mercredi 8 octobre 2014

Paul PERSONNE ( à L'Ouest) - "Puzzle 14" (29 septembre 2014), by Bruno



     C'est irréfutable, mais depuis son album « Comme à la Maison » (son premier disque d'Or), où Paul Personne a décidé de se prendre en main et d'écouter son cœur plutôt que son entourage (et son management), à chaque nouvel album, c'est la même chose.
Non pas la même chose au niveau musique, car si la patte de Paulo est immédiatement reconnaissable, chacun de ses disques est différent. La même chose, dans le sens où chaque nouvel album de Paul Personne ne manque pas de squatter le mange-CD, et ce aisément pour plusieurs semaines. Ces réalisations ont cette propriété que même lorsqu'on les connaît par cœur, le plaisir d'écoute est toujours là, intact. Ainsi, on peut ressortir à tout moment un de ses disques pour se délecter de ses chansons entre Blues-rock, Rock 60's-70's, Pop, folk-rock, British-blues et chanson française où plane cette Gibson LesPaul omnipotente spécialisée dans les sonorités des doubles-bobinages crémeux et onctueux.


     La simplicité et l'humilité de Paul Personne, né René Paul Roux, nous font souvent oublier qu'il est l'un des musiciens majeurs de l'hexagone. Le fait que l'homme ne s'est jamais fait remarquer par des frasques chères à la « presse people », et qu'il ne semble pas attiré par les mondanités, n'a jamais favorisé l'expansion d'une certaine popularité. Mais de toutes façons, cela paraît être le dernier de ses soucis.
Doudou est un musicien, un artiste, pas un pantin sans réelle personnalité ne recherchant finalement qu'une gloire, même éphémère, plutôt qu'un épanouissement de et avec son art. Il a acquis une fort belle reconnaissance construite par la seule force de sa musique et la qualité de ses prestations scéniques. En dépit d'une absence quasi totale de promotion télévisée et radiophonique (1), le public, du moins celui qui prend la peine de penser par lui-même (ou tente de le faire), ne s'est pas trompé et répond présent à ses concerts. Un public dorénavant fidèle car Paul Personne fait partie de ses artistes honnêtes envers lui-même et par conséquent envers son auditoire. Soit un musicien qui ne triche pas, qui ne se cache pas derrière des machines synthétiques, qui ne se repose pas sur un solide et gros orchestre.

     Il y a quelques années, il a souhaité renouer avec l'esprit de groupe. Sa rencontre avec
un petit collectif de Rock-bluesy, des voisins Normands qu'il avait déjà pris sous son aile pour quelques premières parties, jouant nettement dans une tradition 70's (tranche 70-76), lui fait franchir le pas. S'il reste le maître à bord, Paulo peut désormais partager ses parties de guitares avec un comparse, Tony Bellanger. Et la section rythmique, Nicolas Bellanger à la basse et Brice Allanic à la batterie, est dorénavant une entité plus vivante qu'autrefois, plus organique ; tout simplement parce qu'elle se sent, et qu'elle est directement impliquée, et non comme un duo de mercenaires devant suivre au doigt et à l’œil les directives du maître.
Ce nouveau départ permet à Paul de s'immerger dans la musique qu'il a toujours revendiquée comme source d'influences majeures. Soit du British-blues, du Blues psychédélique californien, du Southern-rock à la Allman, du Crazy Horse de Neil Young, de Clapton, des Stones pré-Wood, des Faces, etc...
Un Rock-bluesy sans pathos, sans effets redondants, joué avec le cœur, l'âme. Un Rock-bluesy avec un son que l'on pourrait qualifier de « Roots Revival 70's », brut, sans claviers ou cuivres. Pratiquement du vintage mais sans la poussière et l'odeur de renfermé, soit pas loin non plus du son des Black-Crowes, du Tedeschi-Trucks Band, de l'Allman Brothers Band-Warren Haynes, de Blackberry Smoke.
Le résultat de cette association, Le diptyque, « Face A » et « Face B », est une franche réussite. Salué d'ailleurs par tous les médias (du moins ceux au service de la musique, Rock).
Avec le groupe, "à L'Ouest"

     Ce nouvel essai, « Puzzle 14 », dans la continuation, paraît encore meilleur (le temps le confirmera, ou pas). Notamment parce qu'il en ressort une réelle osmose entre Paul Personne et le trio « À L'Ouest ». Il y souffle un vent de liberté rejaillissant sur le jeu des quatre belligérants qui semblent ne subir aucune contrainte de formats musicaux et aucune pression des diktats commerciaux. (Les enregistrements ont d'ailleurs été effectué par les frères Bellanger, dans leur grange transformé en studio, et donc à l'abri de toutes influences et pressions extérieures).
L'artwork du CD illustre bien cette approche, cette sensation, en rappelant le travail d'un Rick Griffin (célèbre pour ses affiches de concerts des sixties et seventies et son travail pour Grateful Dead) ou d'un Stanley Miller (idem, plus Quicksilver Messendger Service et Big Brother & The Holding Company), voire d'un Wes Wilson (qui travailla un temps pour Bill Graham). Des artistes qui, par leurs œuvres, représentaient un nouvel esprit d'où jaillissait un puissant geyser de liberté, d'abolition des frontières et d'évasion ; d'éveil de l'esprit même, faisant fi de toutes références à la violence.

      « Puzzle 14 » donne la sensation d'une réalisation plus que jamais orientée guitares, qui évoque souvent donc la liberté d'expression de l'époque des illustrateurs sus-nommés, tout en étant bien ancrée dans une conception Rock d'où suinte un Blues gras et moite. 
Notamment grâce à des titres comme « Il y a ».
Une pièce  en ouverture qui débute très fort avec une wah-wah hendrixienne qui agrémente un riff de Funk lourd à la Led-Zep, lardé de chorus tout droit sortis du Santana d' »Abraxas » et conclut par une jam débordante de verve qui serait la rencontre d'Hendrix, de Clapton, de Gov't Mule. On est alors bien proche des joutes de Screamin' Cheetah Wheelies, le morceau même, dans son ensemble, est près des titres nerveux de ce groupe. Le final en fade-out laisse présager de belles joutes électriques sur scènes.
Ha ! Et ce trop court solo de basse qui en en une vingtaine de notes fait monter l'excitation.


visez les grattes accrochées au murMais aussi :


- « Mainmise » qui, après le lancinant « Une journée » qui peut faire office de douche froide après le torride « Il y a », ré-ouvre la porte aux douces saturations et à la débauche d'énergie ; de celle qui mouille les chemises, qui fait danser comme un demeuré, ou balancer la tête à s'en déplacer les vertèbres. Le riff revisite sans vergogne celui du mythique « Gloria » des Them, tandis que la gratte de Bellanger imite (inconsciemment ?) un orgue Farfisa (qui évoque alors plus « Akou »  de « Ne nous fâchons pas » de George Lautner(2)). Parfums sixties live garantis, avec un break qui frôle – ou bouscule – le Punk Rock avec un début de solo évoquant le Jeff Beck  époque Yardbirds  avant de se lâcher totalement. Un titre galvanisant charriant de la bonne humeur en veux-tu en voilà.
- « Ça fait mal » qui déboule sur un riff robotique et nerveux à la Dr Feelgood  et qui se pare de deux breaks d'obédience Heavy-psyché-british-blues, avec un refrain qui se calque sur celui de "I'm a Man" du Spencer Davis Group, et où les guitares interviennent en hurlant leur douleur. Paulo ressort sa vieille SG 68  équipée d'un vibrato pour l'occasion.
- « La croisée des ch'mins » qui tranche dans le Hard-blues avec la seconde moitié qui est lacérée par des chorus déchirant l'air, maltraitant les cordes (bends  vertigineux, vibrato épileptique, larsen).
- "Miss Nature" qui opère dans le Blues-rock passablement burné, aux soupçons de Rock Texan et de Southern-rock, avec la slide  omniprésente de Bellanger.
« Partir Aujourd'hui » (un appel aux femmes souffrant de maltraitance, avant le point de non-retour), la musique se fait alors plus sombre, limite pesante et laid-back à la fois avec un riff entre Free et Lynyrd, avec, là encore, une belle empoignade de six-cordes en final, aux senteurs Southern Rock justement (en mode gras).
- Même le court instrumental (1 mn 40) en final respire la chaleur des amplis à lampes qui ont des heures au compteur. On regrette que cette pièce finale se s'étire pas sur quelques minutes supplémentaires.
Paul débuta avec une SG (mais, à l'époque, avec un unique P90)

     Entre toutes ces pièces, bien dosées en électricité, s'insèrent d'autres plus calmes et plus posées, nées d'influences croisées issues du Country-rock, du folk et de la ballade rock à la française (où pointe parfois le nez de Téléphone). Mais rien d'acoustique pour cette fois. Toutefois, Paulo et À L'ouest ont apparemment du mal à contenir leur énergie, avec pour conséquence de hausser le ton sur les dernières mesures. Généralement prétexte à quelques très belles parties de guitares, en solo ou en duo. 
Comme par exemple sur "Un peu jaloux" avec un superbe solo tout en feeling entre Jazz et Blues ; et sur « Pardon Animal », petit plaidoyer contre l'exploitation des animaux (Paulo, par conviction, est végétarien depuis de nombreuses années), où la conclusion flirte avec une ambiance enfumée d'un Blues psychédélique estampillé San-Francisco (l'overdrive crémeuse en sus).

     Ainsi, "Puzzle 14" offre des parties de guitares de Doudou qui pourraient bien être les meilleures qu'il ait jamais jouées. Probablement que la présence de Tony Bellanger, qui est mixé au même niveau, l'a incité à donner le meilleur de lui-même.
Et en parlant de Tony, il convient de saluer son jeu qui se marie fort bien avec celui de Paulo, au point où seule une écoute attentive permet de les dissocier (3). Ce serait, approximativement, un mix de Rich Robinson et de Paulo. Il se défend d'ailleurs plutôt bien à la slide et à la Lap-steel. 
Quant à la section rythmique, que dire si ce n'est qu'elle n'est jamais prise en défaut, qu'elle est fluide, qu'elle sait groover tout en apportant toujours un petit plus qui procure vie et humanité. La basse peut se montrer même chantante comme sur "M'envoler plus haut".
 Avec « À L'Ouest », Paul Personne a trouvé chaussure à son pied.

Le coin matos :
Pour "Puzzle 14", Paul s'est limité à seulement trois guitares. Une Gibson Les Paul Gold Top Reissue (sa préférée), une Les Paul 59 Reissue et une SG (68 ? ou Custom shop ?). Question amplis, il a basculé du côté... non pas obscure mais Orange, avec une tête mini (30 x 17 x 14 cm) OR-15  (donc juste 15 watts), réputée pour délivrer un son gras, dynamique et riche. L'OR-15 est branché dans un Orange Cab. Et son vieux Marshall Bluesbreaker.
Pour les effets, comme d'hab. Tube Screamer, Wah-Wah, MXR Phase 90, et un Roland de simulation d'effet Leslie.






(1) Aux débuts des années 90, à l'époque des albums « Comme à la Maison » et « Rêve Sidéral », il eut droit à des passages radios avec la clef un succès avec le « Bourbon ».
(2) L'avant dernière scène où l'on voit les jeunes se démener sur la piste de dance du nouvel établissement de nuit de Michel Constantin.
(3) Canal gauche pour Paul Personne, et à droite pour Tony Bellanger.




Le clip - film d'animation entre Terry Gilliam et Magical Mystery Tour.


Autre article sur Paul Personne (lien) :
Paul Personne - À L'Ouest  - "Face A" (2011)
Paul Personne à L'Ouest "Electric Rendez-Vous" (2015)
Paul Personne "Lost in Paris Blues Band" (2016)


7 commentaires:

  1. Même s'il n'évite pas certaines redites musicales et parolières sur ce Puzzle 14, le Paulo demeure un sacré guitariste. A vérifier au cours de sa prochaine tournée. VU

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  2. à l'écoute de ce disque, je pense sincèrement que sa prochaine tournée devrait faire des étincelles.

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  3. Voilà un artiste que je suis depuis très longtemps ca remonte au temps de Backstage que j'avais découvert sur le 33T une claque que ce " Sometimes I Wonder " ca m'a accroché de suite. Après les premiers disques en solo (encore les LP à la maison) et puis cette belle carrière on se retrouve 30ans plus tard a écouter avec délectation cette musique sans concession et sans esbrouffe tout ce que j'aime !!!!!! Et puis réussir a s'exprimer de si belle manière dans la langue de Voltaire c'est pas si évident tout au moins sur une musique si proche du Blues

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  4. Sinon dans le 1) le titre ayant eu un relatif succès ce ne serait pas plutôt "Le bourdon" au lieu de....hips........."Bourbon"

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  5. Crénom ! Mais bon zang, mais z'est bien zûr !! Bien vue ! Hips ! Une coquille... (ou un lapsus révélateur ?) Hips !
    Z'ai pourtant pas blue plous que d'habitude... hips !
    Z'ai p'être abusé des cacahuètes et noix de pécan...

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  6. Que Paul Personne soit un sacré guitariste et un musicien d'une rare honnêteté, personne n'en disconvient . En revanche, c'est un bien piètre parolier et on a l'impression d'écouter les mêmes paroles aux poncifs éculés et assez niais, il faut bien le dire, depuis des années. C'est dommage. Ça doit pourtant pouvoir se trouver des gens capables d'écrire.

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    1. Paul Personne a déjà fait appel à des écrivains extérieurs (notamment Boris Bergman), mais bon... on ne voit pas trop la différence. Déjà, le Paulo, il n'a pas trop le timbre pour des chansons à textes avec sa voix enfumée où il est parfois difficile de bien discerner les paroles (ce qui, paradoxalement, est allé en s'améliorant).
      Et puis, lorsque l'on compare ses paroles avec celles de grands classiques du Blues et du Rock, on remarque que, finalement, il ne s'en sort pas trop mal le Paulo.
      Et je ne compare pas avec Début de Soirée, AcquaBlue, Image, Imagination, Boney M, Sabrina, Partenaire Particulier, Jonathan & chépluki, Douchka, Les Forbans, Gold, Loeb, etc, etc, ...

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