- Bonjour M'sieur
Claude… Heuu, vous allez me croire inculte mais… c'est qui ce Louis Theo…
Théododore Gouvy ? Vraiment jamais entendu parlé !
- Oh je ne vais pas vous
snober Sonia ! Après presque 50 ans de mélomanie, j'ai découvert ce compositeur
il n'y a que 6 mois grâce à un ami fureteur…
- Ah oui, encore un
compositeur injustement oublié et que vous voulez réhabiliter… C'est quel
époque ?
- Un romantique du XIXème
siècle, de la génération de Berlioz, occulté par le génie de ce dernier et
d'autres pointures allemandes comme Schumann ou Wagner…
- Est-ce une mode ou le
début d'un retour en grâce ?
- C'est toujours
difficile à dire Sonia… Peut-être pas qu'une mode…
Théodore Gouvy est né dans la Sarre en 1819. C'est
malin ! Ainsi, Il est donc d'origine prussienne pour les parisiens de l'époque puisque
cette région avait été enlevée à la France après Waterloo en 1815. Pourtant, il
est francophone et ses frères ainés sont français… mais dans la France
revancharde, Gouvy sera vu comme
allemand. Et inversement en Allemagne puisqu'il parle français. Est-ce une des
raisons pour laquelle il n'atteindra pas la postérité, c'est possible… En plus
il quittera cette terre en 1898… à Leipzig,
la patrie de Bach ! Première conséquence de
ce statut germanique forcé pour le jeune homme : refus de l'accepter comme
élève au conservatoire de Paris. Il suivra des cours particuliers et se
perfectionnera lors de voyages outre-Rhin, Leipzig et Berlin entre autres,
hauts lieux de la musique en Allemagne. Être parfaitement bilingue a ses
avantages. Il ne sera naturalisé Français qu'en 1851.
Comme
nombre de musiciens mal aimés en France en ce XIXème siècle, Gouvy va se tourner vers des amis
allemands résidant à Paris et sera fasciné par la culture musicale teutonne :
de Beethoven à Wagner
en passant par Mendelssohn. Il compose
beaucoup et du bon : 9 symphonies (un genre peu français), des quintettes et sonates, de la musique pour piano excellente...
En tout, environ 160 œuvres que Gouvy
aura beaucoup de mal à imposer au concert. En France, l'opéra-comique et
l'opérette règnent en maître : Massenet,
Halévy et autre Daniel-François-Esprit
Auber (tu parles d'un prénom…) occupent le devant de la scène. Ce
n'est pas toujours du haut de gamme, mais c'est la mode. Gouvy est un
romantique qui écrira des œuvres majoritairement instrumentales dans un univers
passionné d'art lyrique. Difficile alors de faire sa place !
Il
semble pourtant que Gouvy ait connu un petit
succès tant dans notre pays qu'en Allemagne où certains de ses ouvrages seront
créés. Cela dit, il disait lui-même "Paris est mon
purgatoire". Un autre compositeur qui s'imposa lui aussi avec
difficulté, Hector Berlioz, a écrit dans le Journal des Débats du 13 avril 1851 : "Qu'un
musicien de l'importance de M. Gouvy soit encore si peu connu à Paris, et que
tant de moucherons importunent le public de leur obstiné bourdonnement, c'est
de quoi confondre et indigner les esprits naïfs qui croient encore à la raison
et à la justice de nos mœurs musicales." (Source Wikipédia).
On
pourrait résumer la vie personnelle et artistique de Théodore
Gouvy à un éternel déchirement entre la France et l'Allemagne,
et cela bien malgré lui. Le résultat sera, qu'à sa mort en 1898, dans le climat nationaliste qui conduira à la boucherie des
tranchées, Théodore Gouvy sera oublié
par les uns et par les autres ! Début du XXIème siècle, un institut Gouvy voit le jour (Clic). On redécouvre l'homme et
son patrimoine musical. Les disques commencent à se faire plus nombreux. Et pour
assurer une transition, le chef d'orchestre Jacques
Mercier entreprend depuis quelques années l'enregistrement de l'œuvre symphonique pour
le label CPO, label spécialiste des causes
perdues…
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Le
chef d'orchestre Jacques Mercier fait partie
de ces musiciens méconnus du tout Paris sans lesquels la musique classique
disparaîtrait de la culture hexagonale. Il existe de nombreux orchestres
régionaux qui n'ont pas la prétention de rivaliser avec la virtuosité des
philharmonies de Berlin, Vienne ou Chicago, mais offrent au public des grandes
villes françaises des programmes variés et de très bon niveau (Bordeaux, Lyon…).
