Nous sommes heureux d’accueillir aujourd'hui un écrivain, Laurent Peyronnet qui publie le second tome d'une saga nordique riche en vikings, trolls, références mythologiques, et qui en apprend beaucoup sur la vie dans le grand Nord où l'auteur a été guide. Si l'ouvrage est destiné aux 9-13 ans il est aussi -j'en atteste- très agréable pour tous les âges, et richement illustré.
Voila vraiment de quoi se cultiver intelligemment (pléonasme!) et une superbe idée de cadeau (clic) .Laurent n'a pas eu une trajectoire banale, il a plein de choses à raconter et c'est un plaisir de l'écouter, alors donnons lui la parole sans plus attendre:
Voila vraiment de quoi se cultiver intelligemment (pléonasme!) et une superbe idée de cadeau (clic) .Laurent n'a pas eu une trajectoire banale, il a plein de choses à raconter et c'est un plaisir de l'écouter, alors donnons lui la parole sans plus attendre:
1-
Bonjour Laurent; avant de parler de tes livres évoquons un peu de
ton parcours. Les livres, l’écriture et toi c'est une longue
histoire je crois?
Oui,
les livres sont des amis de trente ans comme on dit. J’ai 48 ans et
j’ai commencé à lire à 18, ça fait le compte. Mais finalement
c’est assez tardif par rapport à pas mal de gens. J’ai très
peu de souvenirs de mon enfance et les livres n’y sont pas. Je suis
parti de chez mes parents à l’âge de 16 ans et je me suis pas mal
égaré dans des endroits où l’idée même d’un livre n’existe
pas. J’ai pris beaucoup de risques, fait tout et n’importe quoi.
Les livres sont arrivés brutalement, sans aucune préparation ni
discours (je n’allais plus à l’école depuis longtemps). J’en
ai ouvert un et ça à complètement changé ma vie. Ils m’ont
sauvé la vie.
2-
Quels sont les premiers romans que tu as lus? Les œuvres qui t'ont
marqué ?
Le
tout premier fut « La chartreuse de parme ». Après ce
roman, j’ai laissé tomber tout le reste pour ne plus m’intéresser
qu’aux livres. C’était comme si d’un coup on avait allumé la
lumière. Après Stendhal, j’ai lu « Les frères Karamasov »
puis « Les démons » et tout Dostoïevski. J’étais
devenu boulimique de lecture, j’avais du temps à rattraper.
Surtout,
avec les livres, j’avais trouvé une famille, une famille de papier
mais immensément généreuse. Par le biais de mes lectures, je
retrouvais un vieil ami d’enfance (enfin vieil ami, relativisons,
nous avions à l’époque 18 ans mais à cet âge là, une année
c’est une vie). Il vivait dans une petite chambre de bonne vers
Barbès, la mienne était à la porte de Vanves. Ensemble nous lûmes
alors Thomas Mann, Robert Musil, Stephen Zweig, Balzac, Proust,
Powis, les grands romans chinois comme « Au bord de l’eau »
et « Le rêve dans le pavillon rouge », E.T.A. Hoffmann,
Aloysius Bertrand, Hugo, Thomas Hardy… Avec cet ami et trois
autres, nous ne nous sommes plus quittés durant 7 ans. Nous vivions
avec un seul but: travailler à devenir des écrivains et les
meilleurs artistes possibles. Nous explorions l’écriture, la
peinture et la musique. De 18 à 25 ans ce fut ma vie. Ce groupe que
nous avions nommé « Le cénacle » n’était pas exempt
de complexités relationnelles. La règle était que nous devions
tout sacrifier à l’art : pas d’argent, pas de famille, une
intransigeance morale extrême et au fil du temps, beaucoup de
tensions d’égos sont apparues. Finalement, cette fraternité
éclata et chacun parti de son côté affronter le vaste monde.
J’avais 25 ans. Je m’étais construit des fondations et je m’en
allais vers d’autres rivages.
merci à Laurent pour ses photos du grand Nord |
Ça
ne s’est pas fait tout de suite. J’ai tâtonné quelques années
puis on m’a proposé de partir animer des ateliers d’écriture
en Russie, sur la Neva et la Volga. J’ai sauté sur l’occasion.
Une autre page de ma vie s’est alors ouverte.
J’ai
animé ces ateliers en Russie durant deux ans mais c’était en
1996-97 et l’ambiance là bas était très glauque. Beaucoup de
mafia, de cynisme, de violence sociale. Au détour d’un voyage, un
ami me proposa d’être guide durant une saison en Norvège. Je pris
trois mois pour me préparer et c’était parti… pour 12 ans. A
partir de 1998 et jusqu’en 2010, je passais en Scandinavie entre 3
et 6 mois par ans, dans toute la péninsule, jusqu’à l’archipel
des Spitzberg, mais surtout en Laponie qui est un territoire
fascinant. La moitié de l’année que je passais en France, je
l’occupais à écrire, je ne voulais pas perdre ce lien avec
moi-même. J’écrivais des nouvelles et aussi des chansons car
j’avais la chance d’être accueilli dans les ateliers du chanteur
Allain Leprest à Ivry.
