Le
titre LA FRENCH fait référence au réseau dit de la French Connection, qui
sévissait dans les années 70 pour acheminer de l’héroïne depuis Marseille jusqu’à
New York. (voir l’article sur French Connection, de William Friedkin en cliquant ici ).
Le
film retrace le parcours du magistrat Pierre Michel, nommé juge au Grand Banditisme en 1975 (donc on voit des R16 !!), qui s'attaque au démantèlement de la filière marseillaise. Pierre
Michel concentre son action sur Gaëtan Zampa, parrain local, qui jouit d’une
immunité suspecte.
Cédric Jimenez fait fi de la réalité historique, retient des éléments réels (la
tuerie du Bar du Téléphone), en élimine d’autres, ou en invente. C’est son
droit, on est dans la fiction, pas dans la reconstitution documentaire. Il opte
aussi pour une restitution grand public, solide, carrée, avec des moyens, et des
vedettes. Autrement dit, on est moins chez Yves Boisset, ou les premiers Alain
Corneau, que chez Henri Verneuil. LA FRENCH est avant tout un divertissement,
qui lorgne davantage vers les productions américaines. On a évoqué Martin Scorsese. Mouais… A l’image, pas franchement. Je pense surtout à des films comme AMERICAN GANGSTER
(2007), de Ridley Scott, avec le face à face Russell Crowe / Denzel Washington,
ou HEAT (1995) de Michael Mann qui opposait Robert de Niro et Al Pacino. (euh, question mise en scène, la comparaison avec Mann s'arrête là...)
Mais
puisqu’on parle de Scorsese, on y pense davantage à cause de la bande son, faite
de multiples extraits de chansons. Et justement, ce n’est pas la
principale qualité du film, j’ai du mal à voir la cohérence des choix musicaux,
tantôt français, d’époque, ou américain… Sauf dans la scène, où
Gaëtan Zampa apprend que les affaires tournent mal, qu’il va devoir abandonner
la partie. On entend alors Sheila chantait « Bang bang » avec ces
paroles : Nous avions dix ans à peine, tous nos jeux étaient les mêmes, aux
gendarmes et aux voleurs, tu me visais droit au cœur, Bang bang, tu me tuais, Bang
bang, et je tombais… Bien vu.
Cédric
Jimenez réussit de belles scènes, comme la descente chez le chimiste du réseau
(idée repiquée chez LE SILENCE DES AGNEAUX, mais ça marche toujours…), les
scènes de filature, et parvient surtout à maintenir une certaine tension dans l’affrontement
des deux hommes. Qui comme dans HEAT, ne
se croiseront qu’une fois (épisode fictif). Intéressant aussi le regard sur la
hiérarchie judiciaire, policière, gangrenée jusqu’à la moelle, mais dont on comprend bien les rouages. Le fil conducteur est un juge, pas un flic. Ah la scène où Michel débarque dans le bureau
de Gaston Deferre, maire de Marseille à l’époque… et en ressort avec un congé
sans solde, pour comme par miracle retrouver ses dossiers quand Deferre sera
nommé en 1981 ministre de l’Intérieur, ayant pris soin entre temps de faire le
ménage autour de lui !
Là
encore, Jimenez prend quelques libertés. On sait que le juge Michel a été
assassiné alors qu’il rentrait déjeuner chez lui, à moto (je ne suis pas convaincu par cette séquence filmée du point de vue de sa femme, comme de quelques scènes conjugales, toujours difficiles à intégrer au récit policier). On sait qui a fait le
coup. D’ailleurs, c’est amusant, mais les deux coupables viennent d’être
libérés de prison après 25 ans derrière les barreaux ! Jimenez opte pour
la piste de l’assassinat orchestré par des fonctionnaires de police corrompus,
à la solde de Zampa. Pourquoi pas…
J’aurais
apprécié un peu plus de nervosité dans la mise en scène, d’inventivité aussi.
On est parfois un peu paumé, beaucoup de personnes, qui ne restent pas longtemps en vie... On est dans un registre académique, qui donne à voir des compositions d’acteurs. Ils sont
tous très bien, Jean Dujardin, mais surtout Gilles Lellouche, et une flopée de
seconds rôles comme à la grande époque du cinoche populaire, Mélanie Doutey,
Benoit Magimel, Bruno Todeshini, Gérard Meylan, Patrick Descamps… Vous
connaissez leurs têtes…
A
propos de Mélanie Doutey, qui joue la femme de Gaëtan Zampa, j’aurais aimé un
rôle plus écrit. C’est fascinant une femme de gangster. Comment on organise sa
vie, celle de ses enfants, quand on est mariée à un tel type ?
C’est
du bon cinoche, c’est bien fait, il n’y a pas franchement de prise de risque,
ça manque sans doute de noirceur. Mais Jimenez
évite le piège de tomber justement dans l’inverse, comme les polars devenus ultra-caricaturaux
et violents d’Olivier Marchal. On a parlé à propos de LA FRENCH de film à la Delon / Belmondo,
ce n’est pas faux, c’est sans doute comme ça qu’on le reverra dans 20 ans à la
téloche !
LA FRENCH (2014) réal Cédric Jimenez
Couleur - 2h15 - format scope 2:35
ooo
On ne te sent pas enthousiaste. En clair, c'est moyen moyen, quoi. Mon fils l'a vu: il a trouvé ça médiocre (je précise qu'il est beaucoup moins négatif que moi). Quant à la comparaison, elle donne le ton de l'époque: on a les Delon/Belmondo qu'on peut.
RépondreSupprimerAh bon, ça s'est vu ? La prochaine chronique sera pour toi, et plus enthousiaste...
RépondreSupprimerDu Woody Allen?
RépondreSupprimerNon, de la batterie pendant 1h46...
RépondreSupprimerMême que ça s'appel "Wiplash". Je viens de le voir. Et pour un coup de fouet... S'en est un. J'attend ton com Luc avec impatience.
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