- Tiens M'sieur Claude, vous ne parlez pas souvent de Schumann le grand
romantique, l'ami de Brahms, juste la 3ème symphonie et une
fantaisie pour piano et violoncelle…
- Oui, c'est vrai, mais comme je vais l'expliquer, Schumann est un
musicien très difficile à interpréter, les meilleurs se sont parfois
casser les dents…
- Oui j'ai lu que ce compositeur était un être hyper sensible et même un
fou à la fin de sa vie, même si je n'aime pas se mot… disons
réducteur…
- Sans doute une psychose maniacodépressive, on ne sait pas trop, mais du
coup, cette sensibilité comme vous dites imprègne toute sa musique de
chambre…
- Donc vous nous avez déniché un beau disque pour parler de ce quintette,
un genre rare : Brahms, Dvorak, et quelques autres comme Franck…
- Oh mais vous suivez les choses de près ma chère Sonia, même de
chronique qui ne sont que des projets, je vais reparler à Luc et Rockin'
de votre augmentation…
- Bof, je n'y crois plus, ils ont des oursins dans les poches, mais
surtout ne leur dites pas !!!
Robert et Clara Schumann |
Nombreux sont les mélomanes déçus à la première écoute par la musique de
chambre et pour piano de
Schumann, seules les
symphonies
semblant échapper à cette malédiction. La cause de la possible déception est
simple : la musique de
Schumann
doit impérativement être interprétée avec intelligence et finesse pour
mettre en évidence sa poésie. Le plaisir de l'écoute de la musique de ce
grand romantique n'est pas immédiat. Aimer
Schumann ne repose pas simplement sur l'habileté et la virulence de l'écriture,
comme chez
Beethoven. Tout dépendra en premier lieu de l'esprit que l'interprète saura
insuffler derrière les notes. Toute exécution (dans son sens premier)
académique échoue et procure un sentiment de confusion voire de mièvrerie
peu inspirée. Et pourtant…
Il y a des musiques qui bon an mal an tiennent toutes seules. Je pense à Mozart dont la vitalité cachée dans les partitions permet de trouver du plaisir, même lors d'écoute d'interprétations par des musiciens amateurs. Chez Schumann, où tout est sentiment, les disques rendant justice à sa musique de chambre ne sont pas légions. Cet album réunissant les trois quatuors et le quintette par le pianiste allemand Christian Zacharias et le quatuor Cherubini, daté de 1992, reste un modèle de sensibilité tout en bénéficiant d'une incomparable beauté sonore.
Il y a des musiques qui bon an mal an tiennent toutes seules. Je pense à Mozart dont la vitalité cachée dans les partitions permet de trouver du plaisir, même lors d'écoute d'interprétations par des musiciens amateurs. Chez Schumann, où tout est sentiment, les disques rendant justice à sa musique de chambre ne sont pas légions. Cet album réunissant les trois quatuors et le quintette par le pianiste allemand Christian Zacharias et le quatuor Cherubini, daté de 1992, reste un modèle de sensibilité tout en bénéficiant d'une incomparable beauté sonore.
Nous avions parcouru la biographie de
Robert Schumann
(1810-1856) lors de la chronique consacrée à sa
3ème symphonie "Rhénane".
(Clic).
Schumann
qui se brisera un doigt en tentant d'acquérir une plus grande vélocité
manuelle exigée par son œuvre pianistique. C'est la virtuosité de
Clara, l'amour de sa vie, qui remplacera les mains meurtries de son mari sur le
clavier. Les rares moments de bonheur, les angoisses existentielles, la
tentative de suicide en plongeant dans le Rhin et enfin la folie qui lui
vola son génie musicale et causera sa mort à 46 ans. Pourtant
Clara
et
Robert
auront huit enfants (un tous les deux ans) ;
Clara
était compositrice, pianiste et mère de famille nombreuse… une femme
d'exception !!!
Comme pour
Brahms, les œuvres de musique de chambre ne sont pas très nombreuses mais de
grandes qualités : En dehors du
Quintette
: 3 trios, 3
quatuors à cordes, 2
quatuors avec piano, des
sonates
pour
piano
et
violoncelle
(Sonia évoque la chronique écrite sur la fantaisie pour
violoncelle et piano
jouée par
Sol Gabetta
et
Hélène Grimaud
–
Clic) et des petites œuvres diverses.
