Je vais essayer de ne pas faire
aussi long que lui… Car, la dernière livraison de Stephen King, c’est du
lourd ! Au sens propre. Presque 1000 pages, et pas écrites gros en plus…
Bon, si vous avez comme moi une constitution physique exceptionnelle et un corps
superbement dessiné par des années de pratiques sportives, vous vous en
sortirez. Sinon, un conseil, attendez la sortie en Livre de Poche ! En
préambule, je dois vous prévenir que je n’avais jamais lu un bouquin de Stephen
King avant celui-ci, un certain nombre de références et auto-citations ont donc pu m’échapper.
Le thème du livre est le voyage
dans le temps, principe assez convenu de la SF, mais que l’auteur arrive à
renouveler. Le début de l’histoire : Al Templeton tient un petit restau de
hamburgers. Son meilleur client est un prof d’anglais, Jake Epping. Al est
mourant, et doit absolument confier son secret à quelqu’un. Plutôt qu'un long discours, il préfère mettre Jake Epping devant
les faits. Un passage au fond de son restau permet de voyager dans le temps, de
se retrouver en 1958. Jake se prête à ce qu’il pense être le dernier délire d’un
mourant, emprunte le passage, et se retrouve 50 ans en arrière… C’est donc
vrai ! Al Templeton lui explique son projet fou : empêcher Lee Harvey
Oswald d’assassiner le président Kennedy, à Dallas, le 22/11/1963. En 2011,
avec le recul et la documentation à disposition, toute la chronologie et faits
et gestes d’Oswald sont connus. Ce qui s’appelle avoir une longueur d’avance. Il
suffit de se servir de ces informations, pour agir au bon moment. Jake accepte
mais veut d’abord effectuer un premier voyage d’essai, et empêcher un fait
divers terrible (le massacre de la famille Dunning, en 1958). Mais attention,
changer un élément du passé ne risque-t-il pas de changer le futur ?...
Lisbon Falls dans le Maine, où débouche le "passage" |
Le premier voyage de Jake
Epping (qui en 1958 se fait appeler George Amberson) pour sauver les enfants
Dunning est absolument passionnant. On ne décolle pas de ces 200 premières
pages. Comme le personnage, le lecteur doit s’habituer au postulat de départ,
ces histoires de faille temporelle sont toujours difficiles à rationaliser, et
pour cause. On tâtonne. On se pose beaucoup de questions. Il y a tout un tas de
détails ingénieux, comme de ne pas partir en 1958 avec des fringues
contemporaines, son téléphone portable, ou éviter de fredonner les paroles de "Honky
Tonk Woman" des Rolling Stones 10 ans avant la sortie de la
chanson ! Par contre, quand on a pris soin de noter les résultats sportifs
de cette époque, c’est facile de parier sur le bon cheval ensuite… Mais
surtout, il faut ré apprendre à vivre comme en 1958. Et c’est là le vrai thème
central du livre de Stephen King. Une immersion dans un monde d’avant, où
l’auteur étudie à la loupe la société américaine.
Oswald et son fusil |
Quelques critiques parlent d’un livre où il ne se passe pas grand-chose finalement, avec de longues scènes qui n’ont rien à voir avec Kennedy. Alors : ce bouquin n’est pas une énième étude sur Kennedy, complot, tireur isolé, balle magique et tout le toutim… Et quand l’action débute, Kennedy ne sera pas président avant trois ans ! Tout ce temps, George va le mettre à profit pour vivre une nouvelle vie, reprendre un poste de professeur, rencontrer Sadie, une jeune femme dont il va tomber amoureux. Là encore, comment concilier respect et confiance envers celle qu’on aime lorsqu’on « vient du futur » pour sauver un président pas encore élu ?! George est dans une situation très inconfortable, doit mener de front deux existences, celle du George des années 60, et celle du Jake issu de 2011…
Marina et Lee Harvey Oswald |
Ce sont parmi les innombrables questions que pose ce roman, qui, lorsqu’on y repense ensuite, donne le vertige ! Il y ait question de la fameuse théorie de l’effet papillon, tout acte si infime soit-il aura une conséquence ailleurs et plus tard. La thèse de Stephen King prend comme postulat que plus le changement est important, plus les conséquences le seront. Qu’advient-il en 2011 si Kennedy survit à l’année 63 ? Il y a aussi cette idée de "passé tenace" un passé qui ne veut pas être changé, qui résiste, se rebelle, comme le montre les multiples embûches vécues lors de la dernière et fatidique journée. Ainsi que "l'harmonisation du passé" et ces infimes petites corrections, ces hasards qui n'en sont peut être pas, à moins que les "remises à zéro" du compteur de temps ne soient pas si fiables que ça...
La voiture de George : Plymouth Fury |
Je trouve la fin tout à fait remarquable dans son scénario, qui évite les pièges du mélo, même si le tableau d’un monde post-Kennedy tel que décrit à un moment, frise davantage le grand guignol que l’analyse de projections géopolitiques ! De même certains pourraient être frustrés pas l’absence d’explications rationnelles, mais en SF, c’est souvent le cas. Lecture roborative, parfois redondante, mais le plus souvent rondement menée, ingénieuse. Une intrigue qui ne pourra que séduire Hollywood. Perso, je verrai bien un David Fincher s’y coller…
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