, dans le comté de Pickens, Butch Watkins apprend la
guitare avec le pasteur de l’église baptiste locale. Il baigne très jeune dans
la musique, le chant, ses parents jouent du
violon et de l’accordéon le samedi soir dans les bals, quand ils n’animent pas –
bénévolement - une émission de radio sur K-WAWA. Butch se met rapidement au rock, tendance folk. Mais quand on joue de la
guitare, en Géorgie, on ne peut pas faire l’impasse sur les frères Allman,
Duane bien sûr, et son compère Dickie Betts, qui très vite vont influencer le
jeu de Butch. A l’époque, il joue sur une Transformers à double micro Haupmann,
que lui a achetée son oncle, le joueur de banjo Hermann Froditts. Avec
quelques copains, Butch fait la tournée des bars. Les bruits ambiants, les
verres qui tombent, les mecs qui gueulent, ou dégueulent, qui s’mouchent, qui rotent,
contraignent Butch à durcir le son pour se faire entendre, et son Classic Rock
tendance Bluegrass-Country prend des allures de Heavy-Blues rugueux aux
entournures.
Butch |
Andy |
Butch
Watkins prend un autre guitariste, Kenneth Mc Duggan, qui a joué chez Friday’s
Mate, Devils’s Church, Honky Donky, qui maltraite une Flame, modèle Long Stick à
triple barrettes et micro Aliflex. Et pour étoffer le son,
verser vers la soul, Andy
Crossman va prendre les claviers. Les Dirty Travellers sont prêts pour tailler
la route, et c’est justement un soir de concert, qu’ils vont croiser le chemin
de Roger J. Goodford, qui recherche des groupes pour son nouveau label Peach.
Peach
distribue des artistes comme Dury Kane, Crusemakers of the Loud Moon,
Monkeys Beats and The Bluesfuckers, Daïquirri Coast meets The Manhattan Luxury
Bombs. Un premier Ep est enregistré en 2012, une mauvaise maquette mp2 qui a
coûté 375 dollars, distribuée avec le lait du matin, un ratage complet, qui ne
rend évidemment pas justice au Soul-Heavy-Southern-Rock du groupe, qui claque
la porte du label Peach. Les Dirty Travellers sont une fois de plus tout seul
sur la route. Roger J. Goodford sera d'ailleurs arrêté pour escroquerie quelques temps plus tard, dans l'affaire des partitions et tablatures ésotériques de Jimmy Page, vendues aux enchères, certifiées authentiques, alors qu'il s'agissait de grilles de Sudoku (1).
Duran |
Andrew Dixie |
L’album finit par sortir, en octobre 2014 -une pochette sublime, juste le nom du groupe- et fait grand bruit, au propre comme au figuré. Augmenté de deux autres titres plus anciens, le disque aligne 11 titres, et brasse des styles allant du Heavy-Rock pimenté de Southern Soul, au Funk torride, ou par l’intermédiaire de la reprise des Hawksmen « Black shadows on my dream », au Rock’n’roll des origines, Butch Watkins ayant toujours crié son admiration pour Eddy Cochran, Bobby Cruch ou Walty Jenkins.
« Down
in the wood » explore des univers presque psychédéliques, Kenneth Mc
Duggan (sur Flame Long Stick SP552, canal gauche) et Butch (SoundFire T2,
micros amovibles Durkan, canal de droite) y échangent des solis de feu, dans la tradition du
Southern, mais avec un parfum de renouveau, au point qu’on penserait qu’ils
venaient d’inventer le style. « Black Cherry Blues » puise chez les
pères fondateurs Willie Gunman, Daren Lowfin, Garrett Wolf, autant que chez
Jessie Morgan ou Curt Bailey, et toujours cette impression d’entendre ça pour
la première fois. Un morceau grandiose.
