"C'est avec une infinie tristesse et une admiration éternelle que nous vous annonçons la mort d'Ian McLagan.... Il est décédé mercredi entouré de sa famille, de ses amis dans sa ville d'adoption, Austin. Son sens artistique, sa générosité, et sa chaleur humaine ont touché de nombreux musiciens et fans à travers le monde....."
C'est par ces mots inattendus que l'on apprit la triste nouvelle mercredi dernier.
C'est un grand nom de la musique populaire, grand ami de Ron Wood et de Kenny Jones, qui s'est éteint à 69 ans, ce mercredi 3 décembre 2014, à l'hôpital d'Austin, au Texas, victime d'une attaque cérébrale. Un Grand Nom qui est resté dans l'ombre car l'homme était modeste, plutôt réservé et ne faisait rien pour faire la une des tabloïds.
Pourtant, cet Anglais, né le 12 mai 1945 à Hounslow dans le Middlesex, n'a pas été intronisé au Rock'n'Roll Hall of Fame sans raisons.
Cet homme qui avait d'abord appris le piano par décision de sa mère, aurait pu rester un simple anglais de la middle class s'il n'avait écouté l'orgue de Booker T. Jones (de Booker T & the MG's, avec Steve Cropper, Donald Dunn et Al Jackson Jr). Ce serait donc à son écoute qu'il serait tombé amoureux de l'instrument, l'incitant ainsi à se lancer dans une carrière de musicien, et qu'il optera pour arme favorite l'orgue Hammond et le Wurtlizer (sans toutefois oublier le piano).
Tout commence vraiment dans le courant de l'année 1965, lorsqu'il rejoint les Small Faces, en remplacement de Jimmy Winston (1), alors que le groupe n'avait enregistré que trois 45 tours.
Auparavant, il faisait parti des Muleskinners , où officiait Boz Burrell qui rejoindra plus tard King Crimson puis Bad Company.
Les Small Faces, c'était Steve Marriott (futur Humble-Pie), Ronnie Lane (futur Faces) et Kenny Jones (futur Who). Un groupe où le plus jeune membre n'a alors que 17 ans (il s'agit de Kenney Jones), Ian, lui, est le plus âgé en affichant déjà vingt ans (tout frais) au compteur. Les Small Faces font rapidement parti de l'élite du Swinging London, non seulement en tant que digne représentant des Mods, mais également tout simplement en tant que créateur d'une musique fraîche à la fois la musique populaire (2), le Rythmn'n'Blues, la Soul et le Rock, voire même parfois psychédélique, assez novatrice, avec quelques titres allant jusqu'à préfigurer Led Zeppelin (encore plus flagrant en concert (3). Certaines pièces deviendront des classiques encore repris de nos jours ("All or nothing").
Un collectif qui rivalise avec les Who et les Kinks. Les Small Faces, avec ses quatre musiciens de talent, avait l'étoffe pour réussir autant que leurs collègues d'alors. Il est d'ailleurs généralement admit que c'est un mauvais choix de management, qui a empêché les Small Faces exploser hors des frontières du Royaume-Uni.
Ian Mc Lagan compose peu, toutefois les titres portant sa signature sont tous d'une qualité indéniable.
De G à D : Ian, Ron Wod et Rod Stewart |
Lorsque, suite à un désaccord, Steve Marriott quitte les Small Faces pour fonder Humble Pie, les rescapés recrutent deux musiciens pour le remplacer. Il s'agit de Ronnie Wood (futur Rolling Stones) et de Rod "The Mod" Stewart (futur Rod Stewart), qui viennent de quitter le Jeff Beck Group.
Le groupe, devenu quintet, se rebaptise The Faces. Là encore, le succès est au rendez-vous. Du moins, dès le second opus, "Long Player" qui débute par un torride "Bad'n'Ruin" écrit par Ian et Rod. Là encore, Ian compose peu, jusqu'à "Oh La La", le dernier opus, où il appose sa signature sur quatre pièces, et non des moindres.
Après la séparation des Faces, en 1975, Ian Mc Lagan devient un peu l'homme de l'ombre. Session-man reconnu par la profession, il joue pour Chuck Berry, Joe Cocker, Bonnie Raitt, Franck Black, Bruce Springsteen, Ronnie Wood (bien sûr, en solo, ainsi qu'avec le projet The New Barbarians), Melissa Etheridge, Bob Dylan, Carla Olson & Mick Taylor, Thin Lizzy, Paul Weller, Alejandro Escovedo, Lucinda Williams, John Mayer, jusqu'à l'ex-Guns'n'Roses Izzy Stradlin et les Black Crowes. Mais surtout, il est connu pour être un des pianistes attitrés des tournées des Rolling Stones (avec Nicky Hopkins, Billy Preston, et Chuck Leavell), et avoir apporté son concours pour le disque "Some Girls".
Autrement dit, Ian Mc Lagan, du début chez les Muleskinners jusqu'aux Stones, en passant par ses nombreuses sessions studio pour des vedettes de la musique, dont des icônes, n'a jamais cessé de côtoyer d'illustres musiciens. Mais lui, restera toujours méconnu du "grand public". Chose étonnante pour une personne qui en à peine moins qu'une quinzaine d'années a fait parti de trois grands groupes : les Small Faces, les Faces et les Rolling Stones. Certes, pour ces derniers, c'était seulement en qualité de mercenaire de luxe. Mais tout de même, Kenny Jones, Steve Marriott, Ronnie Lane, Ron Wood, Rod Stewart, Mick Jagger, Keith Richards, plus tous les autres mentionnés plus haut qu'il a parfois accompagné un temps, avec tous ces grands noms de la musique qu'il a côtoyés, il est tout de même navrant que la notoriété de Ian Mc Lagan ne soit guère plus large. Lui qui a pourtant laissé une empreinte indélébile, avec son style honky-tonk boogie qui marqua à jamais des musiciens tels que Keith Weir (Quireboys), Dizzie Reed (Guns'n'Roses), Simon Tong (The Verve), et Eddie Harsch (Black Crowes).
Ian, dans une des pièces du Déblocnot |
A partir de 1979, parallèlement à sa carrière de session-man de luxe, il enregistre quelques albums solo où il démontre tout son talent de compositeur qui n'avait pas été, jusqu'alors, exploité à sa juste mesure. Après une hibernation dans les années 90, il renoue l'expérience en "solitaire" en 2000, cette fois-ci avec un groupe fixe, The Bump Band (en fait, enregistré en 1998), suivit de cinq autres, dont le dernier est paru cette année, en 2014.
Le groupe semble bien parti, mais le décès tragique de son épouse (née Kim Kerrigan, ex-épouse de Keith Moon) dans un accident de la circulation le 2 août 2006, au Texas, mit sa carrière entre parenthèses pour un temps.
Depuis quelques temps circulait la rumeur d'une probable reformation des Faces pour 2015.
"Je suis complètement dévasté et choqué par cette nouvelle. L’esprit généreux, chaleureux et artistique de Ian a touché beaucoup de musiciens et de fans de musique dans le monde entier. Sa perte va toucher un grand nombre de personnes" a déclaré Kenney Jones, unique survivant des Small Faces.
"Je suis absolument dévasté. Ian incarnait l'esprit des Faces. Je me trouvais à une organisation de bienfaisance lorsque je l’ai appris, Mick Hucknall chantait ‘’I’d Rather Go Blind’’ et Ron m’a envoyé un SMS me disant que Ian nous avait quittés. C’était comme si son esprit hantait la pièce. Tu vas vraiment me manquer mec.’’ Rod Stewart.
"C'était un ami très cher pour tant de personnes et un véritable esprit du rock and roll", a déclaré son manager Ken Kushnick.
'You're so Rude (Lane / Mc Lagan)
"Bad'n'Ruin" (Mc Lagan / Stewart) - avec Ron Wood qui se pavane, hilare, avec une guitare de chiotte (goût douteux)
Une des toutes premières interprétation live (pour la BBC) de "Stay With Me" sur une scène, en 1971. Le titre est de Wood et de Stewart, toutefois, comme le disait Ron lui-même, le titre ne serait plus le même sans l'apport de Ian.
(1) J. Winston que l'on retrouvera dans la comédie musicale "Hair".
(2) Par exemple, l'air de la chanson "My Mind's Eyes" est calqué sur "Gloria in excelsis Dio" (ou "Crème Nivéa"). A l'origine une simple démo, que leur manager, Don Arber (surnommé "The English Godfather"...) avait sorti telle quelle avant les fêtes de Noël, sans prévenir le groupe. Ce fut un hit qui se retrouva dans la copieuse compilation Nuggets.
(3) Jimmy Page avait souhaité débaucher Steve Marriott pour former son nouveau groupe. Ce qui fâcha le manager des Small Faces qui le menaça de lui briser un (ou deux ?) bras s'il seulement il essayait. Jimmy ne préféra pas insister.
Ah ça fait plais' de lire un vrai long et bel article sur le Mac! L'entrefilet de l'autre jour ne laissait croire qu'il n'avait joué qu'avec les Stones, mais les Faces et Small Faces c'était de la balle avec un groove du tonnerre! Peut être "méconnu du grand public" mais il me semble qu'il est plus important de l'être de son vivant par ses pairs, avec qui il a pu vivre la passion qui l'animait.
RépondreSupprimerBien la piqure de rappel avec Izzy Stradlin, il faut absolument écouter celui dans lequel il joue, Izzy Stradlin and The Ju Ju Hounds, Izzy qui s'en cogne de la renommée mais est un authentique musicien.
Bravo Bruno!!
Merci Juan.
SupprimerEffectivement, Ian Mc Lagan était non seulement reconnu par ses pairs, mais également apprécié. Apprécié pour ses qualités humaines (pas le genre de gars à se faire remarquer par ses frasques) ; il était plutôt à l'opposé de l'apprenti Rock-Star pédante, et finalement... chiante.
Toutefois, lors de sa période Faces, avec les loustics qui l'entouraient, en particulier Wood et Stewart, les soirées ont dû être un peu... mouvementées, spéciales (l'alcool aidant).
Il est tout de même navrant que sa période Small Faces et Faces sont parfois occultée au profit de celle des Stones. D'autant plus, qu'hormis le fait qu'il était embarqué pour leurs tournées, il n'a fait qu'un seul disque avec eux.
Aujourd'hui on en parle plus, mais les Small Faces ont eu une grosse influence sur la scène Rock Anglaise ; quant aux Faces, même si leur 1er opus était passé pratiquement inaperçu, leur popularité était grandissante, leurs concerts affichant complet même aux USA. Si Rod "The Mod" n'avait pas eu un égo sur-dimensionné, il est possible que le quintet pu rivaliser avec les Stones (du moins dans les 70's).
" Izzy Stradlin & The Ju Ju Hounds" me paraît être un des meilleurs opus (le meilleur ?) de l'ex-gunner.
Un genre de chronique qu'on va malheureusement avoir à faire/lire de plus en plus souvent. le 1er morceau All I wanna do fait parfois penser à ARS.
RépondreSupprimerC'est amusant, mais justement, j'ai été tenté de mentionner un (ou deux) pianiste de Southern-Rock, car je trouvais qu'il y avait des similitudes entre certains d'entre eux et Mc Lagan (période post-Small Faces).
SupprimerEt, coïncidence, j'ai pensé en l'occurrence à celui de A.R.S. dont j'ai écouté très récemment quelques chansons du 1er opus.
Exact. C'est surtout dans l'accompagnement que ça se sent.
RépondreSupprimer