Roméo et Juliette dans le Ghetto
Écoutez
ces claquements de doigts, ces battements de cœur du West Side où une vie peut ne
durer que 48 heures (Prologue).
L'épopée West Side Story partira d’une idée du
chorégraphe Jérôme Robbins. Il demandera à Leonard Bernstein de
faire une adaptation musicale contemporaine de Roméo et Juliette. La comédie musicale sera créée en 1957. La trégédie de Shakespeare est transposée en un drame qui relate la rivalité entre deux bandes de jeunes des
bas quartiers du Upper West Side de New York. D'un côté : les Jets
avec pour chef Riff, bande issue de la
classe ouvrière et constituée d’étrangers de seconde génération, des descendants d'immigrants d’Italie,
d’Irlande et de Pologne. De l'autre : les Sharks et leur chef Bernardo, jeunes nés de parents portoricains. Sur fond de rivalité entre les deux bandes, une histoire d’amour va se nouer entre Maria, la sœur de Bernardo, et Tony le meilleur ami de Riff
et créateur des Jets. Nous sommes loin de
Roméo et Juliette, de Vérone, et les Capulet et les Montaigu ont bien changé.
La première mouture du livret devait relater les conflits culturels
entre les Jets, jeunes catholiques
américains, et les Emeralds, des familles juives vivant dans l’East Side. Toute l’histoire était centrée sur
l’antisémitisme. Léonard Bernstein veut
représenter l’histoire sous la
forme d’un opéra, mais Jérôme Robbins le
chorégraphe et le rédacteur du livret Arthur Laurents
refusent, voyant dans l’œuvre plutôt du théâtre lyrique. Le projet en l'état est abandonné
et il faudra attendre cinq ans avant qu’il ne refasse surface.
En 1955 le
trio Bernstein, Robbins,
Laurents ressort des cartons le projet de «East Side Story». Bernstein
veut situer l’intrigue à Los Angeles, mais l’auteur du livret se sent plus
proche des portoricains et de Harlem. Jérôme Robbins se fait une joie de faire des ballets sur des rythmes latino. Bernstein veut uniquement se consacrer à la
musique, c’est pour ça qu’il fera appel a un parolier en la personne de Stephen Sondheim qui plus tard composera pour les
films «Stavisky » d’Alain Resnais et «Red» de Warren Beatty.
Laurents réécrit le livret en changeant certains profils
des protagonistes. Tony se retrouve avec
des origines polonaise et Maria, juive
au départ, devient portoricaine. Le titre devient «West
Side story»
Commence
alors le long travail de production pour un spectacle scénique qui se terminera
en apothéose sur la scène du Théâtre Winter Garden de Broadway le 26 septembre 1957.
West Side Story de la Scène à l’Écran
Georges Chakiris (Bernardo) |
Dans la distribution du film, Il n’y avait guère que Nathalie Wood qui était célèbre depuis sa participation à des films comme «La Fureur de Vivre» avec James Dean qui aurait du jouer le rôle de Tony dans le spectacle de Broadway. (Mais le destin et surtout une voiture en décidèrent autrement.) Rita Moreno qui jouait Anita, la meilleur amie de Maria et la girlfriend de Bernardo avait été vue dans «Dansons sous la pluie» et Simon Oakland dans le rôle du lieutenant Shrank qui avait un rôle dans «Psychose» et qui dans les années 70 jouera le rôle du général Moore dans la série «Les Têtes Brulées». De nouvelles têtes apparaissent comme Russ Tamblyn qui jouera Riff, Richard Beymer dans celui de Tony. Pour l’anecdote, Elvis Presley a été contacté pour le rôle de Tony, je dis un grand merci au colonel Parker d’avoir refusé la proposition.
Acteur, Danseur… Mais Chanteurs ?
Jérôme Robbins |
Rappelez-vous de la première scène du film : après un survol de New-York, la scène se
fige sur un terrain de jeux. Tout est filmé en décor réel en plein cœur de
Manhattan dans la 68e West Side. Cette rue n’existe plus ayant
été inscrite dans le projet de reconstruction du Lincoln Center. La démolition
des immeubles attendirent la fin des prises de vues. La musique de Leonard Bernstein enregistrée à l’avance emplit la rue
pendant un certain temps. Tourner dans un quartier où les véritables bandes avaient leurs territoires n’aurait pas du être simple et pourtant, certains
anciens membres s’employèrent à refouler les badauds hors du champ des caméras.
