mercredi 17 décembre 2014

MAGNUS Une histoire pour tuer le temps - Le dernier Chaman , de Laurent Peyronnet

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd'hui un écrivain, Laurent Peyronnet qui publie le second tome d'une saga nordique riche en vikings, trolls, références mythologiques, et qui en apprend beaucoup sur la vie dans le grand Nord où l'auteur a été guide. Si l'ouvrage est destiné aux 9-13 ans il est aussi -j'en atteste- très agréable pour tous les âges, et richement illustré.
Voila vraiment de quoi se cultiver intelligemment (pléonasme!) et une superbe idée de cadeau (clic) .Laurent n'a pas eu une trajectoire banale, il a plein de choses à raconter et c'est un plaisir de l'écouter, alors donnons lui la parole sans plus attendre: 

1- Bonjour Laurent; avant de parler de tes livres évoquons un peu de ton parcours. Les livres, l’écriture et toi c'est une longue histoire je crois?

Oui, les livres sont des amis de trente ans comme on dit. J’ai 48 ans et j’ai commencé à lire à 18, ça fait le compte. Mais finalement c’est assez tardif par rapport à pas mal de gens. J’ai très peu de souvenirs de mon enfance et les livres n’y sont pas. Je suis parti de chez mes parents à l’âge de 16 ans et je me suis pas mal égaré dans des endroits où l’idée même d’un livre n’existe pas. J’ai pris beaucoup de risques, fait tout et n’importe quoi. Les livres sont arrivés brutalement, sans aucune préparation ni discours (je n’allais plus à l’école depuis longtemps). J’en ai ouvert un et ça à complètement changé ma vie. Ils m’ont sauvé la vie.

l'auteur avec le Tome 1

2- Quels sont les premiers romans que tu as lus? Les œuvres qui t'ont marqué ?

Le tout premier fut « La chartreuse de parme ». Après ce roman, j’ai laissé tomber tout le reste pour ne plus m’intéresser qu’aux livres. C’était comme si d’un coup on avait allumé la lumière. Après Stendhal, j’ai lu « Les frères Karamasov » puis « Les démons » et tout Dostoïevski. J’étais devenu boulimique de lecture, j’avais du temps à rattraper.
Surtout, avec les livres, j’avais trouvé une famille, une famille de papier mais immensément généreuse. Par le biais de mes lectures, je retrouvais un vieil ami d’enfance (enfin vieil ami, relativisons, nous avions à l’époque 18 ans mais à cet âge là, une année c’est une vie). Il vivait dans une petite chambre de bonne vers Barbès, la mienne était à la porte de Vanves. Ensemble nous lûmes alors Thomas Mann, Robert Musil, Stephen Zweig, Balzac, Proust, Powis, les grands romans chinois comme « Au bord de l’eau » et «  Le rêve dans le pavillon rouge », E.T.A. Hoffmann, Aloysius Bertrand, Hugo, Thomas Hardy… Avec cet ami et trois autres, nous ne nous sommes plus quittés durant 7 ans. Nous vivions avec un seul but: travailler à devenir des écrivains et les meilleurs artistes possibles. Nous explorions l’écriture, la peinture et la musique. De 18 à 25 ans ce fut ma vie. Ce groupe que nous avions nommé « Le cénacle » n’était pas exempt de complexités relationnelles. La règle était que nous devions tout sacrifier à l’art : pas d’argent, pas de famille, une intransigeance morale extrême et au fil du temps, beaucoup de tensions d’égos sont apparues. Finalement, cette fraternité éclata et chacun parti de son côté affronter le vaste monde. J’avais 25 ans. Je m’étais construit des fondations et je m’en allais vers d’autres rivages.


merci à Laurent pour ses photos du grand Nord
3- Ensuite tu as été guide en Norvège, fait des expéditions dans le grand Nord, comment as tu atterri là bas?

Ça ne s’est pas fait tout de suite. J’ai tâtonné quelques années puis on m’a proposé de partir animer des ateliers d’écriture en Russie, sur la Neva et la Volga. J’ai sauté sur l’occasion. Une autre page de ma vie s’est alors ouverte.
J’ai animé ces ateliers en Russie durant deux ans mais c’était en 1996-97 et l’ambiance là bas était très glauque. Beaucoup de mafia, de cynisme, de violence sociale. Au détour d’un voyage, un ami me proposa d’être guide durant une saison en Norvège. Je pris trois mois pour me préparer et c’était parti… pour 12 ans. A partir de 1998 et jusqu’en 2010, je passais en Scandinavie entre 3 et 6 mois par ans, dans toute la péninsule, jusqu’à l’archipel des Spitzberg, mais surtout en Laponie qui est un territoire fascinant. La moitié de l’année que je passais en France, je l’occupais à écrire, je ne voulais pas perdre ce lien avec moi-même. J’écrivais des nouvelles et aussi des chansons car j’avais la chance d’être accueilli dans les ateliers du chanteur Allain Leprest à Ivry.


