En voilà un que je n'attendais pas de sitôt. En effet, après son voyage dans le Blues-rock fiévreux au sein de Renegade Creation (lien /clic) avec Michael Landau, suivi du superbe et intemporel « Bring it Back Home » (lien / re-clic), on pouvait estimer que ce brave Robben Ford, à soixante balais passés, allait prendre un repos amplement mérité, histoire de recharger les accus et l'inspiration.
Et que nenni, le voilà qui débarque déjà avec une nouvelle réalisation, « A day in Nashville ».
Si l'ambiance feutrée, aérée et veloutée du précédent album a laissé des traces, les
rythmes chaloupés et jazzy de la Nouvelle-Orléans ont laissé leur place aux clubs de Blues enfumés de Nashville évidemment, mais également d'Austin et du West-side de Chicago.
Même si les accords de jazz-blues, altérés, diminués ou augmentés sont toujours là, le
feeling et le jeu font corps pour se recentrer sur une ambiance plus foncièrement live, sur le fil du rasoir, rugueuse et âpre, avec un timbre de guitare un brin plus crasseux et rouillé qu'à son habitude. La Fender Telecaster 60's a été ressortie. Toutefois ce sont une Gibson LesPaul 68 et une Epiphone Riviera (celle qui pavanait dèjà dans les bras de Robben sur la pochette du disque précédent) qui ont servit à tous les soli. Et côté ampli, c'est toujours le fidèle Dumble Overdrive (1), utilisé depuis des lustres sur ses disques.
Pour recréer cette ambiance authentique, pure, à des années lumières des disques réalisés pendant des mois et étant aujourd'hui souvent le résultat d'un collage de diverses pièces sélectionnées, Robben n'y est pas allé par quatre chemins. En effet, après avoir enseigné à son nouveau Robben Ford Band son matériel inédit au moyen d'une modeste démo élaborée avec sa seule guitare et son chant, il a tout simplement enregistré cet album en une seule journée (!), à l'ancienne, au studio Sound Kitchen, de Nashville, dans des conditions forcément live – où l'on peut d'ailleurs exceptionnellement déceler deux ou trois pains mineurs du maître -.
Les interventions solistes du trombone, des claviers et de la guitare ont cette consistance
et cette intensité que procure la tension du direct, donnant la sensation de quelques sages
improvisations, procurant alors plus d'humanité à la composition. Des envolées qui semblent parfois entraîner la rythmique à leur suite (« Cut Your Loose »). Néanmoins, il s'autorisa, deux semaines plus tard, un bonus de deux ou trois jours pour quelques overdubs personnels.
Parmi les accompagnants on retrouve l'excellent Audley Freed (Cry of Love, Black Crowes, Sheryl Crow) à la guitare, Ricky Peterson (Stevie Nicks, Greg Brown, David Sanborn, Steve Miller, Ben Sidran, John Mayer, Bill Evans) au piano et à l'orgue Hammond B3, Brian Allen (Dolly Parton, Rich Robinson, Jason Isbell) à la basse et la contrebasse, Wes Little (Stevie Wonder, Mary J.Blige, Sting, Beyonce) aux fûts et Barry Green (Larry Carlton, Vince Gill, Tony Bennett) au trombone.
Hormis Robben et Peterson, tous les autres musiciens habitent ou travaillent à Nashville,
d'où le choix du studio.
La grande nouveauté c'est l'incorporation d'un second guitariste. Si Robben prend un grand plaisir à jouer et enregistrer avec ses pairs, (Michael Landau, Larry Carlton) , c'est bien la première fois qu'il délègue une partie de son travail pour un album solo. Un besoin généré par le fait de vouloir enregistrer rapidement, mais également parce que Robben avait une fracture du poignet (!) et qu'il a été dans l'obligation de demander un coup de main pour les rythmiques.
C'est vraiment étonnant, car jamais, dans aucun solo, on a la sensation de quelqu'un de diminué, ou qui se restreint dans ses interventions en favorisant une - relative - simplicité.
Cette fois-ci, le trombone est plus discret, ne s'épanchant vraiment que sur le fédérateur et nonchalant « Ain't Drinkin' Beer no More », l'instrumental funky-blues « Top Down Blues » et sur la pièce la plus jazzy, « Thump and Bump ».
Ici, Robben Ford a fait un grand effort de composition en offrant sept titres personnels sur neuf.