(Le procédé à angle large est utilisé : la panavision 70. )
Pour
le chant, uniquement Georges Chakiris et Russ Tamblyn (Bernardo
et Riff) ne seront pas doublés, Nathalie Wood ne chantera que la dernière chanson du
film (A la mort de Tony).
Rita Moreno : América ! |
Je ne vais pas vous faire un synopsis du film, mais
vous remettre en mémoire les grands titres qui ont fait la gloire du film.
Déjà le «Prologue»
qui nous donne les signes avant-
coureurs de ce que sera la suite de la
partition. «Jet
Song», Riff et les Jets chantent à propos de leur mainmise sur le quartier «Car les Jets sont les plus forts». Arrive Tony qui s’est éloigné des Jets et travaille dans un bar-confiserie
et se demande si le soir, au bal, il va rencontrer quelqu’un(e) d’intéressant : «Something’s Coming». Soir de
bal : les deux bandes rivales sont face à face : «Dance at the Gym».
Tony et Maria se rencontrent pour la première fois, Tony repart dans la nuit perdu dans ses rêves, ne pensant qu’à la
fille qu’il vient de rencontrer : «Maria». Après le bal, les Sharks se retrouvent sur le toit et une discussion amicale s’ensuit. Les filles font
semblant de souligner la douceur de vivre de leur nouvelle patrie, tandis que
les garçons se moquent de leur frivolité. «América» avec son ballet et
son rythme latino reste le morceau le plus connu de la partition.
Tony arrive sous la fenêtre de Maria (la fameuse scène du balcon de
Roméo et Juliette) et tous les deux oublient leurs soucis : «Tonight».
Dans le bar de Doc, tenancier d'un bistrot plus ou moins terrain neutre, les Jets
après avoir rencontré le sergent Krupke
le policier du secteur, lui taillent un costard une fois ce dernier parti :
«Gee, Officer
Krupke». Maria est d’humeur
joyeuse dans l’atelier de confection où elle travaille : «I Feel Pretty».
Le lendemain Tony la rejoint et ils
imaginent leur mariage : «One Hand, One Heart».
La
bagarre entre Bernardo et Riff commence après que Tony ait essayé de réconcilier les
deux bandes : «Quintet», les couteaux apparaissent : «Rumble»,
Bernardo tue Riff et Tony poignarde Bernardo à mort, la bagarre prend fin avec le
hurlement de la sirène de police dans le lointain.
Les jets sont maintenant commandés par Ice qui calme ses troupes : «Cool» et
vont essayer de protéger Tony de Chino qui le recherche, armé d’un
pistolet. Anita accuse Maria : «A Boy Like That» mais l’amour de Maria pour Tony a raison du chagrin d’Anita
«I Have a
Love». Anita, ayant voulu prévenir Tony
chez Doc, se fait chahuter par les Jets
et donne un message différent : «Dites-lui
que Chino a tout appris sur eux et qu’il l’a tuée ! Elle est morte !». Tony, effondré, court dans les rues en
criant à Chino de le tuer lui aussi. Puis il aperçoit Maria. Il court vers
elle mais une détonation se fait entendre et une balle interrompt sa course. Il s’effondre dans les bras de Maria : «Somewhere».
Le corps de Tony est emporté par les Jets et les Sharks,
les rivaux semblent, pour le moment, faire cause commune dans cette tragique
circonstance.
6.000.000
de dollars de budget, 25 millions de bénéfice rien qu’aux U.S.A, dix oscars et
la 51e place des meilleurs films américains par l’american Film
Institute.
West Side Story :
Discographie
Il existe beaucoup de versions. Gardons la bande originale du film sous la
direction de Johnny Green en 1961, celle de son créateur Léonard Bernstein enregistrée en 1985 avec Kiri Te Kanawa,
José Carreras et Marilyn Horne même si cette dernière est un
peu trop lyrique à mon goût... et pour la curiosité la version jazz d’André Prévin enregistrée en 1959 et celle d’Oscar Peterson Trio qui reprendra des extraits en 1962.
A t'on jamais réussi à faire aussi bien ?
RépondreSupprimerIl y a aussi la version, certes tronquée, d'Alice Cooper (sur "School's Out"). Vincent Furnier s'est toujours déclaré comme un grand fan de West Side Story.