4- Tu as découvert de nombreuses cultures. Quel est selon toi la principale différence entre les sociétés scandinaves et françaises?

Il y a là bas une mentalité différente. Les nordiques sont des gens qui aiment les règles, les français non. Ça a des avantages et des inconvénients. Les scandinaves sont moins individualistes que les français. Ils ont par conséquent beaucoup plus le sens de la responsabilité collective. Ils sont plus solidaires. Les pays scandinaves sont riches mais ils répartissent cette richesse de façon plus équitable qu’en France. Le système éducatif qui est la base de tout est très performant parce que très humain et dispose de moyens considérables. Dans la vie quotidienne, les gens sont moins brutaux les uns envers les autres. Il n’y a pas, par exemple, ce système français de la « cooptation ». Si vous faites, si vous produisez quelque chose, dans quelque domaine que ce soit, on essayera de vous aider à le socialiser, à ce que votre travail trouve une place dans la société. En France, vous devez d’abord entrer dans un réseau relationnel et ensuite, seulement, en fonction de votre place dans le réseau vous existerez plus ou moins. Chez les scandinaves, ce système d’exclusion fonctionne moins fortement et du coup, les gens vivent mieux. Ils sont moins agressifs les uns envers les autres, il y a plus de bienveillance. Dans l’extrême nord c’est encore différent, on est dans une sorte de « Far West ». Loin de tout, les règles sont « adaptées » selon les circonstances mais le fond reste le même : ce sont des gens qui prennent plus soin les uns des autres que nous ne le faisons.


5- Venons en aux aventures de Magnus, ton héros qui voyage dans le temps jusqu'à l'époque des vikings. Comment t'es venue l'idée de ce livre?

Quand j’étais sur la route dans le Grand Nord je notais des idées qui peu à peu sont devenues des textes. En 2000, je publiais à compte d’auteur un petit recueil de nouvelles intitulé «  Un français en Norvège ». L’une d’entre d’elles avait pour titre «  Une histoire pour tuer le temps ». C’était une nouvelle à chute et je l’avais écrite principalement pour cette chute mais il se trouve que dans son contenu elle abordait des thèmes de culture : les vikings, la mythologie scandinave, le chamanisme lapon. Le personnage de cette histoire était un enfant nommé Magnus. Je souhaitais publier cette nouvelle sous forme d’album jeunesse. Je l’envoyais donc aux éditeurs et l’un d’entre eux, les éditions Dadoclem, me téléphona. Mon histoire leur avait plu mais ils voulaient savoir si je pouvais en faire un roman. Leur but était de faire découvrir la culture scandinave aux jeunes français par le biais d’une fiction de type fantastique. Ça cadrait parfaitement avec mon texte et mes connaissances de guide allaient pouvoir trouver une application littéraire. J’acceptais avec enthousiasme et c’est ainsi que naquit «  Magnus, une histoire pour tuer le temps ».

6- La reconstitution de la vie au grand Nord est soignée, ainsi que l'aspect mythologique (trolls, dieux..) mine de rien, on y apprend plein de trucs, cela a du demander pas mal de documentation?  Tu t'inspires aussi sans doute de ton vécu dans ces pays?

Oui tout à fait, le vécu est important. Il permet de créer des ambiances, de retranscrire des impressions, des émotions qui sont crédibles. D’ailleurs, mêmes quand celles-ci n’apparaissent pas de manière concrète dans le récit, celui-ci en est imprégné. Lorsque je suis en train d’écrire un chapitre sur la Laponie, par exemple, c’est toute ma mémoire du Nord qui flotte autour de moi et qui nourrit, pas forcément le texte lui-même, mais ma capacité à l’écrire, mon énergie.
Pour ce qui est de la reconstitution de la vie et de la culture du Grand Nord aux diverses époques traversées, il y a une importante documentation en effet mais c’est normal. Après tant d’années à étudier ces pays, à les raconter, à les découvrir à chaque voyage un peu plus, on fini par avoir pas mal de choses à raconter.


le site de Gogo: godo-art.fr
7- un mot sur  Godo qui illustre superbement tes ouvrages?

J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec lui et je le dois en partie à l’éditrice. Il est assez rare qu’un auteur ait son mot à dire concernant les illustrations qui seront choisies pour son livre. Là, j’ai eu cette chance. Dès le début Danica Urbani (l’éditrice) m’a impliqué dans le choix. Lorsque je lui ai proposé Godo elle a tout de suite été d’accord. Je trouve ses dessins fantastiques, très évocateurs du monde de la féérie et de l’école scandinave des illustrateurs du XIXe siècle tels John Bauer, Theodore Kittelsen ou Hasse Beerenberg. En plus d’être un illustrateur de grand talent, Godo est une personne formidable et cela compte beaucoup lorsque l’on s’attelle à un travail comme celui fait pour Magnus. Chaque volume compte quinze illustrations grand format en couleur plus une dizaine de petits croquis noir et blanc disséminés dans les marges du texte au fil des pages. Pour chacune des illustrations, j’ai envoyé à Godo des photos, des gravures d’époque, des reproductions de toiles de maitres, des plans, des photos, dans le but que les costumes, les décors, les gens et les êtres qu’il allait peindre correspondent à la réalité du pays, de la culture. Lui, de son côté, intégrait ces éléments avec une patience infinie et leur ajoutait sa touche poétique. Ainsi a-t-il réussi la prouesse de réaliser des illustrations parfaitement juste du point de vue historique et, en même temps, totalement féériques.

