- Tiens M'sieur Claude, encore une symphonie de Beethoven à votre actif,
la "Pastorale", très romantique et poétique si j'en crois la
documentation...
- Oui Sonia, après les 3, 5 et 7ème symphonies, je continue de
parcourir le cycle complet en variant les interprètes…
- Petit nouveau ce Monsieur Ivan Fischer, je ne crois pas qu'il ait eu sa
chronique dans le blog ?
- En effet, cité dans des gravures consacrées à Bartók sans doute, mais
il y aura deux rencontres cette année, pour ce beau disque et pour la
4ème de Mahler…
- Vous n'avez pas retenu Furtwängler, Toscanini ou Karajan, les grands
anciens…
- Non mais je les mentionnerai dans l'abondante discographie
beethovénienne bien sûr. Mais avec ce disque l'inspiration et la
plus-value sonore balayent tous les suffrages…
XXX XXX |
Oui Sonia, les maestros, des plus célèbres au plus obscures, se sont
confrontés avec le cycle des symphonies de
Beethoven. On ne compte plus depuis l'invention du gramophone les intégrales ou
gravures isolées. Je ne pense pas que mes chers lecteurs aient besoin de mes
écrits pour apprendre que les noms que vous citez sont ceux des chefs qui ont atteint une forme de quintessence dans ce répertoire.
D'où mon choix de cet enregistrement récent, récompensé par un diapason
d'or, et qui me permet de parler d'un orchestre fabuleux mais mal connu :
l'Orchestre du Festival de Budapest
et de son chef et fondateur :
Ivan Fischer.
On ne présente plus
Beethoven. Le personnage est au programme des cours d'histoire tant son nom est
synonyme de musique classique dans le sens historique du terme. Plusieurs
chroniques nous ont permis d'aller à sa rencontre et d'apprendre que
contrairement à des idées vieillottes, le maître était adulé de son vivant
(Clic). Quelques dates : 1770 : la
naissance à Bonn, 1827 : la
mort à Vienne, la surdité dès
1803 et l'angoisse face à ce
handicap. Et surtout 1805 : la
création de la
3ème symphonie
: œuvre immense, révolutionnaire, sauvage et tragique, première pierre du
romantisme. Au dernier moment,
Beethoven, qui l'avait dédiée à
Bonaparte, biffe rageusement la
dédicace pour… "Héroïque".
(Clic)
Ludwig van est un démocrate, il ne veut plus honorer un empereur
autoproclamé qui a retourné sa veste contre la république naissante en
France.
Beethoven
écrit ses symphonies par paire : une où se déchaîne les tourments de sa
psyché, l'autre où s'épanche son amour de la vie, alternance entre la
dépression et l'épicurisme. La
5ème
et la
6ème
symphonies forment un couple. La
5ème
défie de destin par une immortelle suite d'accords pathétiques initiaux (Pa pa
pa paaaam). La
6ème
nous entrainent à la campagne, près des feuillages, des ruisseaux et des
ruraux…
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Ivan Fischer
ne m'a apporté que du bonheur lors des concerts auxquels j'ai pu assister
ces dernières années salle Pleyel, avec SON
orchestre du Festival de Budapest
qu'il a créé en 1983 et dont
il est toujours le directeur. Deux temps forts : une
4ème symphonie
de
Mahler
(dont je parlerai cette année) et une
7ème de
Bruckner
inspirée et sans pathos…
Né comme moi en 1951 (toute
analogie avec ce grand musicien s'arrête là),
Ivan Fischer
s'est imposé l'apprentissage de plusieurs instruments avant de prendre la
baguette : le piano, le violon et le violoncelle.
Pardon Sonia ? Heuuu oui c'est tout
! Pour la direction, il suit les cours de l'un des meilleurs pédagogues de
son temps :
Hans Swarowsky
à Vienne. Puis il devient assistant de
Nikolaus Harnoncourt. Il héritera de ce dernier le goût de la clarté et de la précision, mais
sans la tendance à l'ascèse et à une légère froideur émotionnelle.
C'est donc en 1983 qu'il fonde le maintenant célèbre
Orchestre du Festival de Budapest
composé de jeunes et talentueux instrumentistes hongrois. L'ensemble
trouve à la fois le soutien des institutions officielles et de grands
maîtres comme
Georg Solti qui sera chef honoraire jusqu'à son décès en 1997.
