Il y a 70 ans : libération d'Auschwitz
Le but premier du Déblocnot est de parler de culture, si possible en
s'amusant, mais certains sujets prêtent moins à rire que d'autres. Pour
rester dans l’actualité, nous célébrons un anniversaire en ce moment, le
soixante dixième anniversaire de la libération du camp d’extermination
d’Auschwitz-Birkenau.
Pratiquement tout le monde connait l’histoire du système concentrationnaire
nazi et de ses victimes dont le nombre total est difficile à reconstituer,
entre 1,2 et 1,3 millions pour le seul camp d’Auschwitz. Des
cinéastes, des chanteurs et des musiciens ont fait vivre leur mémoire au
travers de leurs œuvres. C'est en 1955 que l'Etat commande le documentaire «Nuit et Brouillard» écrit par Jean Cayrol, et réalisé par
Alain Resnais. Le cinéaste y alterne de
longs travellings géométriques sur les lieux mêmes du drame - ce qu'il en
restait en 55, ce qui renforce d'autant plus l'effet - filmés en couleurs,
et des images d'archives, dont on sait aujourd'hui qu'elles ne venaient pas
d'Auschwitz (mais de Buchenwald).
«Nuit et Brouillard» s'inscrit parfaitement dans la filmographie de
Resnais, le cinéaste de l'Histoire,
de la mémoire, quatre ans avant sa première fiction
"Hiroshima mon Amour".
L'autre grand documentaire est «Shoah» de Claude Lanzmann, une somme de 9h30, aucune image d'archive, uniquement des interviews du cinéaste-journaliste qui a parcouru le monde pour retrouver bourreaux et victimes. Un travail colossal, qui prend le temps de décortiquer la parole, les souvenirs. Citons aussi "les Survivants" de Patrick Rotman, et "De Nuremberg à Nuremberg" de Frédéric Rossif, en 1987.
Peut-on faire appel à la fiction pour parler de la Shoah ? Steven Spielberg et sa «La Liste de Schindler» pense que oui. Esthétiquement et dramatiquement réussi, le film fut controversé, et attaqué violemment par Lanzmann. Stanley Kubrick, qui avait au même moment le projet de réaliser "Aryan Papers" a d'ailleurs déclaré : "faire un film sur l'Holocauste, c'est filmer 6 millions de morts, pas 3000 survivants". Citons aussi Robert Enrico et «Au Nom de Tous les Miens» d’après la biographie de Martin Gray, "Train de vie" de Radu Mihaileanu, une comédie poétique. Chaque film réalisé sur ce thème fait généralement polémique, que ce soit "Portiers de Nuit" de Liliana Cavani en 1974, ou "La Vie est belle" de Begnini en 1997. Le petit écran a aussi bien desservi le thème de la déportation et de l'extermination de masse avec le feuilleton «Holocauste» et le téléfilm «Les rescapés de Sobibor».
L'autre grand documentaire est «Shoah» de Claude Lanzmann, une somme de 9h30, aucune image d'archive, uniquement des interviews du cinéaste-journaliste qui a parcouru le monde pour retrouver bourreaux et victimes. Un travail colossal, qui prend le temps de décortiquer la parole, les souvenirs. Citons aussi "les Survivants" de Patrick Rotman, et "De Nuremberg à Nuremberg" de Frédéric Rossif, en 1987.
Peut-on faire appel à la fiction pour parler de la Shoah ? Steven Spielberg et sa «La Liste de Schindler» pense que oui. Esthétiquement et dramatiquement réussi, le film fut controversé, et attaqué violemment par Lanzmann. Stanley Kubrick, qui avait au même moment le projet de réaliser "Aryan Papers" a d'ailleurs déclaré : "faire un film sur l'Holocauste, c'est filmer 6 millions de morts, pas 3000 survivants". Citons aussi Robert Enrico et «Au Nom de Tous les Miens» d’après la biographie de Martin Gray, "Train de vie" de Radu Mihaileanu, une comédie poétique. Chaque film réalisé sur ce thème fait généralement polémique, que ce soit "Portiers de Nuit" de Liliana Cavani en 1974, ou "La Vie est belle" de Begnini en 1997. Le petit écran a aussi bien desservi le thème de la déportation et de l'extermination de masse avec le feuilleton «Holocauste» et le téléfilm «Les rescapés de Sobibor».