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Christian Zacharias |
Je n'ai encore jamais parlé de
Christian Zacharias, pianiste et chef d'orchestre. C'est surprenant car cet artiste allemand
(né en inde ?) en 1950 accumule
depuis le début de sa carrière des enregistrements tout à fait
passionnants.
Il étudie à Karlsruhe mais effectue un perfectionnement au conservatoire de
Paris auprès de
Vlado Perlemuter
(1904-2002), élève de
Alfred Cortot et ami de
Ravel, spécialiste de
Chopin
et…
Ravel
bien entendu.
Christian Zacharias
va remporter de nombreux prix dont celui du concours Ravel en
1976 ; toujours
Ravel.
Zacharias
est un homme discret aimant le travail en profondeur sur les œuvres. Dans sa
discographie très large on note : de nombreuses sonates de
Scarlatti, des intégrales des concertos de
Beethoven
et en partie de
Mozart
(avec
David Zinman,
Gunther Wand
et d'autres accompagnateurs) et des recueils de sonates de
Mozart,
Schubert,
Beethoven…
Quatuor Cherubini |
Fichtre ! Qu'il est difficile de trouver des informations sur le
quatuor
Cherubini
fondé en 1978 par le violoniste
et chef d'orchestre allemand
Christophe Poppen. Après avoir brillé dans un vaste répertoire, il semble avoir été dissout
récemment… Quand exactement ? Mystère ! On me cache tout. Ses quatre membres
nous laissent, en dehors de cette anthologie
Schumann, des gravures des quatuors de
Mendelssohn
toujours éditées ou encore de
Mozart
et
Schubert.
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Wagner, fan du quintette de Schumann, et Liszt, un peu moins... |
Pour compléter les propos introductifs de Sonia, on considère souvent et à
juste titre que ce
quintette
pour
piano
de
Schumann
est le premier du genre
à prétendre au titre de chef-d'œuvre dans la forme classique (1 piano et un quatuor de 2 violons,1 alto et 1
violoncelle).
Mozart
et
Beethoven
n'ont pas tenté l'expérience. Et il est bon de noter que la difficulté de
trouver le juste équilibre sonore dans cette association aux timbres si
opposés a restreint le répertoire et l'a réservé aux plus grands, de mémoire
un par auteur :
Dvořák,
Brahms,
Fauré
(2 fois par contre exemple -
Clic),
Franck,
Chostakovitch… Après, il faudrait se creuser la tête… Pourquoi une formation difficile à
maîtriser ? Car la symbiose entre le piano et le groupe des cordes peut
faire défaut. Le piano s'impose et le compositeur n'écrit rien d'autre qu'un
mini concerto pour piano. Inversement, un simple accompagnement du piano, un
manque de mélodie marquante offert au clavier, pas de dialogue réel avec les
cordes, et ledit piano se voit reléguer à un simple rôle de discrète
percussion…
Schumann
a su trouver la parfaite osmose et fait preuve d'innovation en cette année
1842. L'œuvre est créée à
Leipzig en 1843 avec
Clara
au clavier, même si
Robert
aurait souhaité un homme pour une interprétation plus viril… (C'est sympa ça pour sa chère et tendre !)
Richard Wagner
fut conquis d'emblée par les hardiesses de l'écriture, à l'inverse de
Liszt
et
Berlioz
furent plus réservés. Par quoi ? Il est trop tard pour leur poser la
question…
Les années 1840 sont les plus prolifiques pour
Schumann : plus de cent
lieder, les
premières symphonies... Les
3 quatuors contemporains du
quintette sont écrits en quelques semaines avec gourmandise (ils complètent cet
album, une version pleine de verve). La maladie mentale n'a pas encore
plongé le compositeur dans la folie et le désespoir. C'est un homme jeune,
de 36 ans qui écrit ce quintette innovant et très vivant avec sa tonalité
dominante de mi bémol majeur.
