Honnêtement, ce n'était pas prévu ! Mais il était de circonstance de diffuser un article sur le premier et sans doute plus célèbre film d'Alain Resnais, disparu le 2 mars 2014, à l'âge de 91 ans. Impossible de revenir un quelques lignes sur une carrière aussi riche. Resnais était un novateur, équivalent au cinéma de ce qu'on nomme le Nouveau Roman. Il a redéfini une manière de faire, de tourner, d'écrire et de monter un film, dans HIROSHIMA, mais aussi JE T'AIME, JE T'AIME (1968). A la manière d'un sculpteur, les mains dans la glaise, qui malaxe, travaille, cherche de nouvelles directions, choisit de donner une autre représentation de son sujet. Alors quand un type fait ça, qu'il ne fait pas comme les autres, on se méfie. Comme dans la chanson de Pierre Vassilu qu'est ce qui fait, qu'est ce qu'il a, qui c'est ce type là... Ca doit être forcément chiant, incompréhensible. Mais si on lui a collé une étiquette de cinéaste intello, engagé (il a abordé des sujets politiques, polémiques comme la torture en Algérie dans MURIEL en 63) exigeant et s'il est certain que son travail n'est pas aussi abordable que celui de Claude Zidi - L’ANNÉE DERNIÈRE A MARIENBAD (1961) n'est pas un modèle de comique-troupier - Alain Resnais a pourtant livré depuis 20 ans des films légers, ludiques, amusants, notamment avec la collaboration au scénario de Jean Pierre Bacri et Agnès Jaoui. Ca a donné le jubilatoire SMOKING/NO SMOKING (1993), tellement original, dans sa construction et dans sa mise en image, ou ON CONNAIT LA CHANSON (1997) où les émois intérieurs de ses personnages prenaient la forme d'extraits de chansons de variété.
Citons aussi PROVIDENCE (1977) tourné en anglais, avec Dirk Bogarde et John Gielgud, aux relents psychanalytiques, et MON ONCLE D'AMERIQUE (1980) avec Roger Pierre et Gérard Depardieu, un de ses grands succès public. Il y a eu aussi des films plus linéaires, plus "classiques" comme LA GUERRE EST FINIE (1966) avec Yves Montand, et comme Godard ou Truffaut, il embauche une star populaire, Jean Paul Belmondo, dans STAVISKY (1974) qui fait un très grand nombre d'entrées. Tordons le cou à une idée reçue... Les films de Resnais n'étaient pas d'obscurs essais hermétiques ou expérimentaux pour rats de laboratoire. Le public allait les voir !
C'est un réalisateur qui n'a pas cessé de trouver de nouvelles idées, jamais refaire le même film, ne pas se contenter d'un style, chercher dans les sujets qu'on lui proposait (il n'était pas scénariste, et se considérait comme un cinéaste de commande !) de quoi créer une forme nouvelle, tout en se raccrochant à ses thèmes de prédilection : le souvenir, la mémoire, les liens entre les arts, la science, la mort, la guerre... Alain Resnais est aussi connu pour s'entourer de la même troupe d'acteur, Pierre Arditi, Sabine Azéma (sa femme), André Dussolier, Lambert Wilson... Là encore, une manière pour lui de jouer avec cette "matière" qu'est le comédien, donner à un homme le rôle d'une femme, donner à un même comédien des rôles différents dans le même film, de composer et décomposer des couples à l'écran.
En fait, le problème avec le cinéma d'Alain Resnais, c'est qu'il est unique. Il ne s'inspire pas d'autres cinéastes, et n'a pas d'équivalent. On ne peut pas le relier à un courant, un style, même s'il a fréquenté des gens comme Bazin, Chris Maker, Agnès Varda, avec qui il y avait une filiation dans la manière d'appréhender le cinéma. Ca fait tellement con de dire "avec Alain Resnais disparait un des plus grands hommes de cinéma... bla bla bla...".
Sauf que là, c'est vrai !
Voici donc la chronique de HIROSHIMA MON AMOUR, écrite il y a un mois.
Non, restez ! Partez pas ! Arrrghhh… C’est le problème avec quelques-uns, dont Alain Resnais, dès qu’on entend son nom, tout le monde se planque. De loin on admire, on salue, on respecte le Grand Homme, parce que tout le monde le fait il doit bien y avoir une raison. Ce type doit avoir un peu de talent… mais là… HIROSHIMA, non pitié, pas ce truc dont on dit partout que c’est chiant comme la lune. Ben non. Ce n’est pas.