Et de citer aussi l'orchestre National de Lille
et son créateur et directeur Jean-Claude Casadesus
qui a hisser sa formation au plus haut niveau depuis près de 40 ans (encore une
sujet de chronique).
Pour
revenir à l'artiste du jour, Jacques Mercier,
né en 1945, a suivi une formation
solide au conservatoire de Paris où il obtient le premier prix en classe de
direction d'orchestre. En 1972 il
est lauréat du très difficile concours des jeunes chefs d'orchestre de
Besançon. (Seiji Ozawa l'avait reçu en 1959…
vous voyez le niveau.)
Jacques Mercier a dirigé l'orchestre d'Ile de France de 1982 à 2002, tout en poursuivant une carrière
internationale en dirigeant des phalanges prestigieuses. En 2002, il
succède à Emmanuel Krivine comme patron de l'Orchestre national de Lorraine. Il a
enregistré avec cet ensemble des œuvres mal connues de Florent
Schmitt (compositeur intéressant, quoique collabo plutôt ambigüe
pendant les années noires de la montée du nazisme et de l'occupation).
Avec
la Deutsche Radio Philharmonie de Sarrebruck,
Jacques Mercier a entrepris
l'enregistrement des symphonies et œuvres orchestrales de Gouvy.
Quatre albums sont déjà parus.
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Nous
sommes en 1856, année de composition de la quatrième
symphonie de Théodore Gouvy.
Problème : comment en assurer la création. Dans le Paris du second-empire, seul
l'orchestre des Concerts du Conservatoire a pignon sur rue et ne joue que de
la musique anglo-saxonne : Mozart,
Beethoven, aucune originalité. Aucune
place est donnée aux jeunes compositeurs français. Berlioz en saura quelque chose…
Les plus jeunes musiciens de cet ensemble de prestige, au programme pour le
moins classique, fondent la "Société des jeunes artistes du Conservatoire".
Un projet engagé en 1853 par Jules Pasdeloup, un chef qui créera Les concerts
Pasdeloup en 1861 (une des plus anciennes sociétés de musique encore en
activité.)
C'est
donc sous la baguette du robuste chef, que l'œuvre va être créée. Charles
Gounod, présent à la première, sera plus enthousiasmé que le compositeur
lui-même qui quittera la salle juste avant le final dont il n'est pas satisfait.
Il le remaniera ultérieurement.
Assez
bavarder, écoutons cette symphonie :
1 – Allegro : Un violent
coup de timbale suivi d'une introduction échevelée témoigne immédiatement des
talents de symphoniste de Gouvy,
grand admirateur de Beethoven. La force brutale
de ces premières mesures n'est pas sans évoquer le style beethovénien avec ses
motifs de quelques notes qui frappent et captent l'auditoire d'emblée.
L'orchestration est d'ailleurs celle en vigueur à cette époque : des cordes,
une harmonie type 2/2/2/2, quelques cuivres et les timbales. Après cette sombre
et tumultueuse entrée en matière, le développement et les autres thèmes
prolongent le mouvement d'une rythmique sauvage et colorée. Si le style semble
rester assez classique par sa forme sonate, le climat est volontairement romantique.
On y entend des échos de Weber (celui du Freischutz), un soupçon de Mendelssohn (celui de la symphonie écossaise de 1842 ou de l'ouverture des Nouvelles
Hébrides). Plagiat, influences trop marquées ? Non, le style
pathétique et énergique de cet allegro est très particulier. Mais il est vrai
que Gouvy n'est pas insensible au style
romantique de ses confrères allemands et autrichiens. Jacques
Mercier dirige avec fougue et poésie. Tout
le charme de sa direction repose sur une nette alternance entre les thèmes les
plus farouches et les thèmes élégiaques. Son orchestre sonne très bien, la
mise en place est idéale pour une musique de cette époque (cordes omniprésentes,
petite harmonie un rien discrète). J'avoue que j'ai adhéré dès la première
écoute.
2 – Scherzo : Allegro
Vivace
: Cet intermède se veut fantasque. Je trouve dans ce passage des accents sonores plus français
à l'instar de ceux que l'on entendra quelques années plus tard chez Bizet.
