Athée ! Ô Grâce à Dieu…
Stromae,
le chanteur belge s’arrête pour prendre du recul et tenter de faire pleurer dans
les chaumières avec sa misère. Il annonce sa retraite de la scène prétextant
qu’il est fatigué ! Fatigué ? Il se fout de nous ? L’ouvrier qui
va rester 8 heures par jour sur sa chaine d’assemblage, l’interne qui va
faire sa journée aux urgences d’un hôpital, ils vont aller voir leurs
employeurs pour leur dire qu’ils s’arrêtent deux ou trois ans parce qu’ils
sont fatigués ? Le métier de chanteur est très fatiguant, j’en parlais
encore il y a peu de temps avec mon père retraité de la S.N.C.F et qui comme
conducteur était rarement à la maison de jour comme de nuit, soir de Noël et jour
de l’An compris. Et qui comprenait, avec cynisme, l’état de grande fatigue de
ces artistes conduits sur les plateaux télé par un chauffeur et qui travaillent
deux heures d’affilée, tout ça pour quelques millions d’euros par an ! Les
chanteurs d’une autre époque et d’un autre milieu social et ayant une autre
vision de leur art et de leur public n’étaient pas fatigués eux ! Je
parlais de mon père et voila où je voulais en venir après cette introduction
sur la fatigue des artistes d’aujourd’hui. Dans sa discothèque, se trouve un
disque que beaucoup d’amateurs aimeraient avoir «Faut Vivre» de Mouloudji
dédicacé par l’artiste lui-même.
Mouloudji à 14 ans |
Mouloudji
est un émigré moitié Kabyle, moitié Breton né en 1922 à Paris dans le XIXe arrondissement. Son père kabyle exerce le
métier de maçon et est inscrit au parti communiste. Sa mère est une bretonne
catholique pratiquante. Entre un père «Coco »
et une mère bigote qui aurait préféré voir ses deux fils inscrits au patronage du curé, les Mouloudji
sont l’image de la famille du front populaire. Les deux frangins commencent très
tôt à pousser la chansonnette dans les troquets en échange de quelques pièces.
Alors qu’il n’a que dix ans, sa mère alcoolique sera internée pour désordre
mental. Son père analphabète a du mal à élever ses deux fils Marcel et André.
Adolescent, il s’inscrit avec son frère dans un mouvement de jeunesse, soit aux
jeunesses communistes, soit aux Faucons rouges proche de la S.F.I.O (Section Française de l’Internationale Ouvrière) animé par des
éducateurs de différents courants du monde ouvrier : libertaire, coopératif,
ajiste, anarcho- syndicaliste, etc…
Les Disparus de Saint Agil |
Il va
côtoyer des célébrités comme Arletty, Raimu ou Michèle Morgan.
La guerre et l’occupation ne l’empêcheront pas de travailler, même si il reste
dans une semi-clandestinité. Tout d’abord réfugié en zone libre, il regagne
Paris en 1943 ou il vit de la
chanson. A la libération en 1945, à
23 ans, il écrit ses mémoires «Enrico» qui recevra le prix de la Pléiade
la même année.
Mouloudji, Le Deserteur
Mouloudji
a toujours chanté. Même si son début de carrière se déroule sur les planches et sur l’écran, il reprenait des textes de Prévert et
d’autres auteurs, mais très vite il commence à composer pour son compte. Il
faudra attendre 1953 pour le voir
prendre un virage a 180° et mettre sa carrière cinématographique de coté pour
ne se consacrer qu’à la chanson. Son premier succès dans le domaine était «La Complainte des
Infidèles» en 1951 dont il
écrira les paroles. En 1953, premier
titre et premier succès avec «Comme un p’tit
Coquelicot» qui obtiendra le Grand Prix du Disque et le Prix
Charles-Cros. Rebelote un an plus tard avec «Un Jour tu Verras», encore un succès. Mais la polémique veille…
Toujours communiste, il s’engage contre la guerre d’Indochine et va
interpréter la version non expurgée de la chanson de Boris
Vian «Le Déserteur». Il retravaillera
le texte avec Vian. Déjà, Mouloudji n’arrivait pas à
imaginer un pacifiste ayant un fusil, logique ! Le titre passe sur les
radios le jour de la chute de Dien Bien Phû. Le résultat ne ce fait pas
attendre, la presse de droite et conservatrice l’accuse de corruption morale de
l’armée, celle d’extrême droite ira jusqu'à le fustiger en jouant sur ses
origines pour expliquer son antipatriotisme. Rejeté par les radios et les
maisons de disques, il fondera la sienne sous forme de coopérative en 1961 où sa carrière va se révéler
importante et prolifique avec des titres comme : «Le
Long des Rues de Paris», «Complainte du
Maquereau», «Les Feuilles Mortes», mais le succès n’est que d’estime.
Avec 1968, il réapparait en chantant dans
les universités et les usines en grève; une accusation
disant que Mouloudji était anarchiste lui sert d’alibi pour aller à la
rencontre d’un nouveau public gauchiste et anarchiste. En 1970,
il revient sur les titres engagés de l’époque Boris
Vian avec une reprise «Allons z’enfants» véritable pamphlet contre l’armée et les
militaires. Un titre qui le poussera vers l’anarchisme et lui fera quitter le Parti Communiste. Bien avant certains, il est de toutes les causes et de tous les
combats, celui des objecteurs de conscience, la chute de Salvador Allende au
Chili suite au coup d'état de Pinochet. 1975 voit son grand retour à
la scène avec l’étiquette de chanteur populaire et de nouveaux titres. Mais
il rend toujours hommage à ses amis Prévert et Vian. Dans les années 80, il se tourne vers l’écriture
et la peinture, deux passions qu’il a toujours eu. Il continue les tournées ou
le public se déplace en nombre. Mais les médias l’ont oublié. En 1992, il est victime d’une pleurésie qui lui vole une partie de ses capacités vocale. En avril 1994, il donne un ultime récital à Nancy, le 14 juin, il décède.
Marcel Mouloudji : une discographie
impressionnante que beaucoup pourraient envier, impossible de la comptabiliser
entre les albums officiels et toutes les compilations, et 46 films et autant de
prestations théâtrales, il est dommage qu’un tel artiste soit si peu reconnu
et soit tombé presque dans l’oubli à la différence de Férré,
Brassens et autre Brel,
et pour les 20 ans de sa mort, je voulais lui rendre hommage.
Pour essayer de répondre à ta question : par rapport à Brel, Ferré, Brassens, Mouloudji (comme Reggiani) n'était pas auteur-compositeur. Mais "seulement" interprète. Et en France, il me semble qu'on place toujours sur la première marche ceux qui prennent la plume avant de prendre le micro. Aux USA, on ne se pose pas la question : Sinatra, Presley ou Armstrong valent Dylan ou Ellington...
RépondreSupprimerMouloudji était un auteur - compositeur - interprète, mais il est plus connu du grand public pour avoir chanté des chansons qui n'étaient pas de lui. Serge Reggiani lui n'était qu'interprète et avant toute choses acteur. Mais en comparaison avec les Etats-unis....il n'y a pas de comparaison !! pour eux le texte n'a aucune importance, la musique et l'interprète l'emporte sur le reste.
SupprimerQuelle voix superbe et son interprétation d'un pti't Coquelicot m'avait ému aux larmes, même encore maintenant elle me serre le coeur ! Pour moi il faisait partie du panthéon de la chanson francaise quand j'étais gamin en compagnie d'un autre oublié Philippe Clay !
RépondreSupprimerJ'avais fait un petit chapitre sur Philippe Clay dans une chronique au mois de juin de cette année :" Des acteurs qui chantent ou des chanteurs qui jouent ?" Mais il est possible qu'un jour je revienne sur cet artiste hors du commun !
Supprimerj'adorais sa voix et je m'étais faite une promesse et je l'ai tenue celle d'aller sur sa tombe et j'aimerais tant réécouter Ramona
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