Citons aussi PROVIDENCE (1977) tourné en anglais, avec Dirk Bogarde et John Gielgud, aux relents psychanalytiques, et MON ONCLE D'AMERIQUE (1980) avec Roger Pierre et Gérard Depardieu, un de ses grands succès public. Il y a eu aussi des films plus linéaires, plus "classiques" comme LA GUERRE EST FINIE (1966) avec Yves Montand, et comme Godard ou Truffaut, il embauche une star populaire, Jean Paul Belmondo, dans STAVISKY (1974) qui fait un très grand nombre d'entrées. Tordons le cou à une idée reçue... Les films de Resnais n'étaient pas d'obscurs essais hermétiques ou expérimentaux pour rats de laboratoire. Le public allait les voir !
C'est un réalisateur qui n'a pas cessé de trouver de nouvelles idées, jamais refaire le même film, ne pas se contenter d'un style, chercher dans les sujets qu'on lui proposait (il n'était pas scénariste, et se considérait comme un cinéaste de commande !) de quoi créer une forme nouvelle, tout en se raccrochant à ses thèmes de prédilection : le souvenir, la mémoire, les liens entre les arts, la science, la mort, la guerre... Alain Resnais est aussi connu pour s'entourer de la même troupe d'acteur, Pierre Arditi, Sabine Azéma (sa femme), André Dussolier, Lambert Wilson... Là encore, une manière pour lui de jouer avec cette "matière" qu'est le comédien, donner à un homme le rôle d'une femme, donner à un même comédien des rôles différents dans le même film, de composer et décomposer des couples à l'écran.
En fait, le problème avec le cinéma d'Alain Resnais, c'est qu'il est unique. Il ne s'inspire pas d'autres cinéastes, et n'a pas d'équivalent. On ne peut pas le relier à un courant, un style, même s'il a fréquenté des gens comme Bazin, Chris Maker, Agnès Varda, avec qui il y avait une filiation dans la manière d'appréhender le cinéma. Ca fait tellement con de dire "avec Alain Resnais disparait un des plus grands hommes de cinéma... bla bla bla...".
Sauf que là, c'est vrai !
Voici donc la chronique de HIROSHIMA MON AMOUR, écrite il y a un mois.
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Non, restez ! Partez pas ! Arrrghhh… C’est le problème avec quelques-uns, dont Alain Resnais, dès qu’on entend son nom, tout le monde se planque. De loin on admire, on salue, on respecte le Grand Homme, parce que tout le monde le fait il doit bien y avoir une raison. Ce type doit avoir un peu de talent… mais là… HIROSHIMA, non pitié, pas ce truc dont on dit partout que c’est chiant comme la lune. Ben non. Ce n’est pas.
Alain
Resnais ne fait pourtant pas parti, à mon sens, de la Nouvelle Vague. Comme
Jean Pierre Melville, il en est contemporain, mais
restera à part, creusant son sillon, ne cherchera pas à faire école. C’est
son premier long métrage de fiction, à Alain Resnais. Et rien que sur la maitrise
formelle, la technique, on reste sur le flanc. Vous en connaissez beaucoup des
premiers films ce cet acabit ? Le premier Kubrick ? Le premier
Hitchcock ? Les premiers Renoir, Kurosawa, Visconti, Ford ? Y’a pas photo. Le
premier Welles ? Oui, HIROSHIMA boxe dans la même catégorie que CITIZEN KANE.
Ils ne sont pas nombreux.
Si
HIROSHIMA est le premier long métrage d’Alain Resnais, il n’en est pas à son premier
essai avec une caméra (ceci explique aussi cela) puisque qu’après avoir étudié
le montage à l’IDHEC, Alain Resnais tourne une dizaine de documentaires,
sur Van Gogh, Guernica, la guerre en Espagne… jusqu’au fameux NUIT ET
BROUILLARD (1956) ayant comme sujet les camps d’extermination. Resnais y
déployait des travellings majestueux sur le lieu même de la tragédie. La guerre, la mort, le souvenir, les archives, la mémoire. Thèmes
récurrents chez le cinéaste.
