Voici le nouveau projet parallèle de Rosemary Standley, par ailleurs chanteuse de Moriarty, un groupe dont j'ai déjà eu l'occasion de dire le plus grand bien (clic), projet consistant à redonner vie à de vieilles ballades anglaises du 17eme siècle, voire au delà, et d'anciens airs traditionnels américains. On sait que cette belle artiste ne se laisse pas enfermer dans un style et peut toucher avec bonheur cabaret, jazz, blues, rock, folk ou chant lyrique.
Ici elle est accompagnée d'un ensemble maniant d'anciens instruments composé de Bruno Hellstroffer (guitares, théorbe (vieil instrument de la famille du luth)), Elisabeth Gieger (harpischord, clavecin, orgue), Martin Bauer (viole de gambe) et Michel Godart (bugle et serpent, cuivre grave, en S, d'où son nom) ; Elisabeth ayant effectué le gros du travail de recherche de ces titres plus ou moins oubliés et Bruno les arrangements.
@J. Dubois |
Soudain un bruit de cavalcade, le Pont-levis s'abaisse, un vol de hérons s'envole des douves, un messager entre, essoufflé, c'est le rédac' Chef ! "Hé Rockin ! arrête tes rêvasseries, t'as une chronique à boucler pour demain !" Oups pardon, reprenons...
source: la page facebook de Rosemary |
L'interprétation en est sublime, comme pour "Bruton town", une pièce folk médiévale, au souffle épique qui remonte encore plus loin dans le temps puisqu'elle daterait du 14ème siècle, collectée en 1904 par Cecil J Sharp, sorte d'Alan Lomax anglais qui fit beaucoup pour la préservation des morceaux traditionnels. Cette ballade raconte la sordide histoire de 2 frères de haute lignée qui tuent un serviteur qui courtise leur sœur. Elle a déjà été gravée sur sillons par le groupe folk Pentangle en 1968. Traversons l'Atlantique pour écouter "Geordie", une ballade folk d'essence irlandaise, popularisée par Doc Watson. J'ai déjà employé le qualificatif sublime et je vais devoir l'employer encore ici. On continue avec la ballade mélancolique "Wagoner's lad", un traditionnel folk américain du 19ème, qui a été chanté par le chanteur folk Buell Kazee (1900-1976). Ceci avant d'accueillir carrément un roi - on se découvre - King Henri VIII, à qui est attribué la paternité de "Pastime", instrumental d'essence Renaissance pour clavecin, composée vers 1518 et extraite du Henri VIII songbook. Aprés Henri VIII, voici sa seconde épouse, Anne Boleyn à qui est attribuée en 1536 "O death", sombre complainte d'appel à la mort. Il faut dire que, victime de la disgrâce, elle fut décapitée à la tour de Londres en ce mois de Mai 1536 *...Un saut en Ecosse au milieu du 17ème, la période baroque, pour "I once loved a lass", triste histoire d'amour contrarié. C'est un peu sombre mais épique, chargé de l’âme de fantômes errants sur les landes à la recherche de la tombe de leurs bien-aimées...
"What if a day" : ballade d'une douceur extrême attribuée au poète anglais Thomas Campian (1606), avec un solo de bugle (cousin de la trompette). "Jack Hall" ouvre sur la voix l'intro a capella de Rosemary qui donne le frisson, c'est une ballade du comté de Somerset, là encore collectée par Sharp, l’histoire d'un ramoneur cambrioleur.
"I love a lasse", est une complainte amoureuse du compositeur luthier et chanteur John Wilson (1595-1674), "Hush you bye" une jolie folk song recueillie par Alan Lomax.
"Hymn to the evening" met en musique un poème de Phillis Wheathley (1753-1784) esclave et première poétesse afro-américaine reconnue et publiée*, c'est un autre point à retenir de ce disque qui faire découvrir des figures comme celle ci.
"An evening Hymn" est une pièce de musique sacrée de Henry Purcell, je renvoie à Messire Toon pour tout savoir sur ce compositeur anglais (clic) de la fin du 17ème, le bugle vient accompagner le clavecin et la guitare avant les chœurs religieux, et pour finir "Poor wayfairing stranger", un vrai classique folk ricain, encore collecté par Lomax, maintes fois enregistré (Neil Young, Joan Baez, Johnny Cash, Ry Cooder, Bob Dylan entre autres).
Ce disque est de toute beauté, peut être pas facile d’accès pour certaines oreilles habituées à la soupe mainstream qu'on nous bassine pour nous crétiniser **, mais la beauté ça se mérite. C'est une parenthèse reposante dans ce monde agité, un plongeon à différentes époques (médiévale, renaissance, baroque, classique) aux sources de la musique folk et par extension de la musique populaire. L'alchimie et l'homogénéité sont parfaites malgré les différences d'origine des pièces retenues, le choix des titres, les arrangements, les instruments, et bien sur cette voix magique concourent à cette belle réussite qui transcende les siècles et les genres. Il est rassurant qu'il existe encore de vrais artistes en cette époque vaine et mercantile. Merci.
ROCKIN-JL
* NDLR : qui a dit qu'on ne se cultivait pas grâce au Deblocnot ? On attend toujours notre subvention du ministère de la culture et le rang pour nos chroniqueurs de chevalier des arts et des lettres, après tout Mimie Mathy vient bien d'être nommée chevalier de la légion d'honneur (véridique!)
** lisez le Deblocnot pour vous protéger, il a été scientifiquement prouvé que 20 mn de lecture quotidienne du Deblocnot rendait moins con (étude de la prestigieuse université du Massachusetts sous la conduite du Docteur Phil Good sur un échantillon de 1327,5 étudiants)
Un petit mot sur Mike Porcaro, mort dimanche? LE bassiste de TOTO quand même, parti rejoindre son frangin Jeff, LE batteur de TOTO...
RépondreSupprimerun hommage, soon....
SupprimerJuan, je glisse ton mot dans la boite "courrier des lecteurs" de Bruno...
RépondreSupprimer