On retrouve de nouveau ces motifs brefs et percutants que Jacques
Mercier enchaînent dans une bacchanale. L'excellent livret qui
accompagne le CD parle de musique sombre et tragique. Je ne suis pas
complètement de cet avis. Si on peut admettre cette expression pour l'orageux
allegro, dans ce Scherzo, on est plutôt face à une belle vitalité… Le commentaire
musical n'étant pas une science exacte…
3 – Intermezzo –
Larghetto
: Des les premières mesures, on songe à une valse triste. Avec un rythme à 9/8
ce n'est pas une valse, bien entendu, mais Théodore Gouvy
nous entraîne dans une soirée mondaine où quelques danseurs un peu las vivent
la nostalgie d'une aube naissante. Jacques Mercier
a bien noté le terme Larghetto et non andante sur la partition. La
direction du chef est soutenue, élégante, et surtout n'accélère pas pour ne pas
rompre la rêverie. Dans les redécouvertes de partitions oubliées surgies de
"l'enfer" des bibliothèques, on se dit parfois "elles y étaient
bien" ! Ici, au contraire, le style chaloupé, tendre et crépusculaire
n'a rien à envier à bien des pages dues à la plume des compositeurs les plus en
vues. Le dialogue entre les flûtes, bois et les cordes se fait féérique dans la
partie centrale. Une exhumation qui se révèle de pages en pages bénéfiques.
4 - Finale : Allegro con
brio
: le final retrouve l'énergie de l'allegro initial, le pathétisme en moins. Gouvy
n'avait pas tort ; une petite déception. Le trait reste
brillant, l'écriture impeccable comme dans le larghetto, mais on sent un petit essoufflement
dans l'inspiration, un manque d'originalité. Il faut savoir que beaucoup de
compositeurs ont rencontré ce problème, je pense aux symphonies de jeunesse de Dvorak. Gouvy
ayant eu la bonne idée de faire court (6'24") et martial. On reste donc
sur une bonne impression globale.
L'album
est complété par une Symphonie brève et une fantaisie symphonique qui s'écoute
avec grand plaisir. L'écriture y est inventive et d'une grande légèreté. La
direction précise de jacques Mercier n'est pas pour rien dans cette
résurrection qui s'imposait.
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Evidement,
pas de discographie alternative cette semaine. On verra dans quelques décennies.
Par contre, j'ai écouté quelques disques (ou extraits) pour me faire une petite
idée du patrimoine du compositeur. Premier coup de cœur : les trios interprétés
avec allégresse par Voces Intimae. L'association Mémoire Musicale de Lorraine n'a pas oublié que Gouvy a résidé longtemps en Moselle et
sponsorise divers enregistrements du compositeur. Le CD consacré à la sonate pour piano et violon, œuvre de
maturité comparée par les spécialiste à celle de Franck,
est à connaître. On trouve ce disque sur le site de l'association ou via le web.
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La symphonie N°4 de Théodore
Gouvy dans l'interprétation de Jacques
Mercier. (Un enregistrement Live.)
Théodore Gouvy...??? Alors la tu ma séché !! Jamais entendus ce nom, pourtant ayant lu les mémoires de Hector Berlioz, une trace de ce musicien méconnu doit apparaitre quelques part ? Sinon à l'écoute, cette symphonie est très agréable. Des sonorité rappelant Weber ? Mendelssohn ? oui, mais aussi un peut de Brahms (romantisme oblige). Beau troisième mouvement l' intermezzo..
RépondreSupprimerJacques Mercier que j'avais vu à Brétigny avec l'orchestre d'Ile de France dans les années 80 (85 ?) (A l'époque il n'avait pas un cheveux blanc).
Tu parles aussi de Florent Schmitt qui pour l'anecdote applaudissait comme un fous à la première du boléro de Ravel le soir du 22 novembre 1928.
En tous cas pour moi, Théodore Gouvy ne sera plus un simple nom que j'aurais pus lire dans le bottin des P.T.T !
tu as raison Pat, je pense même que ce Théodore Gouvy est une pure invention de Claude....
SupprimerNon, non Rockin...! Théodore Grouvy à vraiment existé (Tu m'as fait douter ! Mais venant de Claude quand même... ! ). Il a écrit 9 symphonies (autant que Beethoven), un requiem (comme Duruflé, Berlioz, Mozart et Verdi), deux opéras et plein d'autre petites choses.
SupprimerInventeur, inventeur, est-ce que j'ai une g**e d'inventeur de compositeurs en kit avec CD et vidéos ???
SupprimerEt si je parle d'Antonio Casimir Cartellieri, Eduard Erdmann, Wilhelm Stenhammar , Kurt Atterberg … hein… On me dis quoi ?