Voilà maintenant bien un quart de siècle que le Révérend Rusty écume les clubs, en parvenant, sporadiquement, à sortir quelques disques. Sept au total, dont un live, plus un DVD. Le premier date de 1984, et le dernier, "Struggle", de cette année. Les premiers disques sont sortis sous le patronyme de "The Case", le nom du groupe d'alors. Plus tard, le nom du collectif s'est mué en Reverend Rusty & The Case, pour finalement ne garder que Rusty Stone. Et désormais c'est Reverend Rusty. Dans un sens, ce n'est qu'un juste retour des choses car depuis les débuts, le maître à bord est bien Rusty Stone, alias Reverend Rusty.
A l'écoute de sa musique, on comprend qu'il ait gagné son "galon" de Reverend car il en émane une large culture musicale et une compréhension qui lui permet d'aborder diverses branches du Blues sans qu'il ne lui soit nécessaire de retranscrire à la lettre les vieux schémas du - des - Blues pour en mériter l'étiquette.
Ce révérend Allemand revient, après un long silence discographique de cinq ans, avec ce "Struggle" qui a la subtilité, la sagacité, de proposer une musique personnelle et attrayante, voire singulière, toute en faisant référence au Blues. Plutôt que de se contenter de délivrer des plans maintes fois éprouvés, des standards usés jusqu'à la corde, Rusty a cherché à faire quelque chose d'originale et qui a du caractère. Certes ce n'est pas le seul à travailler dans ce sens, mais ce ne sont pas ceux qui se font nécessairement le plus remarquer ; et c'est bien regrettable.
La musique présentée sur ce fort sympathique "Struggle" oeuvre principalement dans un Blues-rock festif. Non pas festif dans le sens où on l'entendait, généralement, il y a quelques années avec cette éclosion de collectifs mélangeant sans a priori vibrations Rock à des sons de musique traditionnelle (y compris la musette en France), jouée avec une énergie dénichée dans les cendres d'un Punk-rock. Non, tout simplement festif parce qu'il s'agit ici d'un Blues-Rock libérant de saines ondes positives. Il y a ici quelque chose de gai (sans aller jusqu'à joyeux ou allègre), de badin, de libéré et d'épanoui, de mâture même.
Il n'y a rien de présomptueux, de suffisant ou de prétentieux ici. Le trio joue sa musique avec sincérité, avec son cœur. Du moins c'est la sensation qui s'en dégage. Un Blues sans frontières, non figé dans le carcan des douze mesures, Un Rock bluesy agréable que l'on se surprend à se repasser tant pour se reposer l'esprit que pour se mettre de bonne d'humeur (incitant à être plus social). A ce titre, certains pièces semblent inviter à se lever de sa chaise, choppe à la main, pour se mêler en gigotant à une foule bienveillante, d'humeur joyeuse, aux joues rosies (tant par l'atmosphère que... par le bon vin ou la bière - toujours avec modération-) et au front perlant.
de G à D : Mr C.P., Rusty & Al Wood |
Après une intro bien calme, à la guitare à résonateur, slide acoustique (dobro ou National), qui s'accordera avec le final, le beau instrumental "Cooder" en hommage à l'artiste du même nom, le disque démarre vraiment avec "Let it Flow". Une belle pièce qui déroutera tous ceux qui s'attendent à une volée de guitares électrifiées, avec cette basse insufflant un air cubain entre rumba et cha-cha-cha exacerbé par des percussions du genre bongos, un chouia africaines, et sa guitare électro-acoustique un rien mélancolique et des paroles qui ne le sont pas moins ("I know when I was born but I don't know the day I die"). De la World-music bluesy.
"Born for the Blues" rassurera les plus intransigeant en se campant sur des bases franchement Blues ; une composition en hommage à Muddy Waters ("a real Blues man") que l'on pourrait qualifier de Chicago-Blues un poil soft. "No, No, No" durci et accélère le propos, incitant presque à la danse (enfin, si on peut appeler "danser" sauter à pieds joints comme un couillon). - "I drink too much and I can't sleep" -.
Si "Don't Look Back" reste dans la branche "danse", c'est cette fois-ci plus dans une optique guillerette, avec une mandoline mutine qui semble s'être encanaillée aux contacts des fêtes bavaroises (arrosées) et d'autres d'obédience plus celtiques (une once de Rory Gallagher). Et un Rusty qui semble nous embarquer en nous prenant sous son bras pour nous conter une histoire.
"Living and Dying" (comme en écho aux paroles de Let it flow" - "Life is too short to fight every day ... too precious to throw it away" -) où la basse claque et groove comme le faisait la Fender-miroir de Phil Lynott
"Come On" aurait pu n'être qu'un bon et commun Boogie-rock s'il n'y avait ce gros travail de basse de Mr P.C. qui lui donne du corps.
"Low Down Blues" est une pièce-maîtresse ; une ballade Bluesy à la fois tendre et mélancolique, couronnée par un solo mélodique qui ne l'est pas moins, et absolument dans le ton. Paradoxalement, bien que rien de sombre ne paraît émaner de la musique de Rusty Stone, l'ombre de la mort incontournable, irréfutable, revient là encore planer ("I'd have to get better before I could die"), comme une obsession. Toutefois, toujours sans aucun apitoiement et toujours aborder avec légèreté, voire avec ironie.
Avec "Old Together", Rusty offre là un de ses meilleurs riffs, entre Heavy-rock et Rock'n'Roll Bluesy, entre Bad Co, Stones et John Mayall. Il ne lui manquerait plus qu'une petite disto pour partir dans le Heavy.
Curieusement, l'instrumental, un peu lourd, un pied dans le Hard-rock, me paraît en deçà des capacités du trio ; en dépit d'un bon début, il tourne en rond, s'étalant de trop en dépassant les six minutes (morceau le plus long de l'album). On imagine que cette pièce doit servir de défouloir et de faire-valoir pour la scène.
"Movin' too Fast" revient mettre de l'ordre en s'ébattant gaillardement dans un Boogie-Rock'n'Roll-bluesy vigoureux. Un coup de collier avant le retour au calme, à la ballade bluesy ; genre que Rusty semble vraiment bien maîtriser. Ainsi, "Always on my Mind" a les attributs pour conquérir les radios, même outre-atlantique (si tout n'était pas contrôlé et dirigé par des sociétés qui raisonnent que par rapport à des comptes de Résultats et de Bilans, et des études de marchés). Un vrai slow embellit par un gros solo de guitare bien chantant et harmonieux. Une guitare lead ici omniprésente, accompagnant la mélodie de chorus tout en feeling.
"Tell Me" est un dernier sursaut festif avant le retour au calme, le crépusculaire "Cooder". Un bel instrumental "roots" où seul règne la guitare (acoustique et dobro) créant une ambiance éthérée, boisée et méditative.
Si le Blues est indéniablement l'essence de ce trio, d'autres genres viennent se mélanger sans hésitation, sans réticence. Un Blues se présentant comme une grande salle aux multiples portes, grandes ouvertes, donnant libre accès, sans réticence, à l'Americana, le Rock, le Boogie, le Hard-blues, le Folk, le Zydeco. Un Blues singulier bien plaisant et agréable, voire apaisant, que l'on prend plaisir à se passer et repasser. Bref, un Blues tendance Rock qui a de la personnalité et qui fait du bien aux esgourdes.
Une réussite.
"Old Together"
Ici en mode acoustique, le trio prend des airs de Country-blues façon Rory Gallagher
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