dimanche 3 mars 2013

UNE VIE DE PIAF par Pat Slade




D’Edith Gassion à la Môme Piaf


Beaucoup vont se dire que depuis ma chronique sur Barbara, je donne souvent dans les revues nécros des chanteuses et chanteurs historiques ! Que Nenni ! Jamais au grand jamais je ne ferai de chronique sur Claude François, Joe Dassin ou Mike Brant. Déjà je ne suis pas un grand admirateur de ce genre là et je veux rester dans l’esprit de notre Deblocnot, autrement dit répondre à l'attente des lecteurs qui aiment les vraies voix, la poésie authentique et un certain genre de culture musicale, même si populaire, ou a contrario qui sort des sentiers battus.
Il n’est donc pas impossible que dans de futures chroniques, je parle de Brel, Brassens, Gainsbourg, Nougaro, Mouloudji ou encore Boby Lapointe. Mais aujourd’hui la môme Piaf est à l’honneur. En octobre, cela fera un demi-siècle que sa voix se taisait jamais. Tellement de livres et de films ont été écrits ou tournés sur sa personne et sur sa vie, qu’il sera difficile de rajouter une pierre à l’édifice.

La légende nous dit qu’elle serait née sur les marches de la porte d’entrée d’un immeuble, en fin de compte, elle serait née à l’hôpital Tenon. Enfant d’artistes, un père contorsionniste dans un cirque et une mère chanteuse de rue, issus eux-mêmes de parents venant du cirque.  Un début de vie en dents de scie, un premier mariage à 17 ans avec un certain Louis Dupont avec qui elle aura une fille. Edith connaitra le malheur de perdre son enfant  qui mourra de méningite deux ans plus tard. A l’âge de 20 ans, elle se retrouve seule au bord du gouffre, divorcée, proche de la drogue, de la prostitution et de la déprime. Son univers est bien dans les rues de Belleville et de Ménilmontant. en 1935, elle reprend des chansons populaires au coin de la rue Troyon et de l’avenue Mac-Mahon.
Un homme s’arrête et lui demande pourquoi ne ferait-elle pas des essais dans une salle. Cet homme, c’est Louis Leplée, directeur d’un cabaret parisien «Le Gerny’s» sur les Champs Elysées (Devenu depuis «Le château Frontenac» un hôtel 4 étoiles). C’est ainsi que Edith commencera sa carrière au «Gerny’s» à 20 ans et que Leplée lui donnera son nom de scène La Môme Piaf. Son mentor finira assassiné par des voyous à son domicile !

Du Gerny’s à L’Olympia



Ses premiers titres seront des complaintes de la rue comme «Les Môme de la cloche» ou «Entre Saint-Ouen et Clignancourt» en  1936.
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Mais il lui fallait un répertoire autre que celui qui constituait son tour de chant de La Rue. C’est alors que, sur les conseils de Louis Leplée, elle fit le tour des maisons d’éditions pour y chercher des chansons nouvelles. Après le «Gerny’s», arrive le temps ou les salles se font plus imposantes avec un public grandissant. Des rencontres primordiales dans sa vie vont lui ouvrir de plus grandes perspectives de carrière. Raymond Asso, le premier homme  dans la vie et dans le lit d’Edith prendra sa carrière en main. Il lui écrira plusieurs textes, puis lui présentera Marguerite Monnot qui lui composera la musique et ça donnera «Mon légionnaire» entre autres…



De Salle En Salle, de Succès en Succès



Pour passer par le vedettariat il faut passer par l’«A.B.C» que dirigeait l’autoritaire Mitty Goldin, le roi du music-hall de l’époque. Ensuite ce sera «Bobino», «l’Européen» ou encore «L’Alhambra»  en tête d’affiche. Elle s’accoquine désormais avec le tout Paris. Durant la période de l’occupation, elle passe tantôt en zone libre pour chanter au profit des travailleurs détenus en Allemagne (S.T.O : Service du Travail Obligatoire) et aide ses amis juifs comme le compositeur Norbert Glanzberg. Ces années-là, elle enregistre de nouvelles chansons comme "l’accordéoniste" de Michel Helmer. Norbert Glanzberg survivra au conflit mondial et à la shoah, et sur un texte de Henri Contet, il composera le célèbre "Padam Padam" enregistré en octobre 1951.
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Edith et les Hommes



Edith Piaf a été une femme libre dans sa vie, ses amours et ses choix artistiques. Elle a été l'une des rares artistes "femme" à servir de pygmalion. Elle mettra sur les rails, entre autres, un jeune homme du nom d’Yvo Livi plus connu sous le nom d’Yves Montant. Après l’avoir mis en vedette américaine, elle l’entrainera dans les studios de cinéma ou ils tourneront ensemble : «Etoile sans lumière».
Elle décide de s’attaquer au public américain, elle fait alors la connaissance des Compagnons de la chanson (Elle était la compagne de Jean-Louis Jaubert le directeur et chanteur - le chauve - dans les compagnons), groupe vocal avec qui elle enregistre «Les trois cloches». Le groupe ayant déjà beaucoup de succès de l’autre côté de l’atlantique, Edith veut à tout prix être reconnue comme eux.


c’est en 1949 après une série de récital à New York dans un cabaret nommé «Le Versaille», devant un public qui ne comprend pas grand-chose à son "charabia frenchy", qu’elle inaugure une de ses plus belles chansons, "la vie en rose" (écrite en 1947). Une chanson qui a été reprise 38 fois par Iggy Pop et Grace John entre autres et aussi huit fois en instrumental avec Stéphane Grappelli et aussi par d’autres comme André Rieu et Richard Clayderman (choisissez votre camp !)
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Mais le plus important, c’est que son regard va croiser celui d’un boxeur de renom, Marcel Cerdan. Ce français né en Algérie est champion du monde de boxe depuis 1948 face à Tony Zale, titre qu’il perdra face à Jack LaMotta en juin 1949. Le match retour n’aura jamais lieu. Prévu en décembre 1949, alors qu’il part s’entrainer à New-York, son avion s’écrase. La polémique veut que LaMotta ayant des accointances avec la mafia, cette dernière y serait pour quelques choses dans l’accident d’avion de Cerdan. Marcel Cerdan sera le grand amour d’Edith Piaf, le début d’une relation passionnée, mais malheureusement courte.
Elle chante pour la première fois «L’hymne à l’amour», une chanson qui deviendra un hommage post-mortem après le décès du boxeur. Après la mort de Cerdan, elle est dans un désarroi irréversible. Elle s’entoure d’une cour d’hommes auteurs-compositeurs comme Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour qui lui écrira en 1951 «Jezebel» et «Plus bleu que tes yeux»
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C’est aussi cette année-là qu’elle chante dans une opérette «La P’tite Lili» Avec Eddy Constantine. Un homme en chasse un autre, elle se marie avec le compositeur  Jacques Pills en juillet 1952. Elle reprend le chemin des studios et aussi ceux du cinéma où elle apparaitra dans «Si Versaille m’était conté» de Sacha Guitry (1953) et «French Cancan» de Jean Renoir (1954). La consécration arrive en 1957, elle enflamme le Carnegie Hall, elle est désormais une star internationale. De retour en France, sa vie oscille entre les cures de désintoxication du aux drogues qu’elle prenait suite à deux accidents de voiture en 1951, la maladie déjà présente, et surtout la musique. A l’Olympia en 1956, elle chante une chanson un peu rock’n’roll: «L’homme à la moto».



Tout le monde veut vendre une chanson à la Môme. Michel Rivgauche écrit alors le texte de «la foule» :

Elle joue à guichet fermé pendant trois mois à l’Olympia en 1958. Le temps passe, les hommes aussi. Edith prend un nouvel amant, un artiste néophyte du nom de Jo Moustaki, la relation sera courte, mais fougueuse. Il lui écrira le fameux «Milord». Si elle ne garde pas longtemps un homme, elle sait se rendre indispensable au music-hall. Elle sauve l’Olympia de la faillite en 1961.
Sa santé se dégrade, ce qui ne l’empêche pas de mener une vie de bohème et de femme amoureuse. Elle enregistre avec un jeune auteur-compositeur débutant