mardi 3 mars 2015

ZU "mûr pour le blues"

Certains sont mûrs pour l'asile (je ne citerai pas de noms), d'autres sont mûrs pour le blues, comme ce ZU, qui ayant dépassé le demi siècle, se lance enfin dans l’aventure et sa double passion : pour le blues qu'il découvrit ado par Johnny Winter avant de se pencher sur les Muddy,  B.B. et autres géants et pour la langue française. De ces influences et cette longue macération il accouche de cet album 100% blues 100% dans la langue de Brassens. Pas un inconnu ce lyonnais puisque ça fait un moment qu'il manie la plume et traîne sa gratte de troquets en festivals. Si le blues a toujours été son carburant, jusqu'à présent il le diluait un peu dans une chanson française bluesy, mais là changement de cap, du blues du blues du blues comme le chantait Jonasz!
Pour cela il a trouvé pour l'accompagner  le label Bluesiac de notre ami Mike Lecuyer, qui a également dans son catalogue des noms que l'on connait bien ici comme  les Chics Types, Les Witch Doctors, Daniel Blanc ou... les Blouzayeurs, le duo formé par ZU et l'accordéoniste Pascal Rosiak. Et pour l'accompagner musicalement les "SchiZUphrènes": Eric Haenbecker (basse, contrebasse), Louis Phin (drums, perçus), Guy Vassano (claviers, programmation) plus des invités.

Faire du blues quand on n'est pas né sur les rives du Mississippi ou dans le West Side de Chicago c'est  le thème du premier titre "Je parle mal": "c'que tu veux c'est du Chicago blues seulement ça va pas être possible".  Dédicace aux programmateurs de festivals de blues toujours réticents à programmer du blues en françaisMais écoutons Benoit Blue Boy à ce sujet dans la préface de "Le blues dans tous mes états", recueil de textes de chansons de ZU paru au Pédalo ivre: "Je ne suis pas très intéressé par le texte de ce que raconte le mec dans le Mississippi. Tu ne peux pas faire partie de ça, c'est impossible, parce que c'est local, t'es de Lyon, donc tu racontes des histoires de Lyon, tu peux pas raconter les cannes à sucre que t'as coupées le matin, mais tu peux raconter que ça pue à Feyzin  ou je ne sais pas quoi. Tu ne peux raconter que des histoires à toi, sinon c'est pas vrai."
Voila un point de vue que je partage totalement. J'ai toujours profité de ces colonnes pour défendre les bluesmen hexagonaux  qui ont  choisi de s'exprimer dans notre langue (Miguel M, les Witch, Jefferson Noizet, Rod Barthet, Daniel Blanc,
Christophe Marquilly, Mike Lécuyer, Yann Lem, Lenny Lafargue, Peter Conrad, Christophe Maé (non, j'rigole!!) et j'en oublie, sans parler des grands anciens, les Bill Deraime, Patrick Verbecke, Paul Personne, Benoit Blue Boy) et ce ZU s'inscrit dans ce courant pour notre grand plaisir. A noter sur ce titre un bon coup de sax de Alain Gonne, producteur, ingé son et saxo reconnu.
Chanson titre ensuite "Mûr pour le blues", ou ce rêve concrétisé de faire un album de blues, avec cerise sur le gâteau, le parrain lui même, Benoit Blue Boy, qui s'invite pour un festival d'harmonica, ZU nous prouve aussi qu'il n'est pas manchot coté gratte, joli titre qui balance bien.
Un slow blues reposant  sur l'amour "Ce toit sera le notre", puis "Flouze blues" avec l'apport de l'excellent harmoniciste lyonnais Buzz Harpo, le pognon , thème  blues s'il en est "Toi tu t'en fous t'en as pas, tu n'as pas tous ces menus tracas..".
Une douceur avec "L'autre rive",  un blues optimiste, y'a pas que de la déprime dans le blues, rappelons le, le blues c'est la musique de la vie, des peines mais aussi des joies! Et la Gibson Marauder chauffe bien!
Avec "Le môme et les salauds" changement de registre que ce titre acoustique, Dobro de sortie et de nouveau Buzz Harpo à l'harmo; il nous présente un artiste plus grave, moins ZU-ave qu'il n'y parait.
L’innocence des mômes et en face les grands patrons et politiques qui se goinfrent au mépris de la planète et des individus. Plus léger, un peu d'humour avec "Santé" (sax alto de Philippe Gilbert) et "Yoyo" où l'on retrouve le complice des Blouzayeurs Pascal Rosiak et son piano à bretelles, ainsi que Jeff Parade à la lap-steel  guitar, tout ça donne une petite couleur zydeco  agréable.
Retour au sérieux avec "la chasse au naturel" et pas un mais deux harmonicistes (Buzz Harpo et le belge Olivier Poumay) , tempo ragtime au fingerpicking et utilisation d'une pédale d'effet qui donne l'illusion de dialogue entre 2 voix. La destruction de l'environnement est au coeur de cette chanson qui joue avec les mots et les expressions  en rapport avec la nature("C'est un projet grandeur nature/ oui de la taille d'une belle enflure").
On termine avec le poétique "Le corps est un passeport" et en bonus  l'instru festif "Boogaloo panard" avec le retour d'Alain Ganne au sax , plus la trompette de Didier Melck.

Conclusion-  ZU n'a pas choisi la facilité: plus facile et vendeur de faire de la chanson française/variétoche vaguement bluesy ou de brailler "Sweet home Chicago" que d'adapter le blues à sa sauce, rien que pour ça il mérite notre respect et notre soutien; de plus il le fait avec un talent certain, il est même par moment Zu-bilatoire. Voila un artiste sincère hors des modes et fidèle à ses convictions alors aidons le, aidez le, il ne faut pas compter sur TF1 ou Nrj pour ça, vous savez ce qu'il vous reste à faire..

ROCKIN-JL

lien pour se procurer le CD :brennus-music.com/bluesiac/zu
le site de ZU pour les dates: zuzine.com
et pour écouter quelques extraits ici, sur la gauche: .bluesiac.com/Zu


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire