- B'jour M'sieur Claude… J'entends que vous écoutez encore une musique
      d'un film de Stanley Kubrick…
  - Ah Ah, vous avez l'ouïe fine Sonia… Oui, Kubrick a utilisé une version
      éléctro de la musique pour les funérailles de la reine Mary de
      Purcell…
  - Et le film, ce n'est pas celui avec Malcom McDowell et Dark
      Vador…
  - Heuuu oui, Orange Mécanique, mais que vient faire Dark Vador là-dedans
      ?
  - David Prowse, futur Dark Vador dans Star Wars, joue le petit rôle de
      Julian, le garde du corps baraqué de l'écrivain handicapé victime des
      violences de  Malcom
      McDowell…
  - Sonia, vous m'étonnerez toujours… Vous devenez une encyclopédie sur
      Kubrick ma parole !
  - C'est pour épater M'sieur Luc, hi hi. Mais je vous laisse revenir à la
      musique…
    
 
  L'œuvre du jour est une ode funèbre de
    Henry Purcell. Mais, à l'instar d'un certain
    Requiem
    de
    Fauré, elle rayonne de vie. Nous sommes aux antipodes des ouvrages religieux
    classiques et romantiques, souvent graves et sévères, de
    Brahms,
    Berlioz
    ou
    Dvorak.
  Mes tablettes m'indiquent que nous n'avons jamais parlé de
    Purcell
    dans le blog, sauf pour
    l'air du froid
    extrait de
    King Arthur
    et immortalisé de façon très pop par
    Klaus Nomi.
  Les anglais n'ont pas de chance. Très peu de TRÈS grands compositeurs sont
    nés outre Manche. Du XVIIéme siècle à la fin du romantisme au
    XIXème siècle, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et la France se
    sont partagés la part du lion de
    Monteverdi
    à
    Wagner
    en passant par
    Bach,
    Berlioz
    et bien d'autres…
    Haendel
    a fait carrière à Londres mais est allemand.
    Elgar,
    Britten
    ou encore
    Vaughan-Williams
    ont marqué par leur talent le XXème siècle mais restent néanmoins
    en retrait dans la galerie des génies de la musique classique. Une exception
    à l'époque baroque :
    Purcell. Hélas la production de ce grand bonhomme a été interrompue par une mort
    précoce à 36 ans (comme
    Georges Bizet).
  Le jeune
    Henry
    est né en 1659 (25 ans avant
    Bach) à Westminster, quartier
    bien connu de Londres. Il va
    suivre l'enseignement de l'école musicale de la célèbre Abbaye royale. Il
    compose ses premières pièces vers l'âge de 9 ans ! En
    1680, il devient organiste
    titulaire en remplacement de son professeur
    John Blow, un nom que doivent connaître les amateurs de musique ancienne. Pendant 6
    ans il assure sa charge et écrit des pièces religieuses dont le catalogue
    est mal connu. Avant cette période,
    Purcell
    avait fait ses premières armes pour le théâtre.
  En 1687, libéré de ses contraintes religieuses exclusives,
    Purcell
    retrouve la scène et l'opéra avec la composition d'ouvrages d'envergure
    comme
    Didon et Ènée,
    King Arthur
    et la musique de scène pour Shakespeare:
    The Fairy Queen
    inspirée du Songe d'une nuit d'été. (Une pièce qui aura fait le
    bonheur de maints compositeurs.)
  Les odes pour l'anniversaire, puis les funérailles de la reine
    Mary datent de
    1694 et sont rassemblées sur
    notre CD.
    Purcell
    a également écrit de charmantes pièces orchestrales. Je donnerai quelques
    titres à la fin.
  Purcell
    est emporté prématurément par la tuberculose en 1699. Bien entendu,
    il repose à la cathédrale de Westminster.
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  John Eliot Gardiner
    a déjà fait la une du blog dans les chroniques consacrées au
    Requiem
    de
    Mozart
    et à la
    Symphonie
    Fantastique
    de
    Berlioz. Un musicien plus cité que présenté et que l'on rencontre également dans
    nombre de discographies alternatives dans diverses chroniques.
  Le chef anglais, né en 1943, a
    étudié la musique au
    King's College de Cambridge
    et a suivi les cours de
    Nadia
    Boulanger
    pendant deux ans à la fin des 60'. Très tôt passionné par la musique
    baroque, et les recherches initiées par
    Nikolaus Harnoncourt
    pour retrouver l'authenticité dans les interprétations de la musique de
    cette époque, il crée le
    Monteverdi Choir and Orchestra
    en 1964 à 21 ans. Il va graver
    très tôt un patrimoine inégalé d'enregistrements d'œuvres de
    Rameau,
    Haendel
    et
    Purcell
    pour la firme Erato. Le disque
    de ce jour date de 1977 et n'a
    pas de concurrent sérieux à ce niveau de finesse musicale.
  En 1990, il crée un orchestre
    plus étoffé :
    L'Orchestre Révolutionnaire et Romantique
    qui lui permet d'aborder le répertoire classique et romantique, toujours sur
    instruments d'époque. Il va confier au disque une grande partie de l'œuvre
     d'Hector Berlioz, une alternative passionnante aux intégrales de son aîné Sir
    Colin Davis.
  John Eliot Gardiner
    vient d'achever la seconde intégrale des cantates de
    Bach
    (un monument de 56 CDs) avec le
    Monteverdi Choir and Orchestra. Il est régulièrement invité par des orchestres traditionnels de haut
    niveau pour interpréter des compositeurs de tous les horizons comme
    Bruckner,
    Mahler,
    Stravinsky, Verdi. Sa discographie pour
    Philips,
    Dgg ou ses propres labels est
    impressionnante. Dgg lui a
    consacré un coffret Best of de 30 CD.
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  La reine Mary II d'Angleterre (1662-1694) ne régna que de
    1689 à sa mort, soit 5 ans. Elle est emportée à l'âge de 32 ans par
    la variole. En ces temps troublés par les conflits religieux, les méchantes
    langues y virent un châtiment divin…
  C'est pour ses funérailles que
    Henry Purcell
    composa la musique funèbre que nous écoutons. Sans doute influencé par la
    jeunesse de la souveraine,
    Purcell a composé une musique de funérailles dont les textes suggèrent, certes le
    recueillement, mais une musique qui ne joue pas dans la cour des requiem
    avec son lot de trompettes vociférantes et autres cataclysmes musicaux
    destinés à rappeler les affres du jugement dernier. C'est une pièce
    méditative rigoureusement structurée en 7 parties :
  - Une marche en introduction reprise en conclusion.
  - Trois chœurs à l'image de style lamentation et déploration
  - Deux intermèdes orchestraux séparant les chœurs.
       
  Pour son enregistrement,
    John Eliot Gardiner
    a fait appel au
    Equale Brass Ensemble
    comportant deux trompettes naturelles sans pistons, deux saqueboutes
    (trombones de l'époque baroque) et des timbales en peau naturelle. La marche
    initiale (thème repris de manière flippante pour la B.O. d'Orange Mécanique) sonne ainsi avec émotion et légèreté. Des trombones modernes auraient
    grossi le son. Ainsi, bien entendu, un vent de tristesse domine, mais sans
    tonalité lugubre.
    Gardiner équilibre les timbres et obtient une couleur chatoyante de ses cuivres des
    temps passés. Les timbales marquent le rythme sans écraser avec brutalité la
    mélodie des cuivres. Il est difficile de rester sans émotion en écoutant
    cette mélancolique introduction.
  [2'12"] "L'homme et la femme n'ont qu'un moment à vivre". Le premier chœur se fait intime et secret. Les différentes lignes de
    chant se développent avec élégance et grandeur mais sans emphase dramatique.
    Comme Malherbe qui écrivait
    dans son célèbre poème "tu as vécu ce que vivent les roses", dans le texte anglais (pas de latin dans la religion anglicane),
    Purcell
    recourt à une tendre métaphore florale "… Il est fauché telle une fleur". [6'00"] La première canzona aux cuivres semble joyeuse comme pour fêter
    la montée au ciel de cette "fleur". Et quel bonheur d'écouter ces trompettes
    naturelles au son brillant et rutilant.
    Gardiner
    démontrait en ces années 70', période où la musique sur instrument d'époque
    était encore contestés, à quel point la redécouverte de timbres authentiques
    redonnait vivacité à ces œuvres maltraités par la lourdeur romantique.
    [7'44"] "Au milieu de la vie, nous sommes dans la mort". Le phrasé du second chœur soutenu par un orgue retrouve la transparence
    et l'humilité du premier, là encore grâce à des tempos sereins et une
    douceur de prière. [13'40] La seconde canzona, plus courte reprend le style
    rythmé de la première. [14'32"] "Vous connaissez Seigneur le secret de nos cœurs". Je parlais de prière précédemment. C'est totalement vrai pour ce
    troisième et dernier chœur. Jamais
    Gardiner
    ne hausse le ton du discours jusqu'au tendre Amen conclusif qui précède la
    reprise de la marche entendue en introduction.
  En 19', tout est dit. C'est assez extraordinaire d'avoir composé une
    musique aussi émouvante avec seulement quelques cuivres et un chœur mixte.
    Je n'imagine pas cette œuvre religieuse et intimiste dans une autre
    interprétation que celle de
    John Eliot Gardiner…
    Andrew Parrott
    a enregistré les
    deux odes
    sur un double album avec l'ode à Sainte Cécile, mais les chœurs, les fanfares des différentes œuvres sont mélangées dans
    un chaos qui n'a aucun sens. Dommage !
  ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
  Voici quelques propositions de must parmi la discographie de
    Purcell
    :
  1 – L'opéra
    King Arthur
    est un incontournable. Il permet de découvrir ou redécouvrir l'art
    d'Alfred Deller
    (1912-1979) qui fut le premier à la fin des années 40 à remettre au goût du
    jour la voix de contreténor.
  2 – L'opéra
    Didon et Énée
    par
    René Jacobs
    et une belle distribution vocale soutenue avec brio par
    l'Orchestra of the Age of Enlightenment. Une histoire mythologique qui rendra ce genre lyrique très à la mode dans
    les productions
    d'Haendel
    au XVIIIème siècle qui approche…
  3 – Un album de
    pièces instrumentales
    interprétées par le violoncelliste
    Bruno Cocset
    et les
    Basses Réunies, un artiste dont l'interprétation des suites de
    Bach
    avait donné lieu à une chronique il y a quelques mois (clic).
      Et puis prenons le temps à l'envers… Les funérailles écrites par Purcell  sont très connues, certes, surtout grâce à Stanley Kubrick , mais cette reine Mary a eu la chance d'écouter la
      musique du même
      Purcell  pour son anniversaire... un an avant son départ pour le ciel ;
      donc en complément : 
    
   








 

J'ai une version assez ancienne de "Didon et Enée" par Charles Mackerras chez Archiv Produktion (1968). Je ne sais pas si tu avais déja fais une chronique sur le baroque (Je ne parle pas des dinosaures comme Bach), mais il y aurait encore beaucoup de chose a dire sur Telemann, Fash, Pachelbel (et sont canon), Couperin ou encore Sainte Colombe avec la musique du film "Tous les matins du monde". Sinon la version de Gardiner des funérailles de la reine Mary est, comme tu le souligne, franchement plus écoutable et moins noir que celle de "A Clockwork Orange"
RépondreSupprimerLa baroque a eu déjà les honneurs du blog :
RépondreSupprimerCouperin avec Tic Toc Choc - Alexandre Tharaud
Te Deum de Charpentier - Les Arts Florissants - William Christie
Va donc faire un tour dans l’index classique... Albinoni et Christina Pluhar... etc.
C'est vrai que la transcription électro de "A Clockwork Orange" est comme je l’écris "flippante" et noire ! Je la passe ce soir en post pour rappeler le film de Kubrich
Oui, je me rappel très bien des chroniques de Charpentier et de Couperin, mais je pense que des noms plus ou moins connus (Tous dépend pas qui) devrais avoir les honneurs d'une petite chronique comme par exemple Buxtehude avec ses oeuvres pour orgues ou ses cantates que Fischer Dieskau a interprété avec brio.
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