4-
Tu as découvert de nombreuses cultures. Quel est selon toi la
principale différence entre les sociétés scandinaves et
françaises?
Il
y a là bas une mentalité différente. Les nordiques sont des gens
qui aiment les règles, les français non. Ça a des avantages et des
inconvénients. Les scandinaves sont moins individualistes que les
français. Ils ont par conséquent beaucoup plus le sens de la
responsabilité collective. Ils sont plus solidaires. Les pays
scandinaves sont riches mais ils répartissent cette richesse de
façon plus équitable qu’en France. Le système éducatif qui est
la base de tout est très performant parce que très humain et
dispose de moyens considérables. Dans la vie quotidienne, les gens
sont moins brutaux les uns envers les autres. Il n’y a pas, par
exemple, ce système français de la « cooptation ». Si
vous faites, si vous produisez quelque chose, dans quelque domaine
que ce soit, on essayera de vous aider à le socialiser, à ce que
votre travail trouve une place dans la société. En France, vous
devez d’abord entrer dans un réseau relationnel et ensuite,
seulement, en fonction de votre place dans le réseau vous existerez
plus ou moins. Chez les scandinaves, ce système d’exclusion
fonctionne moins fortement et du coup, les gens vivent mieux. Ils
sont moins agressifs les uns envers les autres, il y a plus de
bienveillance. Dans l’extrême nord c’est encore différent, on
est dans une sorte de « Far West ». Loin de tout, les
règles sont « adaptées » selon les circonstances mais
le fond reste le même : ce sont des gens qui prennent plus soin
les uns des autres que nous ne le faisons.
5-
Venons en aux aventures de Magnus, ton héros qui voyage dans le
temps jusqu'à l'époque des vikings. Comment t'es venue l'idée de
ce livre?
Quand
j’étais sur la route dans le Grand Nord je notais des idées qui
peu à peu sont devenues des textes. En 2000, je publiais à compte
d’auteur un petit recueil de nouvelles intitulé « Un
français en Norvège ». L’une d’entre d’elles avait pour
titre « Une histoire pour tuer le temps ». C’était
une nouvelle à chute et je l’avais écrite principalement pour
cette chute mais il se trouve que dans son contenu elle abordait des
thèmes de culture : les vikings, la mythologie scandinave, le
chamanisme lapon. Le personnage de cette histoire était un enfant
nommé Magnus. Je souhaitais publier cette nouvelle sous forme
d’album jeunesse. Je l’envoyais donc aux éditeurs et l’un
d’entre eux, les éditions Dadoclem, me téléphona. Mon histoire
leur avait plu mais ils voulaient savoir si je pouvais en faire un
roman. Leur but était de faire découvrir la culture scandinave aux
jeunes français par le biais d’une fiction de type fantastique. Ça
cadrait parfaitement avec mon texte et mes connaissances de guide
allaient pouvoir trouver une application littéraire. J’acceptais
avec enthousiasme et c’est ainsi que naquit « Magnus, une
histoire pour tuer le temps ».
6-
La reconstitution de la vie au grand Nord est soignée, ainsi que
l'aspect mythologique (trolls, dieux..) mine de rien, on y apprend
plein de trucs, cela a du demander pas mal de documentation? Tu
t'inspires aussi sans doute de ton vécu dans ces pays?
Oui
tout à fait, le vécu est important. Il permet de créer des
ambiances, de retranscrire des impressions, des émotions qui sont
crédibles. D’ailleurs, mêmes quand celles-ci n’apparaissent
pas de manière concrète dans le récit, celui-ci en est imprégné.
Lorsque je suis en train d’écrire un chapitre sur la Laponie, par
exemple, c’est toute ma mémoire du Nord qui flotte autour de moi
et qui nourrit, pas forcément le texte lui-même, mais ma capacité
à l’écrire, mon énergie.
Pour
ce qui est de la reconstitution de la vie et de la culture du Grand
Nord aux diverses époques traversées, il y a une importante
documentation en effet mais c’est normal. Après tant d’années
à étudier ces pays, à les raconter, à les découvrir à chaque
voyage un peu plus, on fini par avoir pas mal de choses à raconter.
le site de Gogo: godo-art.fr |
J’ai
eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec lui et je le dois en
partie à l’éditrice. Il est assez rare qu’un auteur ait son mot
à dire concernant les illustrations qui seront choisies pour son
livre. Là, j’ai eu cette chance. Dès le début Danica Urbani
(l’éditrice) m’a impliqué dans le choix. Lorsque je lui ai
proposé Godo elle a tout de suite été d’accord. Je trouve ses
dessins fantastiques, très évocateurs du monde de la féérie et de
l’école scandinave des illustrateurs du XIXe siècle tels John
Bauer, Theodore Kittelsen ou Hasse Beerenberg. En plus d’être un
illustrateur de grand talent, Godo est une personne formidable et
cela compte beaucoup lorsque l’on s’attelle à un travail comme
celui fait pour Magnus. Chaque volume compte quinze illustrations
grand format en couleur plus une dizaine de petits croquis noir et
blanc disséminés dans les marges du texte au fil des pages. Pour
chacune des illustrations, j’ai envoyé à Godo des photos, des
gravures d’époque, des reproductions de toiles de maitres, des
plans, des photos, dans le but que les costumes, les décors, les
gens et les êtres qu’il allait peindre correspondent à la réalité
du pays, de la culture. Lui, de son côté, intégrait ces éléments
avec une patience infinie et leur ajoutait sa touche poétique. Ainsi
a-t-il réussi la prouesse de réaliser des illustrations
parfaitement juste du point de vue historique et, en même temps,
totalement féériques.
