samedi 18 janvier 2014

HENRY PURCELL – Music for the Birthday and funeral of QUEEN MARY – J. E. GARDINER – par Claude Toon



- B'jour M'sieur Claude… J'entends que vous écoutez encore une musique d'un film de Stanley Kubrick…
- Ah Ah, vous avez l'ouïe fine Sonia… Oui, Kubrick a utilisé une version éléctro de la musique pour les funérailles de la reine Mary de Purcell…
- Et le film, ce n'est pas celui avec Malcom McDowell et Dark Vador…
- Heuuu oui, Orange Mécanique, mais que vient faire Dark Vador là-dedans ?
- David Prowse, futur Dark Vador dans Star Wars, joue le petit rôle de Julian, le garde du corps baraqué de l'écrivain handicapé victime des violences de  Malcom McDowell…
- Sonia, vous m'étonnerez toujours… Vous devenez une encyclopédie sur Kubrick ma parole !
- C'est pour épater M'sieur Luc, hi hi. Mais je vous laisse revenir à la musique…




L'œuvre du jour est une ode funèbre de Henry Purcell. Mais, à l'instar d'un certain Requiem de Fauré, elle rayonne de vie. Nous sommes aux antipodes des ouvrages religieux classiques et romantiques, souvent graves et sévères, de Brahms, Berlioz ou Dvorak.
Mes tablettes m'indiquent que nous n'avons jamais parlé de Purcell dans le blog, sauf pour l'air du froid extrait de King Arthur et immortalisé de façon très pop par Klaus Nomi.
Les anglais n'ont pas de chance. Très peu de TRÈS grands compositeurs sont nés outre Manche. Du XVIIéme siècle à la fin du romantisme au XIXème siècle, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et la France se sont partagés la part du lion de Monteverdi à Wagner en passant par Bach, Berlioz et bien d'autres… Haendel a fait carrière à Londres mais est allemand. Elgar, Britten ou encore Vaughan-Williams ont marqué par leur talent le XXème siècle mais restent néanmoins en retrait dans la galerie des génies de la musique classique. Une exception à l'époque baroque : Purcell. Hélas la production de ce grand bonhomme a été interrompue par une mort précoce à 36 ans (comme Georges Bizet).
Le jeune Henry est né en 1659 (25 ans avant Bach) à Westminster, quartier bien connu de Londres. Il va suivre l'enseignement de l'école musicale de la célèbre Abbaye royale. Il compose ses premières pièces vers l'âge de 9 ans ! En 1680, il devient organiste titulaire en remplacement de son professeur John Blow, un nom que doivent connaître les amateurs de musique ancienne. Pendant 6 ans il assure sa charge et écrit des pièces religieuses dont le catalogue est mal connu. Avant cette période, Purcell avait fait ses premières armes pour le théâtre.
En 1687, libéré de ses contraintes religieuses exclusives, Purcell retrouve la scène et l'opéra avec la composition d'ouvrages d'envergure comme Didon et Ènée, King Arthur et la musique de scène pour Shakespeare: The Fairy Queen inspirée du Songe d'une nuit d'été. (Une pièce qui aura fait le bonheur de maints compositeurs.)
Les odes pour l'anniversaire, puis les funérailles de la reine Mary datent de 1694 et sont rassemblées sur notre CD. Purcell a également écrit de charmantes pièces orchestrales. Je donnerai quelques titres à la fin.
Purcell est emporté prématurément par la tuberculose en 1699. Bien entendu, il repose à la cathédrale de Westminster.

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John Eliot Gardiner a déjà fait la une du blog dans les chroniques consacrées au Requiem de Mozart et à la Symphonie Fantastique de Berlioz. Un musicien plus cité que présenté et que l'on rencontre également dans nombre de discographies alternatives dans diverses chroniques.
Le chef anglais, né en 1943, a étudié la musique au King's College de Cambridge et a suivi les cours de Nadia Boulanger pendant deux ans à la fin des 60'. Très tôt passionné par la musique baroque, et les recherches initiées par Nikolaus Harnoncourt pour retrouver l'authenticité dans les interprétations de la musique de cette époque, il crée le Monteverdi Choir and Orchestra en 1964 à 21 ans. Il va graver très tôt un patrimoine inégalé d'enregistrements d'œuvres de Rameau, Haendel et Purcell pour la firme Erato. Le disque de ce jour date de 1977 et n'a pas de concurrent sérieux à ce niveau de finesse musicale.
En 1990, il crée un orchestre plus étoffé : L'Orchestre Révolutionnaire et Romantique qui lui permet d'aborder le répertoire classique et romantique, toujours sur instruments d'époque. Il va confier au disque une grande partie de l'œuvre  d'Hector Berlioz, une alternative passionnante aux intégrales de son aîné Sir Colin Davis.
John Eliot Gardiner vient d'achever la seconde intégrale des cantates de Bach (un monument de 56 CDs) avec le Monteverdi Choir and Orchestra. Il est régulièrement invité par des orchestres traditionnels de haut niveau pour interpréter des compositeurs de tous les horizons comme Bruckner, Mahler, Stravinsky, Verdi. Sa discographie pour Philips, Dgg ou ses propres labels est impressionnante. Dgg lui a consacré un coffret Best of de 30 CD.
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La reine Mary II d'Angleterre (1662-1694) ne régna que de 1689 à sa mort, soit 5 ans. Elle est emportée à l'âge de 32 ans par la variole. En ces temps troublés par les conflits religieux, les méchantes langues y virent un châtiment divin…
C'est pour ses funérailles que Henry Purcell composa la musique funèbre que nous écoutons. Sans doute influencé par la jeunesse de la souveraine, Purcell a composé une musique de funérailles dont les textes suggèrent, certes le recueillement, mais une musique qui ne joue pas dans la cour des requiem avec son lot de trompettes vociférantes et autres cataclysmes musicaux destinés à rappeler les affres du jugement dernier. C'est une pièce méditative rigoureusement structurée en 7 parties :
- Une marche en introduction reprise en conclusion.
- Trois chœurs à l'image de style lamentation et déploration
- Deux intermèdes orchestraux séparant les chœurs.  

Pour son enregistrement, John Eliot Gardiner a fait appel au Equale Brass Ensemble comportant deux trompettes naturelles sans pistons, deux saqueboutes (trombones de l'époque baroque) et des timbales en peau naturelle. La marche initiale (thème repris de manière flippante pour la B.O. d'Orange Mécanique) sonne ainsi avec émotion et légèreté. Des trombones modernes auraient grossi le son. Ainsi, bien entendu, un vent de tristesse domine, mais sans tonalité lugubre. Gardiner équilibre les timbres et obtient une couleur chatoyante de ses cuivres des temps passés. Les timbales marquent le rythme sans écraser avec brutalité la mélodie des cuivres. Il est difficile de rester sans émotion en écoutant cette mélancolique introduction.
[2'12"] "L'homme et la femme n'ont qu'un moment à vivre". Le premier chœur se fait intime et secret. Les différentes lignes de chant se développent avec élégance et grandeur mais sans emphase dramatique. Comme Malherbe qui écrivait dans son célèbre poème "tu as vécu ce que vivent les roses", dans le texte anglais (pas de latin dans la religion anglicane), Purcell recourt à une tendre métaphore florale "… Il est fauché telle une fleur". [6'00"] La première canzona aux cuivres semble joyeuse comme pour fêter la montée au ciel de cette "fleur". Et quel bonheur d'écouter ces trompettes naturelles au son brillant et rutilant. Gardiner démontrait en ces années 70', période où la musique sur instrument d'époque était encore contestés, à quel point la redécouverte de timbres authentiques redonnait vivacité à ces œuvres maltraités par la lourdeur romantique. [7'44"] "Au milieu de la vie, nous sommes dans la mort". Le phrasé du second chœur soutenu par un orgue retrouve la transparence et l'humilité du premier, là encore grâce à des tempos sereins et une douceur de prière. [13'40] La seconde canzona, plus courte reprend le style rythmé de la première. [14'32"] "Vous connaissez Seigneur le secret de nos cœurs". Je parlais de prière précédemment. C'est totalement vrai pour ce troisième et dernier chœur. Jamais Gardiner ne hausse le ton du discours jusqu'au tendre Amen conclusif qui précède la reprise de la marche entendue en introduction.
En 19', tout est dit. C'est assez extraordinaire d'avoir composé une musique aussi émouvante avec seulement quelques cuivres et un chœur mixte. Je n'imagine pas cette œuvre religieuse et intimiste dans une autre interprétation que celle de John Eliot GardinerAndrew Parrott a enregistré les deux odes sur un double album avec l'ode à Sainte Cécile, mais les chœurs, les fanfares des différentes œuvres sont mélangées dans un chaos qui n'a aucun sens. Dommage !
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Voici quelques propositions de must parmi la discographie de Purcell :
1 – L'opéra King Arthur est un incontournable. Il permet de découvrir ou redécouvrir l'art d'Alfred Deller (1912-1979) qui fut le premier à la fin des années 40 à remettre au goût du jour la voix de contreténor.
2 – L'opéra Didon et Énée par René Jacobs et une belle distribution vocale soutenue avec brio par l'Orchestra of the Age of Enlightenment. Une histoire mythologique qui rendra ce genre lyrique très à la mode dans les productions d'Haendel au XVIIIème siècle qui approche…
3 – Un album de pièces instrumentales interprétées par le violoncelliste Bruno Cocset et les Basses Réunies, un artiste dont l'interprétation des suites de Bach avait donné lieu à une chronique il y a quelques mois (clic).



Et puis prenons le temps à l'envers… Les funérailles écrites par Purcell  sont très connues, certes, surtout grâce à Stanley Kubrick , mais cette reine Mary a eu la chance d'écouter la musique du même Purcell  pour son anniversaire... un an avant son départ pour le ciel ; donc en complément : 


3 commentaires:

  1. J'ai une version assez ancienne de "Didon et Enée" par Charles Mackerras chez Archiv Produktion (1968). Je ne sais pas si tu avais déja fais une chronique sur le baroque (Je ne parle pas des dinosaures comme Bach), mais il y aurait encore beaucoup de chose a dire sur Telemann, Fash, Pachelbel (et sont canon), Couperin ou encore Sainte Colombe avec la musique du film "Tous les matins du monde". Sinon la version de Gardiner des funérailles de la reine Mary est, comme tu le souligne, franchement plus écoutable et moins noir que celle de "A Clockwork Orange"

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  2. La baroque a eu déjà les honneurs du blog :
    Couperin avec Tic Toc Choc - Alexandre Tharaud
    Te Deum de Charpentier - Les Arts Florissants - William Christie
    Va donc faire un tour dans l’index classique... Albinoni et Christina Pluhar... etc.
    C'est vrai que la transcription électro de "A Clockwork Orange" est comme je l’écris "flippante" et noire ! Je la passe ce soir en post pour rappeler le film de Kubrich

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  3. Oui, je me rappel très bien des chroniques de Charpentier et de Couperin, mais je pense que des noms plus ou moins connus (Tous dépend pas qui) devrais avoir les honneurs d'une petite chronique comme par exemple Buxtehude avec ses oeuvres pour orgues ou ses cantates que Fischer Dieskau a interprété avec brio.

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