- Et bien M'sieur Claude, enfin un
peu d'opéra, de bel canto et Luciano Pavarotti en vedette ! C'est rare l'art
lyrique (comme on dit) dans vos chroniques ?
- Sans doute ma petite Sonia. Je ne
suis pas un grand connaisseur d'opéras et hésite encore à écrire un commentaire
qui apporte du nouveau au sujet…
- Vous vous sous-estimez, je me
rappelle d'un article consacré au ténor allemand Jonas Kaufmann dans Wagner,
passionnant ! Un bien bel homme aussi, hi hi…
- En effet, là je propose une
anthologie des enregistrements Decca de pages connues de Puccini, avec des
distributions exceptionnelles, dont Pavarotti.
- Après l'opéra allemand, Puccini !
Doit-on sortir les mouchoirs face à ce compositeur friand de mélodrames ?
- Allons, allons, contrôlez vos
émotions de midinette Sonia…
Qui n'a jamais vu le visage débonnaire et bon enfant
de Luciano Pavarotti ? Les papous de
Nouvelle-Guinée qui ne disposent pas du petit écran ? Le ténor italien était de
cette génération de chanteurs qui avait mondialisé le bel canto, que ce
soit des chants populaires italiens ou des opéras du grand répertoire.
Luciano Pavarotti s'était acoquiné
dans les années 90 avec Placido Domingo
et José Carreras pour former le planétaire et
informel groupe "les trois ténors",
trois voix légendaires pour démocratiser le chant italien de "Sol e mio" à Puccini
et Verdi en passant par le chant français.
Contrairement à un André Rieu qui
massacre tout ce qu'il touche dans ses concerts iconoclastes (Clic),
les trois compères proposaient des sélections de qualité lors de concerts "monstres"
(des stades bondés comme à Los Angeles
en 1994, façon stars de la pop ou du
rock). Détail important, c'est Zubin Mehta
himself qui dirigeait l'orchestre, pas un tâcheron. Bref la méga fiesta, mais
dans le respect de la musique et du chant !!! A noter pour conclure cette
parenthèse que José et Luciano
avaient eu l'idée de cette réunion à trois pour fêter la guérison de la
leucémie de José Carreras. Les bénéfices
des concerts alimentaient la fondation de ce dernier.
Luciano Pavarotti était né
à Modène en 1935 d'un père boulanger et d'une mère cigarière (non, pas Carmen). Même modeste, toute famille
italienne fredonne le patrimoine lyrique de la péninsule, c'est une culture incontournable.
Cela dit le rêve du petit Luciano
était de devenir gardien de but (le foot, seconde passion en Italie). De santé
fragile, handicapé par un surpoids qui va lui pourrir toute l'existence, le
gamin abandonne ce projet par étudier sérieusement le chant vers 19 ans. Il
"prétendait" ne pas savoir déchiffrer une partition, préférant
écouter ses grands prédécesseurs comme Caruso,
l'icône des ténors italiens… Il avait une oreille absolue, donc il est très possible
que l'écoute en salle ou au disque d'autres chanteurs lui ait permis de s'affranchir
du solfège rien qu'en utilisant sa mémoire.
Il débute sa carrière en 1962 dans le rôle de Rodolfo
de la Bohème de Puccini. Puccini,
qu'il va servir comme personne pendant des décennies. En 1965, Herbert von Karajan qui
savait comme nul autre repérer les talents prometteurs lui ouvre les portes de la Scala de Milan. Le chanteur dira tout
devoir au maestro autrichien. Il chante la difficile partie de ténor dans la
vidéo mythique réalisé par Clouzot et
Karajan d'une exécution du requiem de Verdi
à la Scala en 1967. (Clic)
Luciano Pavarotti n'avait
pas que des admirateurs. De par sa santé fragile, il annulait beaucoup de
représentations. Cela attirait les sarcasmes des critiques toujours prêts à en
découdre avec les artistes. Il avait des capacités vocales hors norme, mais une condition physique incompatible avec les exigences de la scène, d'où des conflits fréquents voire violents avec les directeurs d'opéras, surtout aux USA. Il faut souligner que Luciano
Pavarotti préférait ne pas chanter que mal chanter, trahir à la
fois l'œuvre et le public. Parfois, au grand damne des éplucheurs de portées,
il transposait les notes, préférant chanter juste un la que nasiller un si…
Mais bien au-delà des ses questions musicologiques, Pavarotti
voulait avant tout donner un corps et une âme à ses personnages. Son répertoire
se concentrera bien entendu sur Verdi
et Puccini, mais aussi sur d'autres
compositeurs italiens : Donizetti,
Leoncavallo… Il chantait parfaitement le
répertoire français, mais pas Wagner, ce qui est très fréquent avec les ténors
italiens…
Et puis l'art lyrique classique ne sera pas son unique
univers. Luciano Pavarotti chantera
avec de nombreux artistes de tous les styles : les duos avec Elton John, d'autres comme Mariah Carey, Eric Clapton, Queen, James Brown, U2, Sting, Céline Dion, Michael Jackson, et même les Spice Girls !!!!… Du bon, du mauvais, il
n'avait pas le melon Pavarotti. Ces shows en duo appelés Pavarotti & friends servaient à trouver des fonds pour alimenter les œuvres humanitaires de Pavarotti notamment pour lutter conte le phénomène "les enfants soldats du Liberia" (1998).
