Depuis leur
précédent et troisième long-player, Rival Sons a
fait du chemin. Leur présence sur les routes et leur soif de
jouer, alliées à la qualité et à
l'authenticité de leur musique ont permis de faire germer
leurs graines semées dans des terres que l'on pourrait
pourtant croire arides et acides.
Ainsi, Rival Sons
sort de son rang d'outsider pour s'élever parmi les valeurs
sûres, celles avec lesquelles il faut compter.
Déjà,
cela a commencé à se développer avec les ventes
encourageantes de leur second essai, « Pressure &
Time », qui ont entraîné une réédition
« deluxe ». L'album culmine à la 19ème
place des charts US.
Puis c'est
« Torture », premier single européen
issu de leur Ep, qui est sélectionné pour intégrer
la B.O de « Real Steel » (histoire de
robots-boxers téléguidés avec Hugh Jackman).
Dans la foulée,
Amy Lee ,d'Evanescence, sollicite le groupe pour l'engager en
première partie. Par la suite, les tournées avec des
pointures s'enchaînent (Sammy Hagar, Queenrÿsche, Black
Berry Stone, ).
Enfin arrive
« Head Down », salué à juste
titre par la critique, et qui fait une sympathique percée dans
les charts d'une douzaine de pays ; France y compris (étonnant,
non ?!). Le single « Keep on Swinging » - dont
le clip ne fut pas du goût de certains catholiques à
cause des serpents montrés dans l'enceinte d'une église
- monte à la première place des charts canadiens.
Le
magasine anglais « Classic Rocks » lui décerne
l'Award du « Breakthrough
artist » .
En trois albums
et un Ep, plus une présence assidue sur la route – et
même dans les stations de métro londoniennes et les
parcs –, Rival
Sons est parvenu à se faire un nom.
Ayant fait leurs preuves, les quatre Angelins ont pu prendre six semaines pour enregistrer et peaufiner leur dernière oeuvre, au lieu des vingt jours habituels des disques précédents. Ce qui demeure peu en regard de la grande majorité des productions.
Pourtant, on ne
peut pas dire que ce nouvel enregistrement soit plus raffiné
que les deux précédents. La Recette de Rival Sons garde
pour ingrédients principaux les monstres sacrés du
Heavy-rock anglais de la période 68-74, avec une touche des
Doors et des réminiscences de Grand Funk Railroad, avec
quelque chose en filigrane qui peut le rapprocher de certains groupes
obscurs de Stoner profondément marqués par les 70's, sans oublier The Cult. Et
surtout le son qui va avec ; soit un son organique, plein, d'un
relief qui ne souffre d'aucun écrêtement castrateur, qui
n'hésite pas à déborder de l'espace pour prendre
d'assaut les esgourdes de l'auditeur, tel une entité
chthonienne sortie de l'imagination d'un Lovecraft, d'un Abraham
Meritt ou d'un Robert Howard.
David Cobb, leur producteur attitré,
que les quatre musiciens considèrent comme le cinquième
membres du groupe (cela
rappelle quelque chose non ?)
y veille, et, à cet effet, a retenu un studio de Nashville
bien pourvu en matériel vintage et consoles analogiques.
L'artwork de la
pochette, avec ces photos en noir et blanc sans retouches, sans
photoshop, ce graphisme à la craie sur tableau noir, et les
fringues portées à l'apparence lourde, semblent sortir
d'une malle du début du siècle dernier ou des années
20-30, où J.J. Buchanan a des allures d'Amérindien habillé
pour affronter la ville et singer les colonisateurs ; cela donne déjà
la sensation d'un groupe qui se contre-fout de l'électronique
qu'offre le XXIème siècle.
Et effectivement,
les premières notes de « Electric Man »
confirme la chose. Rival Sons assume son côté Revival,
sa face sombre de Hard-blues aux effluves psyché et noisy,
proche de Sasquatch. Mais s'agit-il vraiment d'un revival, ou
n'est-ce pas plutôt, tout simplement, la résurgence d'un
magma, constitué de métaux lourds (Hard-Rock) et de
sédiments boueux (blues), qui couvait depuis trop longtemps.