1 – Allegro brillante :
(Brillante peut se traduire par "pétillant".) Des accords appuyés du piano
et des cordes en staccato introduit avec vigueur l'allegro. On distingue
rapidement un riche matériau mélodique : un thème léger au piano, une longue
phrase plus élégiaque au violoncelle. Fidèle à la forme sonate, Schumann
réexpose ces idées joyeuses et chaleureuses. La beauté du discours et son
esprit romantique nous rappelle qu'en cette période
Schumann découvre et met en musique
Heine,
Eichendorff,
Rückert, poètes qui seront
aussi source d'inspiration pour les postromantiques que sont
Gustav Mahler
et
Richard Strauss, grands compositeurs de Lieder. Les développements se succèdent avec
bonhommie. Le jeu de
Christian Zacharias
se caractérise par son élégance, une sonorité pleine mais jamais
envahissante, cette faculté de répondre ou de "renvoyer la balle" aux
instruments à cordes. De son côté (l'expression est peu approprié tant la
complicité des 5 musiciens est patente), le quatuor adopte un jeu franc,
généreux, sans sécheresse. Rarement
Schumann n'aura sonné aussi clairement et avec vigueur.
Maison natale de Schumann |
2 – In modo d'une marcia - Un poco largamente – Agitato :
Bien qu'en do mineur, l'expression souvent rencontrée de marche funèbre pour
ce mouvement ne me plaît pas. C'est une marche bien entendu, mais plus
méditative qu'endeuillée. Rythmée dans ses premières mesures par le piano et
le violoncelle que relayent l'alto et les violons, le discours semblent
sombre, certes, mais "largamente" indique le souhait de donner au climat une
certaine hauteur spirituelle et en aucun cas sinistre. Avec
Zacharias
et le
quatuor Cherubini, les indications de
Schumann
sont respectées, la rythmique est implacable mais la déploration laisse
place à la prière. Le climat se veut crépusculaire, très intériorisé, la
pensée légèrement affligée d'un musicien imprégné des vers de Rückert ou
Eichendorff. Le violoncelle joue un grand rôle dans la seconde partie du
mouvement. On retrouve donc bien la volonté d'écrire une œuvre où le piano
n’occupe pas tout l'espace sonore et inversement.
3- Scherzo molto vivace
: Assez bref, ce mouvement redonne vie et lumière au quintette. Tant le
sherzo que le double trio sont
de vigoureuses danses. On y rencontre même un petit canon opposant alto et
violon. Une incroyable inventivité anime ce mouvement de cinq minutes. La
complicité entre le pianiste et les membres du quatuor est totale,
volcanique.
Non, la musique de
Schumann
n'est pas neutre et absente de structure rigoureuse. Nous la découvrons
gorgée de lumière et parfaitement architecturée avec de tels musiciens. Le
final est enchaîné sans pause…
4 – Allegro ma non troppo
:
Schumann
attaque énergiquement et en sol mineur son final. Une énergie un peu grave
conduit à un développement plus serein. On retrouve le rythme très marquée
de l'allegro initial et de la marche du second mouvement. Tout cela jaillit
du cœur du compositeur avec jubilation. On entendra de l'espièglerie dans
les échanges entre le piano et le violoncelle. Que tout cela est fiévreux et
allègre. Une belle réussite de la musique romantique et de la
discographie.
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Ce double album a l'immense mérite de réunir une interprétation sans faille
du
quintette
et des
trois quatuors
qui bénéficient de la même clarté et d'une vigueur brillante. La prise de
son est également de belle facture notamment dans le quintette même si on
pourrait souhaiter un piano légèrement plus en retrait. L'association piano
– cordes est souvent un casse-tête pour les ingénieurs du son.
Pour ceux qui souhaiterait retrouver un tempérament de feu comparable à la
réunion de
Zacharias
et du
quatuor Cherubini,
Rudolf Serkin
et le
Quatuor de Budapest
demeurent les vedettes d'un disque incontournable malgré un son vieillot.
Par ailleurs le couplage est attractif : le
quintette "La Truite"
de
Schubert
enregistré lors du festival de Marlboro toujours avec
Rudolf Serkin
au clavier en compagnie de
Jaime Laredo,
Julius Levine,
Philipp Naegele
et
Leslie Parnas. L'une des interprétations indémodables pour cette œuvre populaire… (Sony
– 6/6)
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2015 : La vidéo initiale ayant été supprimée, voici une autre version, historique, de 1942 avec Rudolf Serkin au piano accompagné par ses amis du quatuor Bush... Pour écouter l'interprétation commentée ce jour sur Deezer : Clic
2022 : Cool, la playlist de la version commentée est de retour !
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