Encore une pièce maîtresse. Un album dans la continuité du précédent, bien qu'un cran au dessous, tout en étant différent, notamment grâce à une couleur Blues plus prononcée. Un Blues urbain et live qui a fait fi du clinquant et de l'apparat des grandes formations, ainsi que du pathos inhérent au Blues-rock.
Depuis quelques années, Robben ne cesse de consolider sa place de figure primordiale de la scène Blues et, à chaque nouvel exploit, il paraît chaque fois un peu plus inapprochable.
Un maître en la matière, dont l'humilité ne fait que renforcer son statut.
1. Green Grass, Rainwater (4:06)
2. Midnight Comes Too Soon (4:57)
3. Ain't Drinkin' Beer No More (5:21)
4. Top Down Blues (5:12)
5. Different People (4:12)
6. Cut You Loose (6:11)
7. Poor Kelly Blues (4:10)
8. Thump And Bump (6:13)
9. Just Another Country Road (3:46)
,80
(1) Amplificateurs haut-de-gamme fait-main par Howard Dumble, déjà onéreux à l'époque, ils atteignent aujourd'hui des prix exorbitants maintenant qu'ils ne sont plus fabriqués. Ou alors, occasionnellement, pour quelques rares musiciens triés sur le volet.
The Trailer
Article paru initialement dans le n° 36 de la revue BCR
article parfait... juste une chose à changer ( j'insiste car je l'avais déjà dit pour le précédent!) cet album est un cran " au dessus" voire deux! du précédent. Je m'étais déjà prononcé sur le côté trop feutré , lancinant de "Bring it back Home"
RépondreSupprimerLà , Robben retrouve un peu la pèche, la niaque qui faisait toute la saveur de ses 5 premiers albums. Après il s'est un peu perdu et on retrouvait dans chaque CD quelques perles mais aussi pas mal d'ennui. En tout cas merci de parler de ce guitariste vraiment talentueux que j'adore quand il met du blues dans son jeu à la base très jazzy. Le mélange est subtil et très personnel avec un son velouteux bien à lui.
Naaan, je change rien. Je trouve même que "Bring it back Home" se bonifie avec le temps.
SupprimerMais effectivement, beaucoup préfère le dernier, "One Day in Nashville". Et j'en comprend les raisons (qui sont d'ailleurs justifiées).
Mais qu'importe : j'assume, je persiste et je signe.
Merci Bluesy, mais c'est un plaisir de faire un "papier" sur un musicien du gabarit de Robben.
SupprimerJ'avais déjà adoré l'album "Bringing it Back Home" commenté il y a quelques temps....
RépondreSupprimerJe l'avais acheté et je crois que je vais récidivé.....
Fais péter la CB Claude, toutefois, je présume que ce dernier disque ne te satisfera pas autant que le précédent.
SupprimerHé ? Claude ? A quand une chronique sur un musicien Blues ou Jazz ?
Houla.... je me sens tout petit et totalement incompétent... pour le Blues ou le Jazz... on ne parle bien que de ce que l'on connaît... Passons un marché : tu écris un com classique (sujet libre) et j'en fais un sur un rocker ou blues-man que j'aime bien.....
SupprimerJ'ai écouté l'album en entier su Deezer... oui, c'est peut-être un poil en dessous mais ça arrivait aussi à Beethoven :o)
Est-ce qu'un certain Richard Clayderman est considéré comme un interprète de musique Classique ?
SupprimerJe le classerais plutôt dans la catégorie "piano de variété". Il joue des petites mélodies sans prise de tête pour les thés dansants.... Rien à voir donc avec cet escroc de André Rieu qui massacre tout ce qu'il touche (voir article déjanté). Cela dit je ne le vois pas bousculer la discographie des ballades de Chopin ou des études d’exécution transcendante de Liszt.....
SupprimerRobben Ford a-t-il jamais fait un mauvais disque?
RépondreSupprimerUn seul, à ma connaissance : "Tiger Walk".
SupprimerMais que valent ses enregistrements avec le frangin ?
J'ai les tribute à Bloomfield, c'est très bien. Tiger walk, il est pas si mauvais que ça.
RépondreSupprimerArgh ! Zut ! Crénom ! J'espérai un coup de sang, mais c'est raté.
RépondreSupprimerHmmmm... Chopin ? Pourtant il me semble bien avoir un souvenir du blondinet exécutant du Chopin.
Bon sinon, j'ai un projet sur Saint-Preux.