Néanmoins,
ce titre binaire donne la sensation d'un déploiement de force
stérile. C'est lourd, spontané et énergique mais
il manque quelque chose qui accroche l'auditeur. En fait, ça
tourne un peu en rond ; à l'exception du jeu de Michael Miley
qui confirme, à mon sens, son statut de batteur des plus
intéressants de cette décennie. (Toutefois, cette pièce d'artillerie lourde doit dépoter un max en concert).
Heureusement,
« Good Luck » rassure : Rival Sons a toujours
la flamme, et sait même se renouveler sans se renier. Un petit
glam-rock fédérateur, ici bienvenu.
« Secret »
est l'union du Deep-Purple Mark II avec Led Zeppelin, de « Black
Night » avec « Dazed and Confused ».
Dithyrambique ? Aucunement.
Si, sur le disque
précédent Scott Holiday démontrait un intérêt
grandissant pour la Fuzz, dorénavant il s'y est totalement
immergé. Au point où on se demande s'il n'a pas dans
son attirail diverses pédales de Fuzz, juste pour changer de
texture tout en restant dans le genre baveux, gras et indomptable,
parfois à la limite du larsen, malmenant alors les tympans. En
tout cas, c'est toujours une machine à broyer du Riff.
Et question Fuzz,
il en est fortement question dans le trépignant « Play
the Fool » qui jongle avec une British pop de la fin des
60's et le Heavy-rock psyché des Clutch, Orange Globin, Honcho
et autres Sasquatch (si ce n'est que, sauf leur respect, J.J.
Buchanan est un bien meilleur chanteur que ceux des groupes pré-cités
; c'est une évidence).
« Good
Things » marque une incursion réussie dans la Soul,
en restant toujours dans cette même fameuse période,
68-74. On pense aussi à Vintage Trouble, avec un Buchanan qui
a par moment des intonations à la Eric Burdon. Une sensation
renforcée par ces lignes d'orgue espiègle qui ne
manquent pas d'évoquer Alan Price des Animals. Un clavier
discret, joué, tantôt par Buchanan, tantôt par Isaiah "Ikey" Owens (Jack White, Mars Volta, De facto), qui s'insinue deci-delà,
sans trop faire de tapage, mais néanmoins en apportant une
touche supplémentaire, une petite nuance de ton, un
enrichissement timide.
Des claviers que
l'on retrouve sur la plupart des morceaux, généralement
de façon transparente, parfois noyés par la fuzz vorace
de Holiday. Plutôt que son indétrônable majesté
l'orgue Hammond, il s'agirait plutôt d'un Vox Continental. Le
même modèle qu'utilisait Ray Manzarek des Doors, Alan
Price des Animals ou encore Doug Ingle de Iron Butterfly. Une consonance bien
typée qui crée un lien ténu avec les années
60. Même le purpleien « Secret »
blasphème en utilisant un Vox – ou approchant – au lieu
d'un Hammond.
Tandis que « Open
my Eyes » va donner du grain à moudre à tous
ceux qui s'évertuent à dire que Rival Sons n'est qu'un
ersatz de plus de Led Zeppelin. Il en est de même avec « Belle
Starr » (1) qui , lui, aurait pu être écrit
pour le répertoire de « Presence ».
Avec « Open
my Eyes », magnifique titre revigorant, bien Heavy et
ouvert, laissant de la place à la respiration, on se rend bien
compte de l'interaction des quatre musiciens. Chacun apportant sa
contribution à l'édifice, et ayant une fonction
déterminante, tant dans la structure que dans l'assise. Ce
n'est pas la batterie en béton, inébranlable, faisant
sur ce titre référence à Simon Kirke, et surtout
à John Bonham, ni la basse volubile, fluide et groovy qui
peuvent contredire cette évidence. Sans ce tandem de choc,
bien des titres de Rival Sons perdraient toute leur sève.
L'excellent Robin Everhart, éprouvé par d'incessantes
journées sur la route, a fini par laisser sa place vacante. On
pouvait craindre le pire tant il est difficile de remplacer un
musicien de cette qualité. Fort heureusement, Rival Sons a
trouvé en Dave Beste un digne remplaçant. Tout autant
que son prédécesseur, il redonne ses lettres de
noblesse à la quatre cordes, en la faisant évoluer
au-delà du simple rôle d'accompagnateur, se calquant sur
le rythme de la batterie ou en se contentant de reproduire un riff de
base binaire. Beste, comme auparavant Everhart, tisse un vrai et confortable tapis (magique ?) sur lequel Holiday peut se reposer,
improviser sans craindre de « foirer ». Il est
de la race des bassistes qui donnent envie de larguer la guitare pour
groover sur une solide et débonnaire pelle à quatre
câbles épais.