Il aimait chanter, jusqu'au bout de ses forces, et le ferra jusqu'à l'issue douloureuse, victime d'un cancer du
pancréas en 2007.
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Puccini XXXXXX |
Cet album a deux mérites :
un prix très doux, et le fait de proposer une sélection des enregistrements marquants
des opéras de Puccini pour la firme DECCA. Je tape souvent sur les majors,
mais force est de constater que les enregistrements lyriques de l'ère microsillon
sont en général de grande qualité (Dgg,
RCA, EMI, Philips repris en
partie par DECCA). Graver des opéras coûte cher et seuls les grands labels peuvent
s'offrir des distributions et des orchestres haut de gamme.
Cet album réunit 19 airs parmi les plus connus des
opéras de Puccini chantés par les plus
belles voix de la seconde moitié du XXème siècle : Luciano Pavarotti, l'artiste du jour, mais
aussi Carlo Bergonzi en duo avec Renata Tebaldi dans La
Bohème, Renée Fleming,
Kiri Te Kanawa, José Carreras et Montserrat
Caballé en duo dans la Tosca,
et quelques autres que les amateurs de lyriques reconnaîtront. Si cet album semble
destiné à une découverte de grands airs pour les néophytes, il pourra aussi
apporter un plaisant florilège aux amateurs d'art lyrique.
Né en Toscane en 1858
et mort à Bruxelles en 1924, Giacomo Puccini reste surtout connu pour
ses opéras, mais il a également écrit pour le piano, l'orgue et composé
quelques œuvres religieuses. De ses dix opéras (dont un triptyque farfelu destiné
à un public friand de Grand-Guignol), quatre se sont hissés à la postérité
absolue : La Bohème (un mélodrame), La
Tosca et Mme
Butterfly (des drames), et Turandot
(une comédie dramatique à grand spectacle resté inachevée en 1924). Assez
imaginatif, Puccini écrira aussi pour le
Metropolitan Opera de New York La fiancée du
Far West, un opéra
spaghetti qui surprendra par son sujet, et surtout par une fin heureuse à
une époque ou le public raffole des tragédies funestes !
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Luciano Pavarotti se
taille la part du lion dans cet album.
La Tosca : 1978 – direction Nicola
Rescigno. Dans ce drame le ténor chante le rôle de Cavaradossi, un peintre amant de Tosca, une cantatrice réputée. Le baron
Scarpia, chef de la police
(baryton), jaloux, a réussi à faire condamner le peintre à mort pour complicité
avec les forces napoléoniennes. Au début de l'acte III, Cavaradossi écrit une lettre d'adieu à Tosca. C'est là qu'intervient l'air "E
lucevan le stelle" exprimant la tristesse du peintre.
(C'est très résumé…)
Puccini utilise
l'un des thèmes principaux de l'opéra chanté par le hautbois pour introduire
cet air nostalgique. La mélodie alterne l'évocation de souvenirs radieux et l'expression
épique de l'amour que le personnage porte à sa bien-aimée. Luciano
Pavarotti évite de se répandre dans un désespoir outré. La ligne
de chant est émouvante, les notes jamais forcées. L'élocution est parfaite,
l'accentuation élégante magnifie les contrastes émotionnels de ce chant d'adieu
et de résignation. Les forte sont d'une souplesse rare (vidéo 1).
Et les étoiles brillaient,
Et la terre embaumait,
La porte du jardin grinçait,
et un pas effleurait le sable.