La chanson et plus généralement la musique ont aussi témoigné de cette
insensée tragédie de l’histoire du XXème siècle, voire de celle de
l'humanité. Ce que certains historiens ont intitulé "l'industrie de
l’horreur".
Jean Ferrat : Nuit et Brouillard
Tout le monde connaît Jean Ferrat. Je ne
ferai pas l’inventaire du répertoire de ce chanteur-compositeur et poète
engagé qui interpréta si bien Aragon.
Même si ses idées étaient voisines de celles du communisme, il restera
toujours très critique vis-à-vis des positions du Parti Communiste de
l’URSS et de sa dérive stalinienne. Bien que peu présent dans les médias,
son succès sera toujours à la hauteur de la qualité de ses compositions et
de ses textes malgré ses positions politiques et sociales. Dans les années
60-70, il réunira les foules au Palais des sports de Paris, à une époque
où "les Zénith" n'étaient pas encore à la mode
«Nuit et Brouillard» est un titre composé par Jean Ferrat qui
sortira sur l’album 45 tours du même nom en décembre 1963. Le titre
fait référence à une ordonnance signé en 1941 par Hitler, qui ordonne
que les personnes représentant une menace pour le Reich soient déportées en
Allemagne pour être exterminées dans le secret absolu.
En 1963 les radios périphériques avaient autres choses à
diffuser : ♫♪♫ «S.L.C Salut les
Copains» ♫ ♪♫ avec l’incontournable Johnny,
Sheila et monsieur 220 volts :
Claude François.
Ferrat propose un titre engagé sur
l’horreur de la déportation et invoque le devoir de mémoire. Dans une
France Gaulliste et pudibonde, la censure avait le coup de ciseau
facile, la chanson sera interdite de radio et de télévision. Et la
censure apportera la gloire sur un plateau d’argent à son auteur, et de
plus la chanson recevra le grand prix du disque Charles-Cros.
Commémorant les victimes des camps nazis, «Nuit et Brouillard» est une chanson biographique qui évoque la disparition de son père
juif émigré de Russie, arrêté, interné à Drancy par les autorités françaises
avant d’être déporté en septembre 1942
à Auschwitz d’où il ne reviendra pas.
Je ne décomposerai pas la chanson vers par vers, je vais juste en
extraire quelques-un.
«Ils s’appelaient Jean Pierre, Natacha ou Samuel, Certain priaient
Jésus, Jéhovah ou
Vishnou, d’autre ne priaient pas mais qu’importe le ciel… » L’auteur parle de Vishnou le dieu protecteur au Inde, à
ma connaissance (Et après recherche) pas ou peu d’hindous furent
déportés (Mais je peux me tromper), en citant une divinité indienne tout
le monde est concerné.
«On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours…» «Pour qu’un jour les enfants sachent
qui vous étiez» Le devoir de mémoire pour les générations futures, combattre
le négationnisme et des gens comme Robert Faurisson qui
continue à nier l’évidence et à jeter de la poudre aux yeux de
certains en leur faisant croire que les chambres a gaz n’étaient
qu’une mise en scène ! Attention, la bête immonde dort dans un
coin et pourrait ce réveiller.
Bien des poètes et compositeurs "classique" ont également été terrifiés par la Shoah et ont voulu aussi témoigner de l'indicible. Je passe la plume à Claude…
PENDERECKI : Dies Irae (Auschwitz Oratorio)
Merci Pat. La pochette du 45 tours de
Jean Ferrat me
rajeunit de 50 ans… le disque est dans mon armoire. Ma
génération a été marquée par la perte de proches (en ce qui me
concerne : un grand père et son frère à Mauthausen pour faits de
résistance – ils en sont revenus, mais pour mourir quelques mois
après leur retour). Je connais cette chanson par cœur, elle a
été le départ d'une tentative de comprendre : pourquoi ? des
dizaines de livres et documentaires 50 ans plus tard ne m'ont
pas apporté la réponse…
Dans les années qui suivent la découverte des camps, de
nombreux artistes se poseront la question s'il est encore
possible d'opposer l'art à l'inexprimable. Petit à petit, des
textes et musiques vont tenter de pousser le cri que les
malheureux n'avaient ni la force ni la possibilité de lancer à
la face de leurs bourreaux.
