Les auteurs de polars scandinaves
devraient ériger un monument à la gloire de Stieg Larsson. Depuis le succès phénoménal
de son Millenium, publier un thriller et venir d’un de ces pays du nord avec
fjords, température polaires et noms imprononçables est presque une garantie de
figurer sur la liste des best-sellers. Le dernier en date de ces écrivains à
succès est le Danois Jussi Adler Olsen, dont 3 romans ont été publiés en France
ces derniers 18 mois et qui a réussi depuis à se faire un nom chez les amateurs
français de romans noirs.
Quand on se plonge dans le premier de ses
bouquins, on comprend immédiatement pourquoi. Les ingrédients destinés à
emporter le lecteur sont tous là, en plus du côté scandinave et exotique.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il
y a ? Pourquoi vous rappliquez tous dans mon bureau pendant que je rédige
mon billet maintenant ?
- C’est Luc qui nous a dit
qu’en lisant par-dessus ton épaule il avait vu que tu parlais de scandinaves
exotiques ! Ça a l’air intéressant comme bouquin, il y a des photos de ces
beautés nordiques ?
- j’ai bien la photo de
l’auteur à vous montrer si vous voulez, mais c’est un barbu de 62 ans, je ne
suis pas sûre que vous trouviez ça à votre goût.
- Non ça sera pas la peine,
on en a déjà plein le blog des barbus ! Et puis on a promis à Sonia
d’aller l’aider à réparer l’imprimante...
- Parfait, ça va vous occuper
un moment, et je vais pouvoir finir ma chronique !
Donc, si Jussi Adler Olsen n’est pas une
bimbo sexy, il sait en tout cas séduire ses lecteurs. Il faut dire que le
monsieur doit être lui-même un personnage hors du commun, et que l’expression touche
à tout semble avoir été inventée pour lui. Après avoir été guitariste dans des
groupes de musique pop, il a étudié la médecine, la sociologie et le cinéma. Puis,
il a transformé son appartement en boutique de BD d’occasion, est devenu éditeur,
scénariste et journaliste. Il a aussi composé la musique d’un film d’animation,
s’est lancé dans la rénovation de maisons anciennes, a conçu et édité la
première encyclopédie danoise de BD et a participé au Mouvement danois pour la
paix (liste non exhaustive de ses activités !). On se demande où il a pu trouver
le temps en plus pour écrire des romans policiers !
Pourtant, il maîtrise le sujet et les clés
du succès. Pour commencer, il surfe sur la vague des enquêtes non résolues,
oubliées dans un placard à archives. Ses 3 romans font en effet partie d’une
série prévue pour en compter 10. Thème central de la série : le Département V, un nouveau service créé dans le but officiel de résoudre des
affaires non élucidées, mais surtout pour mettre à l’écart un flic doué mais
ingérable. Le personnage de Carl Mørck est exactement le type de flics qu’on
aime voir évoluer dans ce genre d’histoires : entre deux âges, grande
gueule, rétif à toute hiérarchie, désabusé, paresseux et d’autant plus
tourmenté qu’il est le seul rescapé d’une affaire qui a coûté la vie à l’un de
ses équipiers et rendu infirme un autre.
Pour lui ajouter une touche plus
humoristique, l’auteur a imaginé un personnage décalé et dépaysant, qui ne
passe pas inaperçu dans cette ambiance nordique, un assistant balayeur homme à
tout faire syrien, qui porte le nom de Hafez el Assad (il fallait oser !).
A la fois serviable, candide et affable, il se révèle également perspicace, débrouillard
et doué pour le maniement des armes, bref, le mystère caché sous la simplicité.
Mais de bons personnages ne suffisent
pas à faire un bon polar. Il faut aussi une enquête qui, même si elle a été abandonnée
depuis longtemps, connaît des rebondissements actuels. Dans ce premier volet,
c’est la disparition mystérieuse, survenue 5 ans plus tôt, d’une jeune et belle
femme politique pleine d’avenir, qui mobilise nos deux flics. Pour mieux tenir
le lecteur en haleine, on suit en parallèle le destin terrible de cette jeune femme,
qui vit enfermée dans une pièce depuis 5 ans (le titre original du livre, la femme
en cage, est d’ailleurs nettement plus parlant) et dont les bourreaux ont
programmé la mort atroce.
Psychopathe sadique, stratagème machiavélique,
enquête à rebondissements, critique sociale, course contre la montre, le tout
avec une structure efficace qui sait doser le suspense et jouer avec les nerfs
du lecteur, tout est là pour faire de MISERICORDE un polar à succès. Et on est
très vite happé par cette histoire et ses deux drôles de flics, sans jamais
être déçu d’un bout à l’autre.
La seule chose qui m’empêche d’être totalement
fan de Jussi Alder Olsen, c’est que tout cela est tellement bien huilé qu’on
sent parfois un peu trop le « produit » formaté pour plaire à
son public. Ça fonctionne très bien, mais ça empêche aussi de le démarquer vraiment
des autres polars. Je ne suis pas sûre de me souvenir de cette intrigue dans
quelques temps, contrairement à celle des romans références du genre.
Mais ce n’est pas le plus important. Si
vous avez envie de lire un thriller haletant et bien ficelé, n’hésitez pas,
vous avez quelques nuits blanches garanties devant vous !
La série du Département V va être adaptée au cinéma. Ci-dessus la 1ère photo officielle de Miséricorde, avec les deux personnages principaux.
Et voici comment Jussi Adler Olsen imagine de Carl Mørck : « Selon
moi, tout homme avec une réelle expérience de vie peut jouer le rôle de Carl.
Au Danemark, le casting est terminé. Mais je pourrais assez bien m’imaginer le
Tommy Lee Jones d’il y a 20 ans dans le rôle de Carl Mørck.»
MISERICORDE (2011 pour la traduction
française), Albin Michel ( édition de poche), 496 p.
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