samedi 26 avril 2014

Louis Théodore GOUVY : Symphonie N°4 – Jacques MERCIER – par Théophraste Toon



- Bonjour M'sieur Claude… Heuu, vous allez me croire inculte mais… c'est qui ce Louis Theo… Théododore Gouvy ? Vraiment jamais entendu parlé !
- Oh je ne vais pas vous snober Sonia ! Après presque 50 ans de mélomanie, j'ai découvert ce compositeur il n'y a que 6 mois grâce à un ami fureteur…
- Ah oui, encore un compositeur injustement oublié et que vous voulez réhabiliter… C'est quel époque ?
- Un romantique du XIXème siècle, de la génération de Berlioz, occulté par le génie de ce dernier et d'autres pointures allemandes comme Schumann ou Wagner…
- Est-ce une mode ou le début d'un retour en grâce ?
- C'est toujours difficile à dire Sonia… Peut-être pas qu'une mode…

Théodore Gouvy est né dans la Sarre en 1819. C'est malin ! Ainsi, Il est donc d'origine prussienne pour les parisiens de l'époque puisque cette région avait été enlevée à la France après Waterloo en 1815. Pourtant, il est francophone et ses frères ainés sont français… mais dans la France revancharde, Gouvy sera vu comme allemand. Et inversement en Allemagne puisqu'il parle français. Est-ce une des raisons pour laquelle il n'atteindra pas la postérité, c'est possible… En plus il quittera cette terre en 1898… à Leipzig, la patrie de Bach ! Première conséquence de ce statut germanique forcé pour le jeune homme : refus de l'accepter comme élève au conservatoire de Paris. Il suivra des cours particuliers et se perfectionnera lors de voyages outre-Rhin, Leipzig et Berlin entre autres, hauts lieux de la musique en Allemagne. Être parfaitement bilingue a ses avantages. Il ne sera naturalisé Français qu'en 1851.
Comme nombre de musiciens mal aimés en France en ce XIXème siècle, Gouvy va se tourner vers des amis allemands résidant à Paris et sera fasciné par la culture musicale teutonne : de Beethoven à Wagner en passant par Mendelssohn. Il compose beaucoup et du bon : 9 symphonies (un genre peu français), des quintettes et sonates, de la musique pour piano excellente... En tout, environ 160 œuvres que Gouvy aura beaucoup de mal à imposer au concert. En France, l'opéra-comique et l'opérette règnent en maître : Massenet, Halévy et autre Daniel-François-Esprit Auber (tu parles d'un prénom…) occupent le devant de la scène. Ce n'est pas toujours du haut de gamme, mais c'est la mode. Gouvy est un romantique qui écrira des œuvres majoritairement instrumentales dans un univers passionné d'art lyrique. Difficile alors de faire sa place !
Il semble pourtant que Gouvy ait connu un petit succès tant dans notre pays qu'en Allemagne où certains de ses ouvrages seront créés. Cela dit, il disait lui-même "Paris est mon purgatoire". Un autre compositeur qui s'imposa lui aussi avec difficulté, Hector Berlioz, a écrit dans le Journal des Débats du 13 avril 1851 : "Qu'un musicien de l'importance de M. Gouvy soit encore si peu connu à Paris, et que tant de moucherons importunent le public de leur obstiné bourdonnement, c'est de quoi confondre et indigner les esprits naïfs qui croient encore à la raison et à la justice de nos mœurs musicales." (Source Wikipédia).
On pourrait résumer la vie personnelle et artistique de Théodore Gouvy à un éternel déchirement entre la France et l'Allemagne, et cela bien malgré lui. Le résultat sera, qu'à sa mort en 1898, dans le climat nationaliste qui conduira à la boucherie des tranchées, Théodore Gouvy sera oublié par les uns et par les autres ! Début du XXIème siècle, un institut Gouvy voit le jour (Clic). On redécouvre l'homme et son patrimoine musical. Les disques commencent à se faire plus nombreux. Et pour assurer une transition, le chef d'orchestre Jacques Mercier entreprend depuis quelques années l'enregistrement de l'œuvre symphonique pour le label CPO, label spécialiste des causes perdues…
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Le chef d'orchestre Jacques Mercier fait partie de ces musiciens méconnus du tout Paris sans lesquels la musique classique disparaîtrait de la culture hexagonale. Il existe de nombreux orchestres régionaux qui n'ont pas la prétention de rivaliser avec la virtuosité des philharmonies de Berlin, Vienne ou Chicago, mais offrent au public des grandes villes françaises des programmes variés et de très bon niveau (Bordeaux, Lyon…). Et de citer aussi l'orchestre National de Lille et son créateur et directeur Jean-Claude Casadesus qui a hisser sa formation au plus haut niveau depuis près de 40 ans (encore une sujet de chronique).
Pour revenir à l'artiste du jour, Jacques Mercier, né en 1945, a suivi une formation solide au conservatoire de Paris où il obtient le premier prix en classe de direction d'orchestre. En 1972 il est lauréat du très difficile concours des jeunes chefs d'orchestre de Besançon. (Seiji Ozawa l'avait reçu en 1959… vous voyez le niveau.)
Jacques Mercier a dirigé l'orchestre d'Ile de France de 1982 à 2002, tout en poursuivant une carrière internationale en dirigeant des phalanges prestigieuses. En 2002, il succède à Emmanuel Krivine comme patron de l'Orchestre national de Lorraine. Il a enregistré avec cet ensemble des œuvres mal connues de Florent Schmitt (compositeur intéressant, quoique collabo plutôt ambigüe pendant les années noires de la montée du nazisme et de l'occupation).
Avec la Deutsche Radio Philharmonie de Sarrebruck, Jacques Mercier a entrepris l'enregistrement des symphonies et œuvres orchestrales de Gouvy. Quatre albums sont déjà parus.

