samedi 14 février 2015

PUCCINI – Opera Arias – Luciano PAVAROTTI & Cie – Par Claude Toon



- Et bien M'sieur Claude, enfin un peu d'opéra, de bel canto et Luciano Pavarotti en vedette ! C'est rare l'art lyrique (comme on dit) dans vos chroniques ?
- Sans doute ma petite Sonia. Je ne suis pas un grand connaisseur d'opéras et hésite encore à écrire un commentaire qui apporte du nouveau au sujet…
- Vous vous sous-estimez, je me rappelle d'un article consacré au ténor allemand Jonas Kaufmann dans Wagner, passionnant ! Un bien bel homme aussi, hi hi…
- En effet, là je propose une anthologie des enregistrements Decca de pages connues de Puccini, avec des distributions exceptionnelles, dont Pavarotti.
- Après l'opéra allemand, Puccini ! Doit-on sortir les mouchoirs face à ce compositeur friand de mélodrames ?
- Allons, allons, contrôlez vos émotions de midinette Sonia…

Qui n'a jamais vu le visage débonnaire et bon enfant de Luciano Pavarotti ? Les papous de Nouvelle-Guinée qui ne disposent pas du petit écran ? Le ténor italien était de cette génération de chanteurs qui avait mondialisé le bel canto, que ce soit des chants populaires italiens ou des opéras du grand répertoire.
Luciano Pavarotti s'était acoquiné dans les années 90 avec Placido Domingo et José Carreras pour former le planétaire et informel groupe "les trois ténors", trois voix légendaires pour démocratiser le chant italien de "Sol e mio" à Puccini et Verdi en passant par le chant français. Contrairement à un André Rieu qui massacre tout ce qu'il touche dans ses concerts iconoclastes (Clic), les trois compères proposaient des sélections de qualité lors de concerts "monstres" (des stades bondés comme à Los Angeles en 1994, façon stars de la pop ou du rock). Détail important, c'est Zubin Mehta himself qui dirigeait l'orchestre, pas un tâcheron. Bref la méga fiesta, mais dans le respect de la musique et du chant !!! A noter pour conclure cette parenthèse que José et Luciano avaient eu l'idée de cette réunion à trois pour fêter la guérison de la leucémie de José Carreras. Les bénéfices des concerts alimentaient la fondation de ce dernier.
Luciano Pavarotti était né à Modène en 1935 d'un père boulanger et d'une mère cigarière (non, pas Carmen). Même modeste, toute famille italienne fredonne le patrimoine lyrique de la péninsule, c'est une culture incontournable. Cela dit le rêve du petit Luciano était de devenir gardien de but (le foot, seconde passion en Italie). De santé fragile, handicapé par un surpoids qui va lui pourrir toute l'existence, le gamin abandonne ce projet par étudier sérieusement le chant vers 19 ans. Il "prétendait" ne pas savoir déchiffrer une partition, préférant écouter ses grands prédécesseurs comme Caruso, l'icône des ténors italiens… Il avait une oreille absolue, donc il est très possible que l'écoute en salle ou au disque d'autres chanteurs lui ait permis de s'affranchir du solfège rien qu'en utilisant sa mémoire.
Il débute sa carrière en 1962 dans le rôle de Rodolfo de la Bohème de Puccini. Puccini, qu'il va servir comme personne pendant des décennies. En 1965, Herbert von Karajan qui savait comme nul autre repérer les talents prometteurs lui ouvre les portes de la Scala de Milan. Le chanteur dira tout devoir au maestro autrichien. Il chante la difficile partie de ténor dans la vidéo mythique réalisé par Clouzot et Karajan d'une exécution du requiem de Verdi à la Scala en 1967. (Clic)