HIROSHIMA
MON AMOUR n’est pas tiré d’un roman de Marguerite Duras. C’est un scénario original
de Duras, évidemment indissociable de la réussite finale, même si on commentera
davantage les images de Resnais, que le texte de Duras. A l’origine, c’est une
commande de son producteur : Resnais, vous avez filmé les horreurs de la
guerre, faites-nous en film sur la paix ! Le film ne met pas en scène une
infirmière qui soigne des blessés à Hiroshima (comme on le croit souvent) mais
une actrice venue y tourner un film. Ce personnage n’a pas de nom, c’est « Elle ». Elle rencontre un homme, japonais,
architecte. C’est « Lui ». Ils s’aiment une nuit, et doivent se
séparer le lendemain. Voilà pour le résumé.
Évidemment,
l’intérêt est ailleurs. Il faut se mettre à la place du spectateur de 1959, qui
surprend dès les premières images des amants, nus, enlacés, filmés de près,
jusqu’au grain de peau. Comment en sont-ils venus à coucher
ensemble ? On ne sait pas. Qui sont-ils ? Eux-mêmes s’en moquent. L’important
c’est l’instant vécu, pas le curriculum vitae du partenaire. Bien plus tard, on apprendra qu'Elle est mariée, en France, et Lui aussi, au Japon. C’est
le premier choc du film. L’absence d’exposition, de présentation,
d’explication préalable. L'absence de jugement, de posture morale. D’ordinaire, l’adultère conduit
à la bouffonnerie (le vaudeville) ou au drame (LA PEAU DOUCE de Truffaut). Il
est distrayant ou condamnable.
Sur
ces images, on entend Elle dire : « J’ai vu Hiroshima » et
Lui : « Tu n’as rien vu d’Hiroshima » ainsi que des images de la
ville, détruite, ses sanctuaires, les victimes irradiées, les survivants aux visages déformés. Deuxième choc : Resnais refuse de compartimenter, de hiérarchiser. Il filme
des images de coït et de morts par milliers. Un amour intime,
et une tragédie humaine. Le petit et le grand. Le privé, le public. Ça ne
fait plus qu’une seule matière. Et Resnais mélange aussi images de fiction et
d’archives.
Plus
on avance dans l’histoire, plus on entre dans l’intimité des personnages. Y’a 15 ans, en 1945, Elle était à
Nevers, dans la Nièvre, c'était la fin de la guerre, Elle avait un amoureux, un soldat allemand (joué par Bernard Fresson). Libération, épuration, crâne rasé, honte, clandestinité, départ en douce vers Paris. Alain
Resnais fait un trait d’union entre deux théâtres de guerre : le Japon et l’Europe. Entre les centaines de milliers de victimes d’un côté, et une de l'autre, une femme
rasée à la Libération… D’un point de vue comptable, les souffrances ne sont pas
comparables. Mettre sur un même plan la souffrance d'un peuple et d'une femme humiliée, c'est osé. Resnais amalgame la
tragédie universelle au drame personnel. L'écho d'une souffrance qui se répète 15 ans plus tard.
Le texte est souvent entendu en voix off, déclamé, comme lu (ce qui peut agacer très vite...). Resnais enchaine des
prises magnifiques, des mouvements majestueux, des cadres incroyables, une profondeur de champs abyssale, des contre-plongées vertigineuses, des ombres striées qui
évoquent le Film Noir, lorsqu’il la filme au Japon. Mais lorsqu’il s’agit de
filmer les bords de Loire, Nevers, Resnais adopte un style différent, nuancé, une palette de gris, brumeux, et Elle est absente du cadre. La caméra est subjective. Comme dans NUIT ET BROUILLARD, comment filmer ce qui n’existe plus, ce
qui n’est pas palpable, comment filmer la souffrance que l'on n'a pas nous même ressentie ?
Elle
et Lui, sont Emmanuelle Riva et Eiji Okada (qui jouait phonétiquement, ne
parlant pas français). Lorsqu’Emmanuelle Riva faisait sa tournée de promotion
du film AMOUR de Haneke, on ne lui
parlait que d’HIROSHIMA. Le rôle de sa vie. Cette femme y est totalement
magnétique, libre, sexuelle. Bardot à côté, c’est une nonne. Parce que Bardot
nous montrait son cul (qu’elle avait fort mignon et on ne s’en plaint pas…)
quand Emmanuelle Riva joue d’un regard pétillant, d’une mèche de cheveux
insolente, et d’une nudité hors champs. Il se dégage du film une liberté de
ton, un portrait de femme, sexuée, qui rapproche le film de ceux de la
Nouvelle Vague.