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Nous sommes en 1856, année de composition de la quatrième symphonie de Théodore Gouvy. Problème : comment en assurer la création. Dans le Paris du second-empire, seul l'orchestre des Concerts du Conservatoire a pignon sur rue et ne joue que de la musique anglo-saxonne : Mozart, Beethoven, aucune originalité. Aucune place est donnée aux jeunes compositeurs français. Berlioz en saura quelque chose… Les plus jeunes musiciens de cet ensemble de prestige, au programme pour le moins classique, fondent la "Société des jeunes artistes du Conservatoire". Un projet engagé en 1853 par Jules Pasdeloup, un chef qui créera Les concerts Pasdeloup en 1861 (une des plus anciennes sociétés de musique encore en activité.)
C'est donc sous la baguette du robuste chef, que l'œuvre va être créée. Charles Gounod, présent à la première, sera plus enthousiasmé que le compositeur lui-même qui quittera la salle juste avant le final dont il n'est pas satisfait. Il le remaniera ultérieurement.
Assez bavarder, écoutons cette symphonie :
1 – Allegro : Un violent coup de timbale suivi d'une introduction échevelée témoigne immédiatement des talents de symphoniste de Gouvy, grand admirateur de Beethoven. La force brutale de ces premières mesures n'est pas sans évoquer le style beethovénien avec ses motifs de quelques notes qui frappent et captent l'auditoire d'emblée. L'orchestration est d'ailleurs celle en vigueur à cette époque : des cordes, une harmonie type 2/2/2/2, quelques cuivres et les timbales. Après cette sombre et tumultueuse entrée en matière, le développement et les autres thèmes prolongent le mouvement d'une rythmique sauvage et colorée. Si le style semble rester assez classique par sa forme sonate, le climat est volontairement romantique. On y entend des échos de Weber (celui du Freischutz), un soupçon de Mendelssohn (celui de la symphonie écossaise de 1842 ou de l'ouverture des Nouvelles Hébrides). Plagiat, influences trop marquées ? Non, le style pathétique et énergique de cet allegro est très particulier. Mais il est vrai que Gouvy n'est pas insensible au style romantique de ses confrères allemands et autrichiens. Jacques Mercier dirige avec fougue et poésie. Tout le charme de sa direction repose sur une nette alternance entre les thèmes les plus farouches et les thèmes élégiaques. Son orchestre sonne très bien, la mise en place est idéale pour une musique de cette époque (cordes omniprésentes, petite harmonie un rien discrète). J'avoue que j'ai adhéré dès la première écoute.
2 – Scherzo : Allegro Vivace : Cet intermède se veut fantasque. Je trouve dans ce passage des accents sonores plus français à l'instar de ceux que l'on entendra quelques années plus tard chez Bizet. On retrouve de nouveau ces motifs brefs et percutants que Jacques Mercier enchaînent dans une bacchanale. L'excellent livret qui accompagne le CD parle de musique sombre et tragique. Je ne suis pas complètement de cet avis. Si on peut admettre cette expression pour l'orageux allegro, dans ce Scherzo, on est plutôt face à une belle vitalité… Le commentaire musical n'étant pas une science exacte…
3 – Intermezzo – Larghetto : Des les premières mesures, on songe à une valse triste. Avec un rythme à 9/8 ce n'est pas une valse, bien entendu, mais Théodore Gouvy nous entraîne dans une soirée mondaine où quelques danseurs un peu las vivent la nostalgie d'une aube naissante. Jacques Mercier a bien noté le terme Larghetto et non andante sur la partition. La direction du chef est soutenue, élégante, et surtout n'accélère pas pour ne pas rompre la rêverie. Dans les redécouvertes de partitions oubliées surgies de "l'enfer" des bibliothèques, on se dit parfois "elles y étaient bien" ! Ici, au contraire, le style chaloupé, tendre et crépusculaire n'a rien à envier à bien des pages dues à la plume des compositeurs les plus en vues. Le dialogue entre les flûtes, bois et les cordes se fait féérique dans la partie centrale. Une exhumation qui se révèle de pages en pages bénéfiques.
4 - Finale : Allegro con brio : le final retrouve l'énergie de l'allegro initial, le pathétisme en moins. Gouvy n'avait pas tort ; une petite déception. Le trait reste brillant, l'écriture impeccable comme dans le larghetto, mais on sent un petit essoufflement dans l'inspiration, un manque d'originalité. Il faut savoir que beaucoup de compositeurs ont rencontré ce problème, je pense aux symphonies de jeunesse de Dvorak. Gouvy ayant eu la bonne idée de faire court (6'24") et martial. On reste donc sur une bonne impression globale.
L'album est complété par une Symphonie brève et une fantaisie symphonique qui s'écoute avec grand plaisir. L'écriture y est inventive et d'une grande légèreté. La direction précise de jacques Mercier n'est pas pour rien dans cette résurrection qui s'imposait.
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Evidement, pas de discographie alternative cette semaine. On verra dans quelques décennies. Par contre, j'ai écouté quelques disques (ou extraits) pour me faire une petite idée du patrimoine du compositeur. Premier coup de cœur : les trios interprétés avec allégresse par Voces Intimae. L'association Mémoire Musicale de Lorraine n'a pas oublié que Gouvy a résidé longtemps en Moselle et sponsorise divers enregistrements du compositeur. Le CD consacré à la sonate pour piano et violon, œuvre de maturité comparée par les spécialiste à celle de Franck, est à connaître. On trouve ce disque sur le site de l'association ou via le web.