L'orchestre remporte un franc succès lors de tournée mondiale et de
nombreux solistes et chanteurs de renoms n'hésitent pas à se faire
accompagner par son chef charismatique.
Ivan Fischer
inspire la bonhomie, possède un style subtil et fouillé et affiche un
grand respect pour ses musiciens. La couleur globale de l'orchestre est
chaleureuse et soyeuse. Dans un premier temps l'orchestre avait fait le
mauvais choix imprévisible d'enregistrer chez Philips qui a par la
suite euthanasié son catalogue. On trouvait des gravures excellentes du
répertoire hongrois :
Bartók,
Kodaly… également un enregistrement d'une verve sans égale des danses
hongroises de
Brahms. On peut trouver encore des exemplaires neufs ou d'occasion chez les
disquaires indépendants ou sur le web.
Depuis cette époque, le chef a rejoint le label
Channel Classic
et a constitué un catalogue très riche dont une intégrale des symphonies de
Mahler
en cours, et puis
Stravinsky,
Beethoven,
Dvorak,
Brahms…
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Souvenir de Mortefontaine (Corot) XXX |
Dans le corpus symphonique de
Beethoven, la symphonie "pastorale" porte bien son nom et présente deux singularités. Tout d'abord, son
plan ne respecte pas à la lettre celui d'une symphonie classique en quatre
mouvements, plan rencontré chez
Haydn,
Mozart
et
Beethoven
lui-même. Non, il y a cinq mouvements. Ensuite, chaque mouvement, en plus
d'une indication de tempo habituelle, a reçu un sous-titre définissant les
intentions descriptives et émotionnelles voulues par le compositeur face
au spectacle de la nature : "Scène au bord du ruisseau", "Orage et tempête", etc. Ça ne vous rappelle rien ? Si bien sûr,
les quatre saisons
de
Vivaldi
où pour chacun des douze passages constituant les quatre concertos, le
compositeur proposait un programme détaillé.
(Clic).
Beethoven
poursuit sa construction de l'univers romantique : la
3ème symphonie
et l'héroïsme, la
5ème
et ses interrogations tragiques et philosophiques, et enfin cette
6ème qui se veut une communion musicale avec la nature et les paysans.
Berlioz
parlera de paysage musical en comparaison avec l'art pictural qui commence
lui aussi à évoluer vers le naturalisme. On note que la "Scène au champs" de la
Symphonie Fantastique
s'inspire en droite ligne du climat de la "Scène au bord du ruisseau".
Berlioz
apportant un dramatisme là où
Beethoven
optait pour une poésie bucolique.
Composée en 1803-1805,
l'ouvrage est créé en 1808 à
Vienne lors d'un concert fleuve de quatre heures comportant également la
5ème symphonie, le
4ème concerto pour piano, la
fantaisie Chorale, de larges extraits de la
messe en Ut… Hélas, un véritable fiasco pour des musiciens encore mal formés à
l'exécution d'œuvres aussi ambitieuses et un public trop familier des
simples divertissements. On se les gèle dans la salle en ce 22 décembre,
et il n'y a eu qu'une seule répétition assurée par un
Beethoven
furieux de tant de négligences. Un rendez-vous historique manqué, pour le
moins…
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Avant l’orage (Georges Paul Laugée) |
L'orchestration est colorée et adaptée à la légèreté du propos (2 +
picolo/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, timbales et
cordes).
1 - Allegro
(Éveil d'impression agréable en arrivant à la campagne) : Les cordes entonnent un chant paysan populaire en bohème à l'époque.
Le hautbois puis les autres bois énoncent un autre thème plus énergique
qui, souligné par le groupe des cordes, sera répété plusieurs fois avec moult variations de son orchestration. Cette écriture suggère un
Beethoven bonhomme marchant sur un chemin sous les ramures. Une écoute
inattentive ferait penser à de la musique répétitive contemporaine, mais
la richesse des variations et la débauche de couleurs sont totalement
charmeuses.
