Vous savez à quoi on reconnait un génie en musique classique ? C'est simple
: il ne fait rien comme les autres, se fiche totalement des règles et de
l'académisme, et parvient pourtant à la postérité, en laissant les copains
assidus des conservatoires sombrer dans l'oubli... Le scherzo est l'héritier
du menuet, le petit morceau symétrique avec un trio central. Un morceau
souvent un peu fade que les compositeurs de l'âge classique casent dans
leurs symphonies pour reposer l'auditeur, en général entre le mouvement lent
et le final… Mais pour
Frédéric Chopin, écrire un scherzo de 4 minutes en recopiant sérieusement da capo
le début … heuuu non, ça ne le fait pas. Le pianiste compositeur va
transcender le genre (expression consacrée). Il va en écrire quatre, et
défier tous les virtuoses de la planète, avec des pièces à vous dégoûter
d'essayer d'apprendre le piano.
Commençons par le début, le
Scherzo N°1
de 1831. Le jeune homme de 21
ans écrit alors l'une des pièces les plus folles de tout le répertoire
pianistique. La noire à 360 pour débuter, 1100 mesures en 8 minutes et un
chouia. C'est diabolique, mais au-delà de la virtuosité démente exigée, nous
entrons dans une danse tragique et démoniaque qui n'a pas d'équivalent dans
cette forme. On ne sait pas trop qui a surnommé ce scherzo le "Banquet Infernal", ce qui ne plaisait guère à
Chopin, mais il y a un peu de cela… Le début et la conclusion déchainent les
éléments, le trio se fait plus secret… Avec un tempo vif (il peut tout se
permettre ce pianiste brésilien),
Nelson Freire
nous met les doigts dans la prise !!
Le
Scherzo N°2
date de 1838. Il a été composé
à Paris et est très différent. Il est plus romantique avec ses triolets
interrogatifs et malicieux qui signent les premières mesures. Il y a un côté
faustien dans le
Scherzo N°1, par contre, ici,
Chopin
fait briller le piano de mille feux. Il y a des accents de ballades dans le
flot musical… Ah oui, les
Ballades
(clic).
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ENTRACTE ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
- Oh M'sieur Claude, j'ai la tête qui tourne et des crampes dans les
doigts… Ce pianiste doit pouvoir tricoter un pull en dix minutes…
- Vous avez d'ces idées Sonia, mais je ne connais pas les hobbies de
Nelson Freire. Pour vous détendre, nous allons écouter quelques nocturnes,
des pièces douces et intimes…
- La nuit s'y prête M'sieur Claude…
Je ne reviens pas sur la carrière de
Nelson Freire, pianiste brésilien qui avait marqué l'année du 150ème
anniversaire de la naissance de
Debussy
avec le cahier I des préludes chroniqué dans le blog. (clic).
Le nocturne est une forme de composition prisée des pianistes de l'époque
romantique. Cette forme est assez stricte : un mouvement lent de quelques
minutes avec un passage un peu plus allant dans sa partie centrale. Andante,
Adagio, des tempos rêveurs qui sont sans aucun doute à l'origine du terme
nocturne.
Le plus beau patrimoine de Nocturnes est attribué à
Chopin, une fois de plus (mais n'oublions pas
Gabriel Fauré). Il en a composé tout le long de son existence, un total de 21. Ils sont
plus ou moins célèbres. Pour cette seconde partie du concert, j'en ai choisi
4. Le
premier
de 1833 est l'un des plus
connus avec sa sensualité diaphane, ses premières mesures cristallines, une
petite brise d'été sous les étoiles. Bien entendu, c'est toujours
Nelson Freire
qui est au clavier :
Certains nocturnes ont été édités de manière posthume. C'est le cas du
nocturne
N° 20 publié en 1870 et qui pourtant
a été écrit dans la prime jeunesse de
Chopin, en 1830. Il est également
très connu, ne serait-ce que par les films et la publicité. C'est la musique
d'un jeune homme émotif, une mélodie pleine de tendresse…
Le
3ème nocturne
de 1833 (il fait partie du même
recueil que le N°1) se veut plus facétieux. On imagine quelques galanteries
dans les bosquets sous un clair de lune bienveillant…
Le
nocturne N°5
de 1837 débute dans une
atmosphère presque festive et dansante. Ce n'est pas une valse, un slow du
XIXème siècle peut-être.
- Un slow en 1837 M'sieur Claude… et c'est à moi que l'on prête des
drôles d'idées….
- Et oui ma petite Sonia, tiens à propos de Slow… ça vous dirais de…
hummmm
- Ohhh M'sieur Claude, si M'sieur Luc apprend cela…
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Clap Clap Clap Clap ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Et en bis, la
Barcarolle
de
Chopin
par
Nelson Freire
en live…
Dans le style "crampe dans les doigts", Chopin et l'impromptu opus 66 n'est pas mal non plus.
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