Luciano Pavarotti n'avait pas que des admirateurs. De par sa santé fragile, il annulait beaucoup de représentations. Cela attirait les sarcasmes des critiques toujours prêts à en découdre avec les artistes. Il avait des capacités vocales hors norme, mais une condition physique incompatible avec les exigences de la scène, d'où des conflits fréquents voire violents avec les directeurs d'opéras, surtout aux USA. Il faut souligner que Luciano Pavarotti préférait ne pas chanter que mal chanter, trahir à la fois l'œuvre et le public. Parfois, au grand damne des éplucheurs de portées, il transposait les notes, préférant chanter juste un la que nasiller un si… Mais bien au-delà des ses questions musicologiques, Pavarotti voulait avant tout donner un corps et une âme à ses personnages. Son répertoire se concentrera bien entendu sur Verdi et Puccini, mais aussi sur d'autres compositeurs italiens : Donizetti, Leoncavallo… Il chantait parfaitement le répertoire français, mais pas Wagner, ce qui est très fréquent avec les ténors italiens…
Et puis l'art lyrique classique ne sera pas son unique univers. Luciano Pavarotti chantera avec de nombreux artistes de tous les styles : les duos avec Elton John, d'autres comme Mariah Carey, Eric Clapton, Queen, James Brown, U2, Sting, Céline Dion, Michael Jackson, et même les Spice Girls !!!!… Du bon, du mauvais, il n'avait pas le melon Pavarotti. Ces shows en duo appelés Pavarotti & friends servaient à trouver des fonds pour alimenter les œuvres humanitaires de Pavarotti notamment pour lutter conte le phénomène "les enfants soldats du Liberia" (1998). Il aimait chanter, jusqu'au bout de ses forces, et le ferra jusqu'à l'issue douloureuse, victime d'un cancer du pancréas en 2007.
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Puccini
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Cet album a deux mérites : un prix très doux, et le fait de proposer une sélection des enregistrements marquants des opéras de Puccini pour la firme DECCA. Je tape souvent sur les majors, mais force est de constater que les enregistrements lyriques de l'ère microsillon sont en général de grande qualité (Dgg, RCA, EMI, Philips repris en partie par DECCA). Graver des opéras coûte cher et seuls les grands labels peuvent s'offrir des distributions et des orchestres haut de gamme.
Cet album réunit 19 airs parmi les plus connus des opéras de Puccini chantés par les plus belles voix de la seconde moitié du XXème siècle : Luciano Pavarotti, l'artiste du jour, mais aussi Carlo Bergonzi en duo avec Renata Tebaldi dans La Bohème, Renée Fleming, Kiri Te Kanawa, José Carreras et Montserrat Caballé en duo dans la Tosca, et quelques autres que les amateurs de lyriques reconnaîtront. Si cet album semble destiné à une découverte de grands airs pour les néophytes, il pourra aussi apporter un plaisant florilège aux amateurs d'art lyrique.
Né en Toscane en 1858 et mort à Bruxelles en 1924, Giacomo Puccini reste surtout connu pour ses opéras, mais il a également écrit pour le piano, l'orgue et composé quelques œuvres religieuses. De ses dix opéras (dont un triptyque farfelu destiné à un public friand de Grand-Guignol), quatre se sont hissés à la postérité absolue : La Bohème (un mélodrame), La Tosca et Mme Butterfly (des drames), et Turandot (une comédie dramatique à grand spectacle resté inachevée en 1924). Assez imaginatif, Puccini écrira aussi pour le Metropolitan Opera de New York La fiancée du Far West, un opéra spaghetti qui surprendra par son sujet, et surtout par une fin heureuse à une époque ou le public raffole des tragédies funestes !
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Luciano Pavarotti se taille la part du lion dans cet album.
La Tosca : 1978 – direction Nicola Rescigno. Dans ce drame le ténor chante le rôle de Cavaradossi, un peintre amant de Tosca, une cantatrice réputée. Le baron Scarpia, chef de la police (baryton), jaloux, a réussi à faire condamner le peintre à mort pour complicité avec les forces napoléoniennes. Au début de l'acte III, Cavaradossi écrit une lettre d'adieu à Tosca. C'est là qu'intervient l'air "E lucevan le stelle" exprimant la tristesse du peintre. (C'est très résumé…)
Puccini utilise l'un des thèmes principaux de l'opéra chanté par le hautbois pour introduire cet air nostalgique. La mélodie alterne l'évocation de souvenirs radieux et l'expression épique de l'amour que le personnage porte à sa bien-aimée. Luciano Pavarotti évite de se répandre dans un désespoir outré. La ligne de chant est émouvante, les notes jamais forcées. L'élocution est parfaite, l'accentuation élégante magnifie les contrastes émotionnels de ce chant d'adieu et de résignation. Les forte sont d'une souplesse rare (vidéo 1).
Et les étoiles brillaient,
Et la terre embaumait,
La porte du jardin grinçait,
et un pas effleurait le sable.
Elle entrait, parfumée,
me tombait dans les bras.
O doux baisers ! ô caresses langoureuses !
Tandis que je tremblais, elle libérait ses belles formes de leurs voiles
Il s'est évanoui pour toujours, mon rêve d'amour.
L'heure s'est envolée, et je meurs désespéré !
Et je n'ai jamais autant aimé la vie !
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Turandot : 1972 – direction Zubin Mehta. La princesse chinoise Turandot ne se mariera qu'avec un prétendant qui aura répondu à trois énigmes posées par ses ministres. En cas d'échec, c'est la décapitation. Elle se prend pour Le Sphinx la si belle Turandot que les prétendants sont aussi nombreux que les têtes coupées ! Un jeune prince inconnu, Calaf (ténor), qui un temps n'avait d'yeux que pour la jeune esclave Liu (soprano) tombe sous le charme, et décide à la fin de l'acte 1 de tenter sa chance malgré les conseils de son père Timur (baryton). Le disque propose 4 airs extraits de la fin de cet acte dont en premier "Signore, ascolta" chanté par Liu (Montserrat Caballé).
La vidéo 2 commence par l'un des airs les plus tendres écrits par Puccini "Non piangere Liu", Calaf fait ses adieux à Liu. Pavarotti chante avec véhémence ses affres sans affectation, une fois de plus les forte sont d'une facilité confondante. La puissance vocale de Pavarotti n'apparaît jamais comme une fin en soi, hurlée au détriment du sentiment. À noter au passage l'orchestration diaphane de Puccini et la direction poétique de Zubin Mehta à la tête du Philharmonique de Londres. Le disque propose le trio Calaf-Liu-Timur (Nicolai Ghiaurov) qui termine l'acte. La jeune femme et le père tente de dissuader Calaf de risquer cette marche vers la mort. Pavarotti ne s'impose pas, il est calaf et même un prince mystérieux très humain quand il appelle Turandot. La tenue très longue de la note sur "dot" ne lui pose absolument aucun souci. Pavarotti ne hurlait jamais, une voix naturelle voire surnaturelle.
Ne pleure pas, Liù !
Si un jour lointain
Je t’ai souri,
Par ce sourire,
Ma douce enfant,