On sait que le
collectif est également à l'aise en acoustique et pour
les ballades folk-rock à la Led-Zep, Neil Young et Bad
Company. « Where I've Been » nous le rappelle
de fort belle manière, avec tact et sensibilité. Même
si c'est moins fort que « Jordan » et « True »
(sur « Head Down »). Ce n'est pas non plus du
pur acoustique puisqu'au bout de deux mouvements, Scott Holidays ressort
l'électrique et envoie un beau riff crunchy (en accords
ouverts ?), large et détendu. Et sur la fin, juste avant le
coda, toujours en fond, un piano dans le style de Billy Powell. Une
belle pièce qui aurait pu être signée Paul
Rodgers, aidé de Kossof ou de Mick Ralph.
Le final, avec
« Destination on Course », tente quelque chose
de plus complexe, voire grandiloquent, avec ses différentes
phases et rythmes, et notamment ses chœurs féminins entre
Gospel et opérette. Une sorte de Slow-Blues dramatique à
tiroirs, pataugeant dans un spleen boueux. J.J. Buchanan élargit
son registre en s'essayant à quelque chose de plus lyrique.
Scott, après un premier solo bluesy joué à la
slide, fait son Jimmy Page en pleine improvisation bruitiste
(« Whole Lotta Love »).
En conclusion,
Rival Sons ne déçoit pas. Il continue son exploration
d'un univers Heavy-Rock d'obédience 70's nettement marqué
par les groupes anglais, sans se répéter. Il le
cultive. Cette fois-ci, point de pièces sulfureuses (la
référence n'a plus lieu d'être), ni du genre
noisy ; à la place on pourrait mentionner un
Sasquatch-Zeppelien. D'autres références surgissent
timidement telles que Deep-Purple et les Animals, voire Eric Burdon.
Et en lieu et place des instants Folk-rock, de la Soul torride,
limite « Garage ».
Un petit mot sur
la pochette très proche du foutage de gueule : aucun livret et
le lettrage (donc style craie sur tableau noir) de la pochette
intérieure est difficilement lisible.
(1) Belle
Starr était le surnom de Myra
Maybelle Shirley Reed Starr, une hors-la-loi du XIXème siècle
très connue. Ancien agent des confédérés,
elle aurait basculé dans la criminalité après
avoir rencontrer les frères James et Younger. Mais se serait
plutôt un concours de circonstances qui l'aurait amené à
vivre en marge de la société.
Autres articles sur Rival Sons (liens) :
- "Head Down'" 2012
- "Pressure & Time" 2011
***
Jai' flashé sur ce groupe dès ses premières compos non encore inscrites sur du vinyle, voir même sur un support plus sophistiqué bref, uniquement en chargement sur la toile.
RépondreSupprimerC'est un groupe prometteur, qui apporte un revival des 70' dans leurs compositions. Five stars for me.
Ouaip. J'ai hésité... Toutefois, après moult réflexions, je le trouve un cran en dessous de "Head Down". Ce dernier est peut-être un peu plus inégal, mais il a pour avantage d'avoir plus de pièces marquantes.
SupprimerMaintenant, c'est de la première fraîcheur (sortie le 6/06/14), et donc il est possible qu'avec le temps... mais qu'importe, quoi qu'il en soit, Rival Sons est un très bon groupe qui ne manque pas de caractère. Il pourrait devenir énorme avec un minimum de médiatisation suivit.
Pas mal, mais intro (jusqu'à l'entrée du chant) complètement ratée...J'ai failli arrêter immédiatement.
RépondreSupprimerJe comprend ; à mon sens, Scott joue une fois de trop le riff d'intro. Toutefois, dès lors que l'on connait un peu le titre, cette intro passe beaucoup mieux, elle fait parti d'un tout (et je kiffe la frappe de Miley).
SupprimerJ'avais eu la même sensation avec "Good Luck". Aux premières écoutes, je passai directement à "Secret". Et puis...
(par contre, je zappe encore "The Rich and the Poor")