Les compositeurs polonais se sentiront très concernés et
l'œuvre la plus marquante sera écrite par
Krzysztof Penderecki. Une chronique a été consacrée à ce compositeur majeur de la
seconde moitié du XXème siècle.
(Clic) En
1967, il compose
un cours oratorio en trois parties qu'il nomme
Dies Irae (jour
de colère) mais dont le titre complet en français est "Oratorio pour perpétuer à jamais la mémoire des victimes
du camp d'extermination d'Auschwitz." Il est composé très classiquement pour quatre solistes,
chœur mixte et orchestre. La musique, elle, est tout sauf
classique. On y entend des thrènes lugubres, des cuivres et
percussions qui se fracassent, des clusters, le bruit d'un
enfer indicible. Dans le parcours du compositeur, l'œuvre se
place dans la période la plus avant-gardiste. Je ne détaille
rien, mais vais parler du choix des textes.
Penderecki, de confession catholique, inclut des textes de la bible
mais de l'ancien testament uniquement, sans doute par respect
envers la communauté israélite, qui ne se reconnait pas dans
le nouveau testament dont le livre de l'Apocalypse. À cela, le
compositeur ajoute de cours poèmes de Broniewski,
Różewicz et d'Aragon
traduit en polonais pour ce dernier. Je cite trois d'entre-deux
et finit ainsi ce petit article… place à la musique et au texte
:
Le chef polonais
Antoni Wit qui
poursuit une intégrale de l’œuvre de
Penderecki a
enregistré cet oratorio en complément de la 8ème symphonie chez
Naxos.
les corps d’enfants
s’envoleront du fond des crématoires au-dessus de l’Histoire,
les corps des jeunes gens,
les corps des jeunes filles couronnés d’épines se rassembleront
les corps des hommes
triompheront des champs de mort libérés à jamais
Władysław Broniewski
|
Auschwitz ! Auschwitz ! ô syllabes sanglantes !
Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu […]
Limites de la faim, limites de la force :
Ni le Christ n’a connu ce terrible chemin,
Ni cet interminable et déchirant divorce
De l’âme humaine avec l’univers inhumain.
Je vous salue ma France où les vents se calmèrent
[…] où les blés et les seigles
Mûrissent au soleil de la diversité
Heureuse et forte enfin, qui portez en écharpe
Cet arc-en-ciel témoin qu’il ne tonnera plus,
Liberté dont frémit le silence des harpes ;
Ma France d’au-delà le déluge, salut.
Louis Aragon
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Et le plus insoutenable :
Dans de grandes caisses
moutonnent les cheveux secs des gazées il y a une petite tresse grise une queue de souris avec son ruban de celles que tirent à l’école les vilains garnements. |
La chanson "Nuit et Brouillard", puis la vidéo de la première version discographique de Auschwitz Oratorio. Le disque Philips fut présenté à l'époque lors de l'émission de musique classique hebdomadaire : 33 tours, le dimanche midi avant le journal sur l'actuel TF1. Pas de commentaire sur l'évolution de la qualité des programmes en 50 ans… |
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Je tenais à préciser que "Nuit et Brouillard" n'est pas la seule chanson traitant de la déportation, j'aurais pu aussi citer "Le petit train" des Rita Mitsouko, "La petite juive" de Maurice Fanon (1965) ou encore "Anne, ma soeur Anne" de Louis Chédid en 1985 ou l'auteur s'adresse à Anne Franck. Nous pouvions aussi laisser des références littéraires, comme les douze tomes de Christian Bernadac dans les années 1965-1980 aux éditions France-Empire ou le réalisme de la cruauté nazi transpire entre les lignes.
RépondreSupprimerJ'ai mal dormi après la diffusion de France 2, pourtant à 54 ans je suis blindé...
RépondreSupprimerEn 1964 en 6eme, en pension chez les curés et en Bretagne (oui je sais j'accumulais les handicaps!) j'avais acheté ce 45T de Ferrat. Pendant les repas , ces bons pères nous autorisaient à passer de la musique dans le refectoire, et bien sûr ce disque fût censuré! Mais pas le titre "Nuits et Brouillard" non, c'est "Nous dormirons ensemble" qui passait pas chez les éclesiastiques! Bon même 50 après cette chanson de Ferrat "Nuit et Brouillard" me fait monter les larmes aux yeux, tout comme "L'affiche rouge " de Ferré. Y'a des chansons comme ça qui vous remuent un bonhomme. Amicalement
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