8- une suite est prévue?

« Magnus, une histoire pour tuer le temps » est paru fin 2012.
Le tome 2 intitulé «  Magnus, le dernier chaman » vient de sortir en librairie. Il y aura un troisième et dernier tome qui arrivera fin 2015.

9- à qui s'adresse tes livres, les enfants, mais pas que?

Oui, le livre s’adresse aux enfants de 9-13 ans mais dans les faits, beaucoup d’adultes nous lisent aussi. Les parents des enfants tout d’abord car Magnus est un livre dans lequel on apprend des choses et pour ce plaisir là il n’y a pas d’âge. Nous touchons également les jeunes adultes amateurs du monde de Tolkien car ce dernier a construit une grande part de son univers sur la base de la culture scandinave ancienne ; ainsi, ses lecteurs remontent avec mes livres jusqu’à certaines des racines de son œuvre. Le côté fantastique des voyages de Magnus à travers le temps fait que nous sommes aussi appréciés par des lecteurs de fantasy. Un adulte lira chaque tome en deux heures environ et ressortira de là avec tout plein de nouvelles connaissances, en ayant vécu une aventure agréable et dépaysante et en s’étant régalé de très belles illustrations. Dans ces conditions, pourquoi bouder son plaisir ?

10- On dit que la lecture se perd chez les jeunes générations, le constates tu aussi? Penses tu que des livres comme le tien les touchent, d'après les retours que tu as?

Des parents viennent me voir pour me dire «  mon fils qui ne lit jamais a dévoré votre roman ! » ça me fait énormément plaisir bien sur, tout comme les messages de mes lecteurs sur la page facebook de Magnus car il y a aujourd’hui une offre incroyable en termes de publication. Rien qu’au mois de novembre, 400 titres jeunesses sont sortis. Un livre est vite noyé. Le mien a l’avantage par rapport à d’autres, d’ouvrir sur d’autres lectures et de montrer des directions, culturelles et géographiques. Comme le petit Poucet, je sème des cailloux, les miens pour montrer un chemin vers la découverte d’une région du monde et sa poésie. Je ne pense pas que les enfants lisent moins qu’avant mais je crois que certains lisent différemment. Depuis quelques années est apparue une sorte de littérature « fast food » pour les jeunes. Des trucs qui vous proposent la lecture comme une série télé. Ça se vend super bien mais c’est totalement vide. Des gamins qui s’habituent à ne lire que ça se retrouvent avec un horizon tout petit, une culture de supermarché et c’est ça qui est dommage.

11- Changeons de sujet, tu es également musiciens je crois; dans quel genre?  Peux-tu nous parler un peu de tes activités musicales?

Je suis chanteur. Chanter est un besoin viscéral chez moi. Cela me permet d’extérioriser des choses que je n’arrive pas à exprimer autrement. Je chante du blues, du rock et du folk. La musique fait complètement partie de ma culture et ces musiques là sont très puissantes ; elles charrient des tonnes d’émotions. Je suis assez peu doué pour la composition, je crois que ce n’est pas cela dont j’ai besoin dans la musique. Je suis un interprète. Je vois dans les chansons des autres mille choses que je trouve merveilleuses à exprimer et cela me comble amplement. Le groupe dans lequel je joue s’appelle «  Dribble Blues », c’est du rock et du blues électrique. Je suis en train de monter en parallèle et avec une partie des mêmes musiciens, un groupe acoustique, un peu un «  Dribble Blues unplugged » plus folk. Pour écouter Dribble Blues, il y a une page facebook (clic) et nous faisons des concerts dans la région lyonnaise environ tous les deux mois.

12- Et bien merci Laurent et à bientôt pour de nouvelles aventures. Quelque chose à ajouter?

Nous avons évoqué pas mal de choses et je te remercie pour cette interview. Je rajouterais aussi un grand bravo pour toute l’équipe du Déblocnot. Chroniquer la vie culturelle est un sacré boulot et vous le faite très bien. Les artistes et le public ont besoin de gens comme vous.
Bonne continuation !

Propos recueillis par Rockin-JL.

1 commentaire:

  1. Ça fait envie, pour les petits... Mais dites-moi, le Père Noël, il ne viendrait pas de Norvège ? On me signale qu'on a jamais vu le Père Noël et Laurent Peyronnet en même temps dans la même pièce... Est-ce que par hasard... il s'agirait du même homme ?! (à signaler que ses bouquins sont en vente sur mamazone...)

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