Ivan Fischer
adopte un tempo moyen, fait briller chaque instrument de son bel
orchestre. Il est fréquent que les symphonies de
Beethoven
souffrent d'une épaisseur des timbres due à une prépondérance du jeu des
cordes bien plus nombreuses qu'à l'époque classique. Dans cette
interprétation, pas de tutti pathétique hors de propos. On se laisse
baigner dans une allègre poésie, dans les dialogues pittoresque des bois,
notamment dans la coda avec ce passage si difficile des clarinettes.
Lumière et brise orchestrales distinguent cette grande interprétation
moderne… à ce stade de l'écoute.
2 – Andante molto mosso
(Scène au bord du ruisseau) : Une douce ondulation aux cordes nous entraînent près d'un petit cours
d'eau. Clarinette et bassons apportent une lumière diffuse dans un pré où
le promeneur s'est allongé, peut-être pour une petite sieste rêveuse…
Ivan Fischer
prend son temps fait chanter avec sensualité les cordes dans le
développement. (J'ai connu une amie qui discernait une forme d'érotisme
latent dans cette musique !) Frémissement des cordes et mélodies lyriques
des bois se lovent lascivement... en effet. Ivan Fischer
articule avec génie cette page tout en contraste. Son phrasé se modernise
(élève d'Harnoncourt), tourne le dos au romantisme parfois épais des décennies précédentes.
Le chef développe chaque détail, détache chaque note des bois aux rôles si
essentiels dans cette scène vespérale.
Beethoven
joue à l'oiseleur avec la flûte et d'autres bois dans la conclusion.
Magique.
La Ronde paysanne (Rubens) DDDD |
3 – Allegro
(Danse joyeuse des paysans) : Après une introduction staccato des cordes
Beethoven
nous entraînement dans une danse populaire énergique dans laquelle domine
un extraordinaire et joyeux papotage des flûtes, hautbois et bassons, le tout coloré d'une mélodie chantante
des cors (Merveilleux orchestre de Budapest). Cette partie chorégraphique
est répétée deux fois et se conclut sur des tressaillements angoissants
des contrebasses qui marquent l'approche de l'orage… les trois derniers
mouvements sont enchaînés sans transition.
4 – Allegro (Orage et tempête)
:
Beethoven
déchaîne les éléments, zèbre l'orchestre de coups de
foudres et de tonnerre aux cuivres et aux timbales. Mais là où son génie
s'exprime, c'est dans le naturel de cet orage estival. Point de
déchirement wagnérien, quelques éclairs et rafales de vents, un petit
orage pour animer une symphonie. L'homme se voit confronter aux éléments
dans ce passage aux dissonances inquiétantes, aux sifflements stridents du
piccolo… Le réalisme du discours nous projette dans les futurs poèmes
symphoniques du milieu du XIXème siècle. Le calme
revient…
5 – Allegretto
(Chant des bergers. Sentiments joyeux et de reconnaissance après
l’orage) : Quelque gazouillis d'oiseaux, de très lointains grondements marquent
la fin de l'orage et le passage à un ultime mouvement moins descriptif,
plus spirituel, un chant de reconnaissance des bergers et paysans.
Ivan Fischer
met bien en avant le court solo de violon qui énonce le thème central de
ce mouvement d'une durée comparable à l'allegro initial et à l'andante.
Une fois de plus,
Ivan Fischer
joue la bonne carte interprétative : pas de précipitation, plutôt une
prière qu'un hymne survolté. Cette apparente lenteur rappelle qu'il s'agit
bien d'un allegretto (pas un allegro) et permet d'apprécier ainsi les
innombrables variations apportées par le compositeur. L'œuvre, dans cette
interprétation se termine dans une
douceur onirique, une
infinie délicatesse champêtre.
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Une discographie alternative n'aurait pas de sens pour ce monument
enregistré des centaines de fois. Je passe sur les maestros allemands de
la grande époque :
Furtwängler,
Boehm,
Karajan
(4 fois en studio pour ce dernier – préférer la dernière mouture en
numérique à Berlin). J'ai sélectionné trois enregistrements moins connus
et exceptionnels.
Tout d'abord
Toscanini
avec l'orchestre de la NBC. C'est énergique et italianisant. En un mot électrisant. Datant de 1939,
le son est acceptable, le discours fluide. Un
Beethoven
échevelé mais sans les défauts des orchestres massifs de l'époque (Naxos
5/6). Le chant de reconnaissance est pris à un train d'enfer.(Beethoven
avait envisager d'ajouter un chœur conclusif, il a bien fait d'abandonner
l'idée...)
Carlos Kleiber
détestait le studio. Ses rares gravures pour Dgg des
5ème
et
7ème symphonies avaient fait la une dans le blog. Orfeo a publié il y a quelques
années un concert en live à Munich. On retrouve l'incroyable sens de la
clarté et de la mise en place malgré un son un peu terne (Orfeo
- 6/6).
Une rareté et une surprise : le sévère et grincheux
Evgeny Mravinsky
a enregistré en numérique vers 80 ans une "pastorale" en état de grâce ! Avec son
Orchestre de Leningrad
(Saint-Pétersbourg désormais) aux couleurs subtiles obtenues après 50 ans
de travail. La poésie est au rendez-vous de chaque mesure. Le solo de
clarinette de l'allegro est le plus agile et poétique de cette sélection
(Erato – 6/6). Disponible
dans une anthologie de 12 CDs chez Erato ou en album simple aux
USA.
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Interview d'Ivan Fischer ou comment l'alchimie beethovénienne assura la transition de la musique
pour l'élite à celle pour tous les publics en… bousculant voire choquant
l'esthétique établie. Un anglais assez clair, la fougue et la passion de
Fischer… passionnant…
Pour ceux qui ne sont pas abonnés à Deezer, une très belle interprétation en live par l'Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Christian Thielemann. Une interprétation classique et viennoise, mais qui sait comme Fischer prendre son temps. Les cors sont magiques comme toujours avec cet orchestre mythique (3ème mouvement notamment). Christian Thielemann aura sa chronique dès que possible dans le blog (Strauss, Wagner ?). Le DVD est disponible avec les symphonies 4 et 5…
Pour ceux qui ne sont pas abonnés à Deezer, une très belle interprétation en live par l'Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Christian Thielemann. Une interprétation classique et viennoise, mais qui sait comme Fischer prendre son temps. Les cors sont magiques comme toujours avec cet orchestre mythique (3ème mouvement notamment). Christian Thielemann aura sa chronique dès que possible dans le blog (Strauss, Wagner ?). Le DVD est disponible avec les symphonies 4 et 5…
La troisième et la septième oui ! la cinquième et la sixième m'oui !! ,la neuvième bof ! Mais la huitième... pas la plus connus avec la une et la deux, mais une de celle que je préfère, et comme je te disais, la sixième me fait toujours penser a "Fantasia" !!! ^^
RépondreSupprimerErudition une fois de plus impressionnante. C'est sûrement stupide, et je l'ai déjà dit, mais j'ai toujours le sentiment que cette musique n'est pas pour moi (comme le théâtre, la danse ou l'opéra). Je le regrette de plus en plus souvent.
RépondreSupprimerMerci Shuffle.
RépondreSupprimerNous avons tous des sensibilités très différentes, donc aucune raison de se culpabiliser de ne pas pénétrer facilement dans des formes de musique où des modes qui conduisent à des durées d'exécution très étirée (des heures parfois…)
Tu sais, j'ai acheté sur les conseils de mes petits camarades un certain nombre de disques de Rock ou de blues. Bon, au départ je suis emballé, les musiciens sont excellents, les idées musicales aussi… et puis mystère, j'oublie un peu…ou plutôt j'écoute pendant les vacances... Alors que cette 6ème a été mon premier LP en 1965, et je ne m'en suis jamais lassé. Comprend qui pourra… Mes parents n'écoutaient pas de classique... après oui... donc c'est contagieux :o)
Écoute et regarde des morceaux courts via Youtube, des lives, avec la vue des instruments, ça aide parfois à mémoriser…
Bye
Crénom ! Mais c'est bien sûr !! J'connais bien !! J'écoutais ça le week-end, en famille, quand j'étais gamin.
RépondreSupprimerEnsuite... j'ai vite mal tourné.
Il serait pas un peu Rocker sur les bords, le Beethov'. Et d'ailleurs, c'est bien le seul à avoir son nom qui apparaît sur des pièces Rock.
Et un prénom devenu une marque de batterie !!
SupprimerEt un titre de Chuck Berry le roi du rock "Roll Over Beethoven"
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