Écoute-moi : peut-être ton maître
Sera demain seul au monde...
Ne l’abandonne pas,
Emmène-le avec toi !
xxxxxxxxxx
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L'air "Nessum Dorma" extrait de Turandot est chanté par José Carreras dans l'album. Le ténor est accompagné par l'orchestre symphonique de Londres dirigé par Jesús López-Cobos. Excellent bien entendu. J'ai donc ajouté une autre interprétation de cet air via une vidéo d'un concert "les trois ténors" où l'on retrouve en trio Pavarotti, Domingo et Carreras et leur complice Zubin Mehta. L'intégrale des quatre plus célèbres opéras de Puccini chantés par Pavarotti est disponible dans un coffret de 9 CD ou séparément (le coffret est plus ou moins disponible mais ne comprend pas les livrets que l'on trouve assez facilement sur le web).
Cet album n'est pas spécifiquement dédié à Luciano Pavarotti. On trouve une sélection des grands moments de divers opéras connus, ou plus confidentiels, chantés par Renée Fleming et José Carreras et d'autres. En résumé, une anthologie superbe, un hommage aux grandes voix de la seconde moitié du siècle dernier. Et puis il y a la musique de Puccini, une musique qui porte le chant plus qu'elle ne s'écoule de manière autonome, comme un personnage symphonique complémentaire, à l'instar de Verdi ou Wagner. Il me semble difficile de ne pas être ému par quelques airs du programme.
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La seconde vidéo n'a pas d'image !!! L'important est d'écouter l'air. Donc pas de panique, votre PC fonctionne bien :o)



1 commentaire:

  1. Pavarotti, une voix en or, le nounours sympathique. Dans le même genre de disque, toujours chez Decca, j'ai "Luciano Pavarotti, les airs du grand échiquier" avec du Donizetti, Verdi, Gounod, Rossini, Gluck et Puccini bien sur et son incontournable "Nessun Dorma" qui chanté par Pavarotti prend un coté encore plus dramatique et cosmique que ses collègues (Attention, je ne dit pas que les autres versions soit merdiques, loin de moi cette idée). Un petit disque d'un gros bonhomme à l'immense talent.

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