Kenneth |
« Pain
is mud » évoque les
premières heures du
High-Rock'n'Roll australien, hargneux, pas si simplet que les premières mesures le laissent penser, car doté d’une construction ingénieuse (mais pas savantes, merde, c'est pas du Prog !)
et de contre points en uppercut. Un morceau hallucinant. « Writing on your feet » ralentit le
tempo, dans une Plugged-Folk presque introspective, mais l’accalmie est de
courte durée, un break de batterie propulse le groupe dans une cavalcade
jubilatoire qui atteint des sommets, avec un Butch précis, fin, affûté, tranchant, acéré, habile, roublard, intrépide, mélodieux, turbulent, vif, véloce, corrosif, insaisissable, magnétique et rayonnant, l’émotion gagnant toujours sur la technique. Sa voix déchirée fait
merveille, jamais forcée pourtant, toujours en place, jamais prise en défaut de
caricature, et rappelant les légendes du genre comme Kim Johnson, Darryl
Colman, Cisco Travers.
L’album
de Butch Watkins and The Dirty Travellers marie la rudesse des âmes déracinées,
enchainées à leurs craintes, et les espaces du Sud peuplés de fantômes errant
dans la poussière et le vent tiède venus des îlots meurtris par l’intolérance
de ceux qui ne croient plus en l’Homme comme vecteur de l'espérance séminale
dont les vertus fleurissent encore quand l’hiver impose ses choix douloureux de
vivre ou non dans le souvenir qu'on pensait éternel de celui qui n’est plus mais qui existe encore par delà les cimes boisées et des prairies verdoyantes comme un retour à l'enfance sereine des premiers Impalas.
Pas sûr que dans l'Histoire il y ait beaucoup de premiers albums de cette qualité là. Certes, Butch Watkins and The Dirty Travellers ne crée pas un genre (c'est pas Led Zep I) mais arriver à autant de fraicheur, d'excitation, d'intelligence dans la digestion des influences, ça laisse sur le cul ! Incontestablement,
l’album de l’année, même si tôt dans l'année !
Pas de clip, malheureusement, mais l'album est disponible sur leur site, vous pourrez y écouter aussi des extraits:
butchwatkinsdirtytravellers.com
Pas de clip, malheureusement, mais l'album est disponible sur leur site, vous pourrez y écouter aussi des extraits:
butchwatkinsdirtytravellers.com
(1) Jimmy Page était d'ailleurs venu à la barre, témoigner, et pardonner à Roger J. Goodford au motif qu'il était lui-même amateur de Sudoku.
(2) Sur Motobécane XR2 double pédalier, six vitesses. L'accident est survenu à l'angle de la Beach Road et Telport Avenue, et a fait une autre victime, Taylor McDughon, un laitier qui traversait au même moment, blessé, il se remettra vite.
(3) Andrew C. Coogan, avait été élevé par la tante du beau-père par alliance de Stevie Salas, mais les deux gamins qui se sont fréquentés très jeunes, se sont perdus ensuite de vue lorsque Andrew, pour cause de mauvaise conduite à l'école, a été envoyé en pension chez les Soeurs Marie-Joseph de la Circoncision.
(4) Ligne 21, à Fulton Square. Ce drame a fait une autre victime, Taylor McDughon, un laitier qui avait échappé quelques semaines plus tôt à un accident de vélo.
(5) Liza Blackwell connaissait donc les parents de Butch, participait aux mêmes émissions de radio, prêtant sa voix aux annonces promotionnelles, c'est à elle qu'on doit le slogan "Du beau, du bon, Dubonnet"
Je confirme : ce disque est a manipuler avec précaution. C'est du chaud-bouillant. Du Heavy-funk radioactif ! Et quelle voix !
RépondreSupprimerUn des meilleurs disques du trimestre.
Mon disquaire m'a écouté, et tout est parti comme des p'tits pains.
Par contre... Je ne sais pas... mais... c'est assez bizarre...
RépondreSupprimerAndrew Dixie a des airs de Calogero... et... Kenneth de Maé.
C'est bizarre
Bruno... Qu'est ce que tu vas chercher là... On est au Déblocnot, je te le rappelle...
RépondreSupprimerHa !?.... Mais oui ! Où ai-je la tête ?
Supprimer(j'bosse trop)