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La symphonie N°4 de Théodore Gouvy dans l'interprétation de Jacques Mercier. (Un enregistrement Live.)


4 commentaires:

  1. Théodore Gouvy...??? Alors la tu ma séché !! Jamais entendus ce nom, pourtant ayant lu les mémoires de Hector Berlioz, une trace de ce musicien méconnu doit apparaitre quelques part ? Sinon à l'écoute, cette symphonie est très agréable. Des sonorité rappelant Weber ? Mendelssohn ? oui, mais aussi un peut de Brahms (romantisme oblige). Beau troisième mouvement l' intermezzo..
    Jacques Mercier que j'avais vu à Brétigny avec l'orchestre d'Ile de France dans les années 80 (85 ?) (A l'époque il n'avait pas un cheveux blanc).
    Tu parles aussi de Florent Schmitt qui pour l'anecdote applaudissait comme un fous à la première du boléro de Ravel le soir du 22 novembre 1928.
    En tous cas pour moi, Théodore Gouvy ne sera plus un simple nom que j'aurais pus lire dans le bottin des P.T.T !

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    1. tu as raison Pat, je pense même que ce Théodore Gouvy est une pure invention de Claude....

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    2. Non, non Rockin...! Théodore Grouvy à vraiment existé (Tu m'as fait douter ! Mais venant de Claude quand même... ! ). Il a écrit 9 symphonies (autant que Beethoven), un requiem (comme Duruflé, Berlioz, Mozart et Verdi), deux opéras et plein d'autre petites choses.

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    3. Inventeur, inventeur, est-ce que j'ai une g**e d'inventeur de compositeurs en kit avec CD et vidéos ???

      Et si je parle d'Antonio Casimir Cartellieri, Eduard Erdmann, Wilhelm Stenhammar , Kurt Atterberg … hein… On me dis quoi ?

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