- Ah ah, M'sieur Claude… Retour aux sources du blog, la jolie violoniste
est revenue, l'égérie de l'archet…
- Et oui Sonia, 200ème chronique aujourd'hui, ça se fête avec
le concerto de Brahms dans une excellente interprétation d'une très jeune
Hilary de 22 ans !!!!
- Ce n'est pas l'unique référence pour ce concerto je pense ?
- Non bien évidement, mais ce disque avec Neville Marriner de 55 ans son
aîné, est plein de jeunesse et le son est magnifique… alors…
- 200ème chronique déjà, bigre, quand aviez-vous parlé de
Hilary Hahn ?
- Pour mon deuxième article et également pour quatre autres concertos :
Schoenberg, Sibelius, Tchaïkovski et Jennifer Higdon… Il y a un bail, 3
ans 1/2, et
Chostakovitch en 2011...
- Hum Hum M'sieur Claude, sans parler des vidéos par-ci par-là… Allez va,
on ne vous en veut pas, place à la séduisante virtuose et à Brahms…
Le joli minois d'Hilary
sur ce CD de 2001 me renvoie à mes débuts dans le blog. Une chronique fleuve
(Luc avait râlé) qui présentait les 4 concertos mentionnés en discutant avec
Sonia. La jeune surdouée américaine avait misé ses débuts de carrière sur
Bach
et les grands concertos du répertoire pour lancer sa discographie. Des
disques souvent remarquables vu son âge et remarqués ou alors boudés par
quelques grincheux jaloux d'un talent aussi précoce (Clic) (Clic). Je ne reviens pas sur ce premier article consacré à l'artiste : ses
études au Curtis Institute de Philadelphie (la pépinière des
virtuoses), ses premiers concerts symphoniques à 14 ans à
Munich accompagnée par
Lorin Maazel
qui vient de nous quittés (Concerto de
Sibelius).
Le temps passe pour tout le monde, la belle a aujourd'hui dépassé la
trentaine et, depuis quelques années, elle explore des horizons très
originaux allant de la musique de chambre (les
sonates pour violons et pianos, de
Mozart
à
Charles
Ives) à la musique contemporaine. Un témoignage pour appuyer mes dires : en
2013, j'ai assisté à l'un de ses concerts originaux salle Pleyel
surnommés Hilary Encores (bis
en anglais).
Hilary
arrive sur scène à petits pas vifs moulée dans une robe de conte de fée qui
semble peinte sur ses formes sublimement féminines. (Vincent n'est pas le
seul à en pincer pour les artistes canons.) Elle était accompagnée par le
pianiste
Cory Smythe, musicien spécialiste de musique contemporaine et improvisateur ; l'un des
complices d'Hilary
qui aime bien ce profil d'accompagnateur. Au programme, des grands
classiques :
Sonates
de
Fauré
et de
Corelli
et la longue
chaconne de la partita N°2
de
Bach. La perfection d'un jeu aérien sur son célèbre Vuillaume ! En complément,
une multitude de pièces choisies aux derniers moments et commandées à des
compositeurs contemporains expérimentés, de
David Del Tredici à la japonaise Michiru Oshima, en passant par James Newton-Howard, compositeur de musiques de film très réputé qui avait composé à
l'intention de la jeune femme la musique étrange et glaçante du film
"The Village" de M. Night Shyamalan, film tourné en 2004…
Encore plus singulier, en 2012, Hilary
a gravé en Islande (la patrie de Björk) une suite
d'improvisations avec le pianiste allemand Hauschka, le pape du piano "préparé". Les deux artistes se sont retrouvés plusieurs
fois au pays des glaces et volcans au gré de leurs agendas pour enregistrer
en une seule prise ce "qui leur passait par la tête". 12 pièces aux
sonorités fantastiques et poétiques qui montrent à quel point la violoniste
a su faire évoluer sa carrière vers des créations des plus originales… Ce CD
surprenant porte le titre de SILFRA.
Nota : l'intégralité des 27 "Encores" écrits pour la violoniste et Cory Smythe
vient d'être publiée par Dgg.
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Nous étions allés à la rencontre de
Sir Neville Marriner
lors d'une chronique consacrée au
Messie
de
Haendel
(Clic). L'illustre chef anglais qui a fêté ses 90 ans en avril fait partie de
ces chefs de légende qui nous lèguent une discographie abondante et d'un
niveau superlatif comme les
Karajan et autres
Dorati…
Hilary Hahn
n'a pas hésité pour ses débuts à se confronter à une discographie
pléthorique des
concertos
romantiques ou contemporains les plus aboutis :
Beethoven,
Tchaïkovski,
Sibelius,
Mendelssohn
(une chronique à envisager),
Schoenberg… Et bien entendu celui de
Brahms
qu'elle a gravé accompagnée et sans doute conseillée par le maestro
anglais.
Plusieurs articles ont déjà été consacrés à quelques œuvres majeurs du
compositeur allemand… (Voir l'index). Ce
concerto pour violon
a été écrit entre 1877 et 1878 à l'intention du violoniste
virtuose
Joseph Joachim, ami de
Brahms. Il sera créé à Leipzig en 1879 sous la direction du
compositeur alors âgé de 46 ans. Bien que très populaire de nos jours, il
fut mal accueilli en France par des musiciens de génie comme
Debussy
ou
Fauré
qui le trouvaient ennuyeux !?!? Je pense que nos deux compères ont plutôt
été déroutés par la forme néoclassique de l'ouvrage. Bien que techniquement
d'une difficulté inouïe pour la partie de violon, l'orchestre conserve une
forme classique identique à celle des symphonies les plus chambristes de
Haydn ou de
Beethoven
(cordes, 2/2/2/2, 2 trompette, 4 cors, timbales et… c'est tout). Il comporte
trois mouvements. La tonalité dominante est le ré majeur.
1 -
Allegro non troppo
: Le long premier mouvement commence par une introduction étoffée où
s'affronte un thème bucolique et radieux très romanesque et un thème rythmé
plus vif évoluant en quelques mesures vers un accord violent qui donne la
parole au violon. L'entrée du violon se veut virile (?) mais sans
sécheresse.
Hilary Hahn
nous enchante de son jeu élégant où chaque note prend sa place malgré
l'intense difficulté du jeu sur deux cordes qui caractérise la mélodie sans
pause de cette exposition.
Sir Neville Marriner
laisse le violon chanter en évitant toute lourdeur trop fréquente dans
l'interprétation des partitions romantiques. Le flot sonore, d'une grande
pureté, distille une joie simple. Certains pourraient espérer un jeu moins
tendre, plus proche de l'énergie du
concerto pour piano N°1
où la tempête se déchaîne. Mais comme on le verra dans la discographie
alternative, peu d'artistes évitent l'écueil de la brutalité et de
l'hédonisme. Alors… La sonorité franche, sans fioriture ou vibrato baveux du
violon Jean-Baptiste Vuillaume,
éclaire de teintes mordorés le jeu de la violoniste. Les aigus sont d'une
justesse et d'une intensité stupéfiantes. Ce concerto par sa forme très
classique s'écoute facilement, pourtant
Brahms ne se répète pas, loin de là. La jeune femme avait choisi la cadence de
Joachim. Elle l'aborde avec grâce et spontanéité. On pourra préférer une
interprétation plus personnelle et vigoureuse, mais bon sang, quelle
fraîcheur !
2 – Adagio
: Très étonnant dans ce concerto, c'est le hautbois qui intervient en
soliste dans une longue introduction orchestrale, un jeu secret et nocturne
avec la clarinette et les autres bois. Très curieusement, le hautbois vole
donc la vedette au violon. Pour la petite histoire, le violoniste
Pablo de Sarasate
détestait l'ouvrage pour cette raison. Cela surprit voire choqua à l'époque.
Le violon reprend la main à [2'40"] en développant ce thème avec intimité.
La douceur domine, animée par quelques trilles ludiques. La musique s'écoule
avec une telle évidence que l'on ne trouve pas vraiment le besoin de
commenter en détail cette page.
Hilary Hahn
conserve son jeu charmeur dans tous les développements. Elle joue
Brahms
et non pas
Hahn.
3 – Allegro giocoso, ma non troppo vivace :
Le final est totalement festif avec son introduction joyeuse aux accents
tziganes. Ce mouvement enlevé et bref est du pur
Brahms, celui des danses hongroises.
Sir Neville Marriner
accompagne brillamment la soliste mais toujours sans emphase ni effets. Il faut préciser que l'Academy of St Martin in the Fields,
avec son effectif léger, convient parfaitement à cette orchestration
endiablée. On entend trop souvent
Brahms
interprété comme du mauvais
Bruckner (qu'il détestait...).
Le CD est complété par une interprétation pleine de vie et malicieuse du
concerto de
Stravinsky. Un couplage original qui place le disque dans les références
discographiques.
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Lors d'une soirée entre amis mélomanes, j'avais organisé une écoute en
aveugle de quatre interprétations en limitant l'écoute aux six premières
minutes de l'allegro initial. De ces écoutes "hors influence" résultent
souvent d'incroyables surprises.
L'enregistrement soi-disant mythique de 1955 de
Jascha Heifetz
se plaça brillant dernier avec les commentaires les plus assassins : lourd,
épais, précipité pour l'orchestre dirigé par
Fritz Reiner, hédoniste, fouillis et frénétique pour
Heifetz. Bref un râteau discographique de deux immenses musiciens à l'aube de la
stéréo !! Il faut dire que les deux artistes se foutent complètement du "non
troppo" noté par
Brahms
au bénéfice d'un vivace. Aucune poésie, rien à sauver… (RCA -
2/6)
Hilary Hahn
se plaça en bonne position derrière un disque dément, un vinyle de derrière
les fagots :
Leonid Kogan
(1924-1982) et
Kiril Kondrachine
(1914-1981) à la tête de
l'orchestre philharmonique de Moscou. Le jeu en double corde lors de l'entrée du violon est d'un tel délié que
l'on pense à deux solistes siamois et non à un seul. Inégalable et inégalé à
mon sens, ce disque n'a jamais été réédité (peut-être dans des anthologies
confidentielles).
Kogan-Kondrachine, c'est l'eau et le feu. On trouve une réédition du même duo mais avec le
Philharmonia. La magie n'opère pas autant et le son reste brouillon. (A rééditer –
Melodya – 6/6 – rares exemplaires à prix d'or sur Ebay).
Je passe sur le 3ème du classement, correct mais un peu dépassé.
Dans la discographie générale, on retient l'album
Christian Ferras
–
Herbert von Karajan
avec le son velouté du virtuose français et la
philharmonie de Berlin
de la grande époque (Dgg - 6/6). Enfin, toujours édité, un beau duo
de
Carlo Maria Giulini
avec l'orchestre de Chicago
et
Itzhak Perlman
dans l'un de ses meilleurs disques. Son hélas un peu brouillon. (EMI – 5/6). J'avoue préférer la transparence d'Hilary Hahn et
Marriner. Enfin, Dans la nouvelle génération, le jeu de violon nerveux et volontaire, dans le sens engagé,
de
Sarah Chang accompagnée par l'élégance du trait de
Kurt Masur, concurrence le disque de
Hilary, de peu sa cadette (Warner - 5/6).
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L'intégralité du concerto :
La gravure volcanique de Leonid Kogan et Kiril Kondrachine à la tête de l'orchestre philharmonique de Moscou est de retour ; profitons-en...
très belle interprétation de ce très connus concerto de Brahms ( je ne possède que la version Guilini - Perlman) et de son fameux troisième mouvement..
RépondreSupprimerQuelqu'un a un avis sur la version de Sophie Mutter/Karajan ?
RépondreSupprimerAucun avis sur la version en question, je laisse le chef du Service Classique s'exprimer... mais par contre, un bienvenu à vous Cirimax, qui semblait découvrir ce blog !
SupprimerOui Cirimax, l'interprétation de Sophie Mutter est tout à fait recommandable dans ce disque de 1983 (si ma mémoire est bonne) avec le chef qui l'avait découverte ado surdouée lors d'un concours. Jeu fougueux et l'immensité du Berliner...
SupprimerBien entendu, les tempos sont assez larges, c'est très romantique dans l'esprit, c'est Karajan en un mot.
On trouve cette gravure dans YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=NTaNqM1HCeU
Merci d'avoir mentionner ce disque qui n'a jamais quitté le catalogue...
Oui, je le découvre depuis quelques temps. C'est sûrement un des meilleurs blogs du Net.
RépondreSupprimerJe vous suivrai de plus en plus. Encore plus que bravo !