Elle entrait, parfumée,
me tombait dans les bras. |
O doux baisers ! ô caresses langoureuses !
Tandis que je tremblais, elle libérait ses belles formes de leurs voiles
Il s'est évanoui pour toujours, mon rêve d'amour.
L'heure s'est envolée, et je meurs désespéré !
Et je n'ai jamais autant aimé la vie !
|
Turandot : 1972 – direction Zubin
Mehta. La princesse chinoise Turandot ne se mariera qu'avec un prétendant qui aura répondu à
trois énigmes posées par ses ministres. En cas d'échec, c'est la décapitation.
Elle se prend pour Le Sphinx la si belle Turandot
que les prétendants sont aussi nombreux que les têtes coupées ! Un jeune prince
inconnu, Calaf (ténor), qui un temps
n'avait d'yeux que pour la jeune esclave Liu
(soprano) tombe sous le charme, et décide à la fin de l'acte 1 de tenter sa
chance malgré les conseils de son père Timur
(baryton). Le disque propose 4 airs extraits de la fin de cet acte dont en
premier "Signore, ascolta" chanté
par Liu (Montserrat
Caballé).
La vidéo 2 commence par l'un des airs les plus tendres
écrits par Puccini "Non piangere Liu",
Calaf fait ses adieux à Liu. Pavarotti
chante avec véhémence ses affres sans affectation, une fois de plus les forte
sont d'une facilité confondante. La puissance vocale de Pavarotti
n'apparaît jamais comme une fin en soi, hurlée au détriment du sentiment. À
noter au passage l'orchestration diaphane de Puccini et la direction poétique
de Zubin Mehta à la tête du Philharmonique de Londres. Le disque
propose le trio Calaf-Liu-Timur (Nicolai Ghiaurov) qui termine l'acte. La
jeune femme et le père tente de dissuader Calaf
de risquer cette marche vers la mort. Pavarotti
ne s'impose pas, il est calaf et
même un prince mystérieux très humain quand il appelle Turandot. La tenue très longue de la note sur "dot" ne
lui pose absolument aucun souci. Pavarotti
ne hurlait jamais, une voix naturelle voire surnaturelle.
Ne pleure pas, Liù !
Si un jour lointain
Je t’ai souri,
Par ce sourire,
Ma douce enfant, |
Écoute-moi : peut-être ton maître
Sera demain seul au monde...
Ne l’abandonne pas,
Emmène-le avec toi !xxxxxxxxxx |
L'air "Nessum Dorma"
extrait de Turandot est chanté par José Carreras dans l'album. Le ténor est accompagné par
l'orchestre symphonique de Londres dirigé par Jesús López-Cobos. Excellent bien entendu. J'ai donc
ajouté une autre interprétation de cet air via une vidéo d'un concert "les trois ténors" où l'on
retrouve en trio Pavarotti, Domingo et Carreras
et leur complice Zubin Mehta. L'intégrale des
quatre plus célèbres opéras de Puccini chantés par Pavarotti
est disponible dans un coffret de 9 CD ou séparément (le coffret est plus ou
moins disponible mais ne comprend pas les livrets que l'on trouve assez
facilement sur le web).
Cet album n'est pas spécifiquement dédié à Luciano Pavarotti. On trouve une sélection des grands moments de divers opéras connus, ou plus confidentiels, chantés par Renée Fleming et José Carreras et d'autres. En résumé, une anthologie superbe, un hommage aux grandes voix de la seconde moitié du siècle dernier. Et puis il y a la musique de Puccini, une musique qui porte le chant plus qu'elle ne s'écoule de manière autonome, comme un personnage symphonique complémentaire, à l'instar de Verdi ou Wagner. Il me semble difficile de ne pas être ému par quelques airs du programme.
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La seconde vidéo n'a pas d'image !!! L'important est d'écouter l'air. Donc pas de panique, votre PC fonctionne bien :o)
Pavarotti, une voix en or, le nounours sympathique. Dans le même genre de disque, toujours chez Decca, j'ai "Luciano Pavarotti, les airs du grand échiquier" avec du Donizetti, Verdi, Gounod, Rossini, Gluck et Puccini bien sur et son incontournable "Nessun Dorma" qui chanté par Pavarotti prend un coté encore plus dramatique et cosmique que ses collègues (Attention, je ne dit pas que les autres versions soit merdiques, loin de moi cette idée). Un petit disque d'un gros bonhomme à l'immense talent.
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