HIROSHIMA
MON AMOUR n’en finit pas de perturber ou de fasciner, d'interroger celui qui le regarde. Alain Resnais use d'une grammaire différente, il produit un autre rythme, une autre musique, en retirant
du puzzle les pièces purement narratives, les articulations, en reproduisant un commentaire de documentaire avec les dialogues off, en faisant s'entrechoquer l'histoire intime et le traumatisme d’Hiroshima, les archives brutes et les plans sophistiqués... Puisqu’on ne peut pas filmer la souffrance des victimes de la bombe, alors on
va filmer celle d’une femme amoureuse.
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Non, pas d'image ! Il est abérrant de diffuser une bande annonce d'un film tel que HIROSHIMA. Le meilleur moyen de faire fuir le client ! HIROSHIMA, c'est tout ou rien.
HIROSHIMA MON AMOUR (1959)
Noir et blanc - 1h25 - format 1:37
Salut Luc,
RépondreSupprimerIl semble que j'ai égaré ton adresse e-mail. Aussi, désolé pour le délai de la réponse. Si tu lis ce message, peux-tu me renvoyer tes coordonnés? Amicalement. PS: bel hommage à Resnais qui était un des grands cinéastes de la modernité et pas que... juste une petite rectification, l'amant japonais de Riva ne lui dit pas: "tu n'as rien vu d'Hiroshima" mais "tu n'as rien vu à Hiroshima", ce qui change un peu le sens de cette phrase. Mais, évidemment, il faut avoir lu le scénario pour le savoir car la prononciation (méritoire) du comédien est parfois à la limite du compréhensible. PLM
Comparer Hiroshima et Citizen Kane ? 'tain, comment t'y vas ... Mais je vois ce que tu veux dire, ça se tient ...
RépondreSupprimerSinon, j'ai toujours pensé que la fin (en suspens) renvoyait à celle de "Casablanca" ... L'hôtel où a lieu la dernière scène c'est le Casablanca Hotel ... donc Riva et le Jap vont se séparer ...
Curieux aussi comment Resnais transfigure ses actrices à ses débuts ... Riva et plus encore Delphine Seyrig dans "Marienbad" en jettent un max, crèvent l'écran, fascinent totalement, alors qu'elles ont pas vraiment un physique de bimbo à la Bardot ...
... d'où mon petit couplet sur le sex-appeal de Riva ! Ah la vache, la scène de la douche... Ca vaut Bardot derrière son drap blanc en ombre chinoise !
RépondreSupprimerHiroshima / Citizen Kane : on est bien d'accord, hein, je compare juste la maitrise technique des deux films, premier long métrage de leurs auteurs respectifs. Sachant que Resnais avait déjà tourné beaucoup de documentaire, et que Welles avait la logistique hollywoodienne derrière lui...
J'aime bien ton parallèle avec Casablanca. J'avais lu àa dans ta chronique, et je n'ai pas repris l'argument à mon compte, mais tu as sans doute raison. Et je crois aussi qu'ils vont en rester là, il se seront aimés une nuit et une journée, et chacun rentre chez soi... Comme Resnais a cassé sa pipe, dommage, on aura pas la résolution dans "Hiroshima 2, Elle et Lui enfin réunis" !!
Revu Mon Oncle d'Amérique hier soir: ampoulé et ennuyeux. Le cinéma d"auteur" dans tout ce qu'il a de gonflant: intello, non jeu des acteurs (Garcia/Pierre, conternant), un côté "je me regarde filmer" insupportable. Quant à Hiroshima..., le roman de Duras est imbitable, comme tout Duras, d'ailleurs, alors le film....Il n'y a qu'un seul bon Duras , le côte de Duras.
RépondreSupprimerPauvre Shuffle, bien essouflé...
SupprimerJ'avoue, c'est décevant, j'ai un peu perdu la main. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.
RépondreSupprimerAh non, je ne trouve pas... Le côte de Duras est effectivement très agréable.
RépondreSupprimerUn metteur en scène qui se regarde filmer... Au moins est-il attentif à son travail !! je préfère ça que l'inverse !