8-
une suite est prévue?
« Magnus,
une histoire pour tuer le temps » est paru fin 2012.
Le
tome 2 intitulé « Magnus, le dernier chaman » vient de
sortir en librairie. Il y aura un troisième et dernier tome qui
arrivera fin 2015.
9-
à qui s'adresse tes livres, les enfants, mais pas que?
Oui,
le livre s’adresse aux enfants de 9-13 ans mais dans les faits,
beaucoup d’adultes nous lisent aussi. Les parents des enfants tout
d’abord car Magnus est un livre dans lequel on apprend des choses
et pour ce plaisir là il n’y a pas d’âge. Nous touchons
également les jeunes adultes amateurs du monde de Tolkien car ce
dernier a construit une grande part de son univers sur la base de la
culture scandinave ancienne ; ainsi, ses lecteurs remontent avec
mes livres jusqu’à certaines des racines de son œuvre. Le côté
fantastique des voyages de Magnus à travers le temps fait que nous
sommes aussi appréciés par des lecteurs de fantasy. Un adulte lira
chaque tome en deux heures environ et ressortira de là avec tout
plein de nouvelles connaissances, en ayant vécu une aventure
agréable et dépaysante et en s’étant régalé de très belles
illustrations. Dans ces conditions, pourquoi bouder son plaisir ?
10-
On dit que la lecture se perd chez les jeunes générations, le
constates tu aussi? Penses tu que des livres comme le tien les
touchent, d'après les retours que tu as?
Des
parents viennent me voir pour me dire « mon fils qui ne lit
jamais a dévoré votre roman ! » ça me fait énormément
plaisir bien sur, tout comme les messages de mes lecteurs sur la page
facebook de Magnus car il y a aujourd’hui une offre incroyable en
termes de publication. Rien qu’au mois de novembre, 400 titres
jeunesses sont sortis. Un livre est vite noyé. Le mien a l’avantage
par rapport à d’autres, d’ouvrir sur d’autres lectures et de
montrer des directions, culturelles et géographiques. Comme le petit Poucet, je sème des cailloux, les miens pour montrer un chemin vers
la découverte d’une région du monde et sa poésie. Je ne pense
pas que les enfants lisent moins qu’avant mais je crois que
certains lisent différemment. Depuis quelques années est apparue
une sorte de littérature « fast food » pour les jeunes.
Des trucs qui vous proposent la lecture comme une série télé. Ça
se vend super bien mais c’est totalement vide. Des gamins qui
s’habituent à ne lire que ça se retrouvent avec un horizon tout
petit, une culture de supermarché et c’est ça qui est dommage.
Je
suis chanteur. Chanter est un besoin viscéral chez moi. Cela me
permet d’extérioriser des choses que je n’arrive pas à exprimer
autrement. Je chante du blues, du rock et du folk. La musique fait
complètement partie de ma culture et ces musiques là sont très
puissantes ; elles charrient des tonnes d’émotions. Je suis
assez peu doué pour la composition, je crois que ce n’est pas cela
dont j’ai besoin dans la musique. Je suis un interprète. Je vois
dans les chansons des autres mille choses que je trouve merveilleuses
à exprimer et cela me comble amplement. Le groupe dans lequel je
joue s’appelle « Dribble Blues », c’est du rock et
du blues électrique. Je suis en train de monter en parallèle et
avec une partie des mêmes musiciens, un groupe acoustique, un peu un
« Dribble Blues unplugged » plus folk. Pour écouter
Dribble Blues, il y a une page facebook (clic) et nous faisons des concerts
dans la région lyonnaise environ tous les deux mois.
12-
Et bien merci Laurent et à bientôt pour de nouvelles aventures.
Quelque chose à ajouter?
Nous
avons évoqué pas mal de choses et je te remercie pour cette
interview. Je rajouterais aussi un grand bravo pour toute l’équipe
du Déblocnot. Chroniquer la vie culturelle est un sacré boulot et
vous le faite très bien. Les artistes et le public ont besoin de
gens comme vous.
Bonne
continuation !Propos recueillis par Rockin-JL.
Ça fait envie, pour les petits... Mais dites-moi, le Père Noël, il ne viendrait pas de Norvège ? On me signale qu'on a jamais vu le Père Noël et Laurent Peyronnet en même temps dans la même pièce... Est-ce que par hasard... il s'agirait du même homme ?! (à signaler que ses bouquins sont en vente sur mamazone...)
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