mercredi 5 mars 2014

TRUTH & JANEY "No Rest for the Wicked" (1976) - By Bruno

     


      Dans la série réservée aux « losers magnifiques », de ceux qui ont disparu après l'accomplissement du fameux disque à enregistrer, épuisés par des années d'efforts et de persévérance, voici un nouveau classique. Un classique, car reconnu comme tel par les explorateurs du genre, les fouineurs des marchés aux puces, les mordus du Rock 70's, les docteurs ès-Musique-rock. Un opus souvent élevé au rang de "Must", d'incontournable dans le genre Hard-blues ou Classic-Rock millésimé 70's.  
 

    Il s'agit ici d'une réédition qui tient du miracle. En effet, à l'origine, ce disque a été pressé à seulement 1000 exemplaires, avec comme unique prétention de satisfaire les fans de la région. La rareté et la qualité de cet opus l'érigèrent au rang de galette « culte ». Un des collectors les plus recherché (l'original est proposé à des prix allant de 370 $ à plus de 800 €). Brigué par des collectionneurs passionnés, et encensé par la presse spécialisée (américaine), « No Rest for the Wicked » fit l'objet d'une première réédition sur Recession Records, avec en bonus des titres live. Puis, ce fut le tour à Monster Records, qui présente un produit bien fini avec un livret copieux et attrayant, plus quelques quatre bonus. Et ensuite, fort d'un relatif succès, c'est Vintage, une annexe de Rockadrome spécialisée dans le Classic Rock 70's qui s'est attelé à l'édition d'une troisième réédition. Belle revanche pour un groupe qui doutait de son succès.

     Truth & Janey est la réalisation du projet du jeune Billy Lee Janey. Les débuts de l'aventure commence en 1969, avec le batteur John Fillingsworth et le bassiste Steve Bock. Le groupe se nomme alors simplement « Truth », en hommage à l'album du même nom du Jeff Beck Group sorti en 1968. Ce qu'ils souhaitent alors, c'est de surfer sur la vague des power trio tels que le Jimi Hendrix Experience et Cream. Fillingsworth est remplacé plus tard par Denis Bunce. Cette mouture restera inchangée jusqu'à la rupture.

     En 1972, le groupe enregistre un premier 45 tours comportant « Midnight Horsemen » et une version intéressante du « Under My Thumb » des Rolling Stones en face B. Deuxième 45 tours en 1973 avec « Around and Around » et « Straight Eight Pontiac ». Ces deux simples, qui avaient été pressé à peu d'exemplaires (Janey en annonce mille pour le premier), servent de bonus pour les rééditions de Monster Records et de Vintage-Rockadrome.
C'est après le second single que le trio étoffe leur patronyme d'un «and Janey ».
Le collectif parvient à survivre, et même à être engagé pour faire la première partie de Leslie West (qui les amène jusqu'au Canada), de Ted Nugent, de Siefel-Schwall Band et de Blue Öyester Cult (avec ce dernier, c'est l'occasion de se produire à Davenport, Iowa, devant 20 000 spectateurs), mais en dépit d'un noyau dur de fans locaux, sa carrière ne décolle pas.
En 1976, rassemblant ses économies, le trio finance lui-même la réalisation de leur disque, sur un petit label de leur état, Montross Records. Malheureusement, le tirage, limité à mille exemplaires, est indéniablement insuffisant. Les fans de la région s'en emparent et, évidemment, le stock fut vite épuisé, ne laissant ainsi aucune possibilité de laisser une trace matérielle hors de leurs frontières.

     La pochette annonce la couleur : Gibson Firebird, cymbale et baguettes de batterie fichées dans la terre, et surtout, au premier plan, une main sortant d'une tombe tendu vers un Marshall Super-Lead double-corps (bien qu'apparemment Janey se branchait dans un ampli Fender, et dans un Ampeg V4 à ses débuts), comme si c'était le Graal, une source de vie ou de renaissance, de salut. Il s'agit bien de Hard-rock pur et dur (mais pas bourrin), sans concession, ni fioritures, même si l'on retrouve quelques légères touches psychédéliques sur « Remember ». Pratiquement une bombe artisanale, certes, mais qui n'est pas moins aussi puissante
 que nombre de réalisations à gros budget de cette décennie ; une pièce à manipuler avec précautions, porteuse de dégâts incendiaires et de déflagrations sonores savantes.

     « No rest for the wicked » est donc le résultat d'un power-trio, jouant par passion, pour le plaisir de la scène, autant influencé par le Blues halluciné et transfiguré de Cream, du Jeff Beck Group (de 68-69) et de Jimi Hendrix, que par un Hard-Blues décliné par des groupes tels que Mountain (de bien nombreux plans, surtout à la basse), Cactus, Three Man Army, Granicus ou Grand Funk Railroad. Néanmoins, les groupes américains nommés semblent avoir eu un impact plus marquant et définitif dans la structure des chansons, ainsi que pour le son. Bien qu'enregistré en 1976, la musique de « Truth and Janey » est nettement ancrée dans la première partie des 70's et la fin des 60's (68/69).
Deux reprises de Blues s'incrustent parmi ces brûlots : une excellente version du « I'm Ready » de Willie Dixon (pour Muddy Waters) sonnant parfois comme le Foghat de 72/73, et « Ain't no Tellin' » de Mississippi John Hurt, qui a bien plus de points communs avec Mountain qu'avec le style de son géniteur.

    Le jeu Billy Lee Janey évoque celui de Leslie West, en moins lourd toutefois, avec une touche de Ted Nugent ère Amboy Dukes, ou encore de Jim McCarthy. Bien qu'il joue sur Gibson Firebird et sur une Fender Stratocaster 67, ses parties de gratte respirent plus la Gibson Melody Maker ou la LesPaul. La basse, elle, descend en droite ligne de celles de Felix Pappalardi et de Tim Bogert, autant par le son que par la dextérité. Steve Brock utilise une basse Gibson SG, comme Jack Bruce (Pappalardi utilisait aussi une basse Gibson, mais un modèle EB-1 dit "violin bass"). La batterie évoque le jeu de Louie Farrell (Gun) et de Corky Laing (références plus marquées sur le live édité dix après la rupture du groupe).
 

   Les rééditions CD sont pourvus de quatre bons bonus issus des enregistrements de 45 tours antérieurs, qui, hormis le brillant Hard-blues « Midnight Horsemen », sont plutôt dans une veine Rock'n'Roll avec une tendance « Garage ». Avec « Around & Around », d'inspiration « Chuck Berry joué par Hendrix (
remember « Johnny be Good » incendié par le gaucher ?), une reprise acérée, un peu accélérée d' « Under my Thumb » où le batteur se prend pour Keith Moon, et « Straight Eight Pontiac » lorgnant vers les Flamin Groovies avec un harmonica qui donne une touche Canned Heat.

      Des enregistrements débutent en vue d'un second opus mais le combo se sépare avant la finalisation. Vers la fin de l'année 1978, c'est le split.
En 1979, après la rupture, sort « Just a Little Bit of Magic » sur un autre obscur label, Bee Bee Records. La musique a mué : moins hard, elle inclue désormais des éléments Jazz et Funk. Ce dernier effort est bien loin d'avoir marqué les mémoires, et est tombé dans l'oubli.
En 1988, Rock And Bach Records édite un double live : "Erupts !". Huit titres captés lors d'un concert au Col. Ballroom de Davenport en 1976 qui expose un power-trio en pleine possession de ses moyens, avec une guitare énorme, aux effets maîtrisés, une basse vrombissante, agile et présente, et une batterie agressive. Improvisations et pièces inédites sont aux programmes, avec un "Tunnel of Tomorrow" qui transpire le Hendrix par tous les pores et un "White Bread" au riff ZZ-Topien. Contre toute attente, pour un obscur combo sans grands moyens, le son est bon. 

     Billy Lee Janey continue la musique, en solo, en se consacrant à un Blues-rock de haut niveau, qui lui valu d'être nominé par les Grammy Awards et le Blue's Halls of Flame.

     Denis Bunce quitte la musique, et Steve Bock part en Californie rejoindre un groupe plus commercial, Nowhere Fast. 

     Truth & Janey a été intronisé au Rock'n'Roll of Fame de l'Iowa en 2005.


1 - Down the Road I Go - 3:59
2 - The Light - 5:43
3 - I'm Ready - 3:30
4 - Remember [a, A Child ; b, Building Walls]- 9:04
5 - No Rest for the Wicked - 4:48
6 - It's All Above Us - 4:23
7 - Ain't No Tellin  - 3:38
8 - My Mind - 5:57
9 - Midnight Horsemen 3:08 
10 - Around and Around 2:19
11 - Under My Thumb - 3:43

12 - Straight Eight Pontiac - 2:19




6 commentaires:

  1. J'ai et j'aime! Découvert il y a quelques temps grâce à un commentaire sur un site bien connu.....You see what I mean......

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  2. ce 1er opus, que du bonheur !
    Comme j'avais déjà échangé avec toi mon Nono, le second Lp est moins attachant ( souvent le cas sur des Combos qui démarrent de façon fulgurante ).
    Le Live décoiffe.

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  3. Shuffle.6/3/14 19:59

    Pas mal du tout, mais un peu cher... Je ne connaissais pas. Le chant ressemble furieusement à BOC. Le live Erupts, il vaut quoi?

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    1. Le live est pas mal, la prise de son est légère...

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    2. Légère ?? Elle est bonne. Truth & Janey s'y révèle plus lourd et percutant, se plaçant entre entre Cream et West, Bruce & Laing. Steve Bock et Denis Bunce se montrent particulièrement performants.
      La captation est étonnement bonne pour un groupe de cet acabit. D'autant plus surprenant que, dans la même période, il y a eu quelques groupes, de grosses machines bien huilées, bien cotés commercialement parlant, qui mit sur le marché des enregistrements live dotés d'un son médiocre.

      Il y a effectivement parfois quelques réminiscences du BÖC dans le chant ; de Jack Bruce également.

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  4. Shuffle.7/3/14 21:11

    Bon. Je vais peut-être acheter le premier.

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