mardi 9 décembre 2014

MIRACULOUS MULE "Blues Uzi" (2014)


     Voici le second album de ce trio londonien qui fait suite au  remarqué "Deep Fried" paru l'an passé, c'est un EP 8 titres.
Ces 3 bluesmen des  berges de la Tamise sont Ian Burns à la batterie, Michael J Sheehy à la guitare et chant et Patrick McCarthy à la basse; ils sont épaulés par Alex Louis Perry aux percussions, et, sur deux morceaux d'un organiste.
 L'Angleterre et le blues c'est une longue histoire qui prends sa source après guerre et va culminer avec l'explosion du British Blues Boom et ses fers de lance que furent Alexis Korner, Chicken Shack, Fleetwood Mac, les Bluesbreakers de John Mayall, les Stones, Savoy Brown, The Animals, sans oublier  la branche heavy blues (Free, Led Zep, Bad Company,...).
Un demi siècle plus tard (houla, ça ne nous rajeunit pas!) la nouvelle génération est bien là, avec un blues qui se nourrit aussi  bien du pur blues du Delta originel (du Mississippi), que de son  rejeton  né dans le Swinging London des  sixties, mais aussi de sonorités plus modernes, garage rock, voire hip hop (pas trop heureusement).

     "Blues Uzi" nous met dans le bain de ce blues primitif à la R.L. Burnside, mais haché menu et reconstruit, un peu à la manière des furieux suisses de Hell's Kitchen, pas loin  non plus du Jon Spencer Blues Explosion.
"Highway sound" est plus ballade atmosphérique qui ferait penser à Free, ou au Rainbow de Blackmore et Dio, appuyé par  une guitare distordue.
"I don't do nobody nothing" a aussi des sonorités seventies sur un gros Mississippi blues moderne à la Boo Boo Davis
Les deux titres suivants, "City of refuge" basé sur un morceau de Blind Willie Johnson, et "Judgement" qui emprunte à Reverend Sister Mary Nelson,  sont excellents et montrent tout le talent d'arrangeur du trio british. Beat tribal , chant gospel, pointe country sur "Judgement"; ça sent le souffre à plein nez.  "Motherless child" est basé sur un mid tempo garage rock alors que
"Wayfairing stranger" sonne comme un  psyché blues américain des 70's ; beau titre.
On termine avec "I know I've been changed" et son  beau chant blues traditionnel.

     Un groupe vraiment intéressant par son traitement original de ce bon vieux blues, refusant le copier coller et le mettant à leur sauce, les sauces anglaises faut s'en méfier habituellement mais celle ci est plutôt savoureuse..

Rockin-JL

     Il se trouve que Bruno écrivait aussi de son coté pour le mag BCR à paraître incessamment une chronique sur ce disque, voici donc son avis:

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     Comme quoi, la première impression n'est pas forcément la bonne. L'écoute de la première pièce, le titre d'ouverture baptisant ce copieux Ep de trente minutes,  "Blues Uzi", peut déstabiliser, voire repousser définitivement avec son psychédélisme bastringue foutraque, sa guitare désaccordée, un chant Rap et un son évoquant l'enregistrement dans une caverne. Ce qui serait une malheureuse gageure car dès la piste suivante, soit avec " Highway Sound" , cet étonnant Miraculous Mule affiche une autre facette qui séduit immédiatement. Une wah-wah lointaine égrenant un arpège mélancolique, une basse ronde et vibrante, et une voix qui n'est pas loin de celle d'un prêcheur habité par sa foi. Désormais, cela ne débande plus.


" I don't do nobody nothin'"  retentit comme une illumination, toujours avec cette wah-wah en fond dont le spectre semble rebondir sur les parois d'une pièce vide, et cette basse grave et puissante qui résonne à en faire péter les membranes des baffles. Il y a là un fort parfum de British-blues 70 mais sans les débordements d'égo. Si la gratte est alors nettement plus Rock, des chœurs féminins tempèrent en ajoutant une touche Soul.
 "City of Refuge" , à l'origine de Blind Willie Johnson, est mué ici en fuite effrénée ( "you better run!" clame Sheely sur un ton mi-arrogant mi-compatissant) ; une course épuisante, sans fin, contre l'indicible.
 "Judgement"  (inspiré d'un Blues de Reverend Sister Mary Nelson) sort le banjo pour se baquer dans un Country-blues sulfureux, une bacchanale vaudou de pleine lune qui incite la transe et la communion avec les esprits.
"Motherless Child"  est un Gospel-garage chanté dans une église abandonnée, dépravée, où seuls les rites oubliées sont pratiqués.
Tandis qu'avec le magnifique  "Wayfaring Stranger" , le trio londonien saisit l'auditeur par une voix forte, profonde et maîtrisée, propre à un crooner éduqué par la Soul et le Blues  pré-80's . L'instrumentation est d'ailleurs alors un peu en retrait , se fait plus feutrée (avec une batterie jouée aux balais) pour laisser cette voix envoûtante saisir l'espace et se l'accaparer.
Final presque rustique, à l'orchestration simpliste, conventionnelle, qui nous téléporte dans le Deep-South, le bayou, toujours porté par la voix habitée de Michael J. Sheely qui déclame un Blues comme s'il officiait à une cérémonie religieuse où l'on doit convertir et exalter son auditoire.

     Miraculous Mule, sous un abord faussement rustique, un tantinet garage avec sa guitare qui s'épanouit avec des effets typiquement 60's-70's tels que la wah-wah, le tremolo, le phasing et une réverbe de cathédrale, ainsi que sa basse boueuse et vrombissante, tient les promesses de leur premier disque ("Deep Fried" ) ; mieux, il a peaufiné et mûri son art, il progresse. On en redemande.

     Entre Bo Weavil, Mojo Makers, North Mississippi All Stars, Virgil & The Accelerator, Legendary Tigerman, G.Love Special Sauce, Black Keys et Delta Saints.
Ce trio londonien a de la matière, du caractère, et les aptitudes pour aller loin. 

Bruno

Album dispo en Janvier chez Caroline/ Universal

le site de la Mule: miraculousmule.com


on écoute un extrait non pas de cet album mais du premier, le bien nommé "Dangerous blues": 

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