JOHNNY HALLYDAY "Rester vivant"

Préambule : avant de vous parler de ce nouvel album de Johnny, je vais pousser un petit coup de gueule préventif. Car je sais d'avance que défendre Johnny va me valoir une volée de bois vert. En effet il est de bon ton depuis un moment de dégommer le Jojo à vue et de le descendre en flamme sans même l'écouter, il est chic de l'éreinter chez les amateurs de rock, de le gloser chez les intellos, mais rappelez moi un truc, depuis quand le rock est-il intello ?! Le pire c'est que ce sont les mêmes qui s'esbaudissent quand un rocker cacochyme anglo-saxon ponds un album (c'est formidable, à son age, il est toujours là et blablabla) mais le Johnny, d'avance c'est une daube ; alors là comme disait Coluche, je m'excuse mais merde.

Ben moi déjà j'ai plutôt tendance à respecter un type qui a été pote avec Hendrix, a fait cachetonner un jeune gratteux inconnu, un certain Jimmy Page, a chanté et contribué à faire connaître ici des Creedence, Bob Seger, Little Richard, Ray Charles etc, a produit certains des tous meilleurs albums de rock en français ("Flagrant délit", "Rivière ouvre ton lit", "Insolitudes", "Rock à Memphis", "Palais des Sports 71"), pondu une cinquantaine d'albums et est toujours là en 2014, Respect. Alors bien sur je suis comme vous, ses collaborations avec des pitres m'ont agacé (Maé, Obispo, M..), il s'est souvent vautré dans la variété (en partie à cause de ses maisons de disque), la couverture médiatique dont il bénéficie est excessive, les une de la presse de chiottes (pas sa faute), les passages chez le gentil Drucker, oui tout cela me gave grave; mais je n'ai pas la mémoire courte et surtout avant de critiquer je fais l'effort d'écouter et certains seraient bien inspirés d'en faire autant. Voila c'est dit et ça fait du bien…

source sa page Facebook: Johnny Hallyday Officiel

Venons-en à ce 49ème (!) album pour lequel Johnny ne s'est pas entouré de manchots, voulant retrouver un son rock américain il s'est offert les services du producteur Don Was (Dylan Iggy, Stones, U2..) de son studio à Los Angeles  et d'une belle brochette de musiciens, relevons ainsi entre autres Audley Freed à la guitare (ex des Black Crowes), Charley Drayton aux drums (Keith Richards, Johnny Cash, Neil Young..), Matt Rollings aux claviers (Mark Knopfler, Willie Nelson, Bob Seger..), Rami Jaffee, orgue Hammond (Foo Fighters), Greg Leisz (pedal steel dobro, mandoline) (Clapton, Eagles, Fogerty, Sprinsteen, Plant, Cocker...!), du beau linge... Y'a des frenchies aussi, Laurent Verneret (basse), Yarol Poupaud (FFF et the Hub) et Maxime Nucci alias Yodélice aux guitares; ce dernier signant aussi la majorité des musiques.

Coté textes, des noms connus et d'autres moins avec Jeanne Cherhal, Pierre Dominique Burgaud, Pierre Jouishomme,Valerie Vega, Daran, Miossec  et Isabelle Bernal .

"J'ai ce que j'ai donné" qui ouvre est pour moi la plus faiblarde de l'album, assez plate malgré un bon solo de guitare, bizarre choix de l'avoir placé en premier, mais le niveau monte avec "Regarde nous", un beau texte sur le temps qui passe et tue l'amour et le couple et une ballade mélancolique qui a du souffle, un petit air de "Quelque chose de Tennessee" . On continue crescendo avec" Rester vivant", un rock stonien réjouissant, les choeurs, les cuivres, le beat qui roule ; et si c'était le meilleur morceau des Stones depuis 30 ans? Un bon texte d'Isabelle Bernal où Johnny clame sa joie d'être encore en vie."Seul", une ballade sombre de la même auteur est plus intimiste, chargé d'émotion, porté par cette voix qui -pour moi- est plus forte que celle du Johnny jeune, grave, patinée, chargée de vécu. Deuxième rock stonien teinté country avec "Café de l'avenir", texte de Pierre Jouishomme, encore la théma du temps qui passe ("Assis sur mes convictions/je reste comme un con/J'me suis pas vu vieillir/ j'ai pas vu le coup venir".)

Jouishomme qui signe aussi" Lettre à l'enfant que j'étais", pour moi LE grand titre de ce cru 2014, chargé d'émotion, belle instrumentation aussi avec une pincée country apportée par mandoline et lap steel. Miossec y va ensuite d'une adaptation du "Can't find no mercy" de Gary Wright (membre de Spooky Tooth, a travaillé avec Johnny sur Flagrant délit), superbe morceau rythm'n'blues, cuivres et choeurs, une ambiance Joe Cocker période Mad dogs.

"Si j'avais su la vie" rejoins encore le fil conducteur du disque, une belle ballade nostalgique (qui commence un peu comme un tube pop anglais des 80's dont je ne me rappelle plus son titre, si quelqu'un voit, merci d'avance).

"On s'habitue à tout" est un ton en dessous, même si ça sonne bien, un coté West coast pas désagréable; arrêtons nous plus sur "Te manquer" signé  Jeanne Cherhal, dépouillé, avec une sensibilité toute féminine, "un mec n'aurait peut être pas osé faire chanter ça à Johnny" estime t'elle. J'ai moins goûté "Te voir grandir" dédiée à ses filles, qui verse un peu trop dans le pathos. Pour clôturer tout ça le très rock, "A nos promesses", "Je suis jeune depuis longtemps" nous dit Johnny, hé oui le rock'n'roll est source de jouvence, moi même plus j'en écoute plus je me sens rajeunir..

Gros son, beaux textes, interprétation dans lequel Johnny se livre à nu, j'ai franchement bien aimé ce disque. Cette année aura vu aussi de nouveaux et formidables albums de Dick Rivers et Eddy Mitchell, et bien celui ci tient la comparaison. La musique sonne vraiment, loin des égarements variété. "Je me suis parfois égaré musicalement mais j'arrive à un age ou je veux faire ce que j'aime" avoue Johnny dans une interview au Parisien, faute avouée est à moitié pardonnée..

Ce même Parisien qui titrait "Et si c'était son meilleur album?"... Là je dis non quand même faut pas charrier, mais dans le paysage musical français actuel bien sinistré (je parle de la musique grand public) un tel album ferait presque figure de chef d'oeuvre..

ROCKIN-JL