jeudi 14 août 2014

RIP : Frans BRÜGGEN (1934-2014) – Pionnier du Baroque et de la flûte à bec moderne


Dimanche, dans un mail notre ami Luc remarquait que contrairement à l'an passé nous n'avions pas eu de R.I.P. cet été. Aurait-il jeté ainsi un anathème sur l'univers du cinéma et de la musique. Après Robin Williams et Lauren Bacall et tandis que je rédige un solide hommage à Lorin Maazel, j'apprends que le flûtiste et chef d'Orchestre Frans Brüggen est mort hier à l'âge de 79 ans ! Une disparition totalement occultée dans les médias par celle de l'actrice mythique.
Cet artiste néerlandais ne faisait plus trop le devant de la scène pour deux raisons. La maladie en premier lieu, et depuis longtemps. Je me rappelle du chef en 2001 à Paris à la cité de la musique dirigeant la messe en si de Bach. Un spectre maintenu en vie par son frac, assis sur un siège de contrebassiste. Un beau concert même si les critiques avait assassiné l'orchestre de Paris qui officiait en se référant à l'enregistrement légendaire réalisé avec son orchestre du XVIIIème siècle. Autre chose, déjà éloigné de la scène par sa fragilité, le patrimoine discographique gravé pour le malheur du musicien chez Philips avait disparu du catalogue. J'ai souvent souligné la trahison de cette firme vis-à-vis des artistes de génie qui firent sa réputation, l'âge du "trésor Classique" pour les mélomanes aguerris.
Pour l'histoire Frans Brüggen restera l'inventeur de la flûte à bec moderne, instrument autrefois synonyme de désuétude ou de cacophonie dans les classes de collège.
Né en 1934 à Amsterdam, Brüggen étudie la flûte traversière et redécouvre les sonorités allègres de la flûte à bec dans ses différentes formes. Particulièrement doué, il est nommé professeur pour ces instruments au conservatoire de la Haye à seulement 21 ans ! Nous sommes en 1955, la révolution de l'interprétation baroque est en marche sous la houlette de Nikolaus Harnoncourt et de Gustav LeonhardtFrans Brüggen va se passionner pour ce renouveau et va fonder en 1981 son propre orchestre : l'orchestre du XVIIIème siècle réunissant des instrumentistes jouant sur instruments d'époque ou des copies, avec un effectif suffisamment important pour ne pas limiter son répertoire au baroque originel : Bach, Haendel, Rameau, mais permettant de revisiter l'époque classique : Haydn et Mozart et même le début du romantisme : Beethoven. Je me rappelle d'un très beau concert au TCE avec au programme La Création de Haydn en 1993, un temps où Brüggen montrait une pêche communicative…
Frans Brüggen était un invité actif de formations illustres comme l'Orchestre de l'âge des Lumières ou encore le Concertgebouw d'Amsterdam.
Sa discographie était passionnante. Brüggen avait remis au goût du jour voire exhumé des œuvres pour la flûte de Telemann ou Corelli. Pour l'orchestre son intégrale des symphonies londoniennes de Haydn sur instruments d'époque reste incontournable mais quasi introuvable (clic). Lors de sa publication, les critiques parlaient de "grandeur et verve colorée" ou encore "… direction confondante d'intelligence et d'inventivité". On peut encore citer une messe en si de Bach "décapante", et bien d'autres disques que l'on trouve au gré du marché neuf ou d'occasion. DECCA se devrait de rééditer, comme c'est la mode, une anthologie de ces gravures Philips dont il semble avoir acquis les droits de publication à des prix réjouissants…


3 témoignages : la symphonie Héroïque de Beethoven par l'orchestre du XVIIIème siècle avec des flûtes à bec et des cuivres naturels sans piston. Un plongeon à l'époque napoléonienne. Puis de 1967, une vidéo de l'interprétation de la  3ème fantaisie pour flûte de Telemann. Enfin avec un joli son, une sonate de Corelli réunissant : Frans Brüggen, flûte à bec, Anner Bylsma au violoncelle et Gustav Leonhardt au clavecin. Un trio de choc !
L'interprétation de la Messe en si a été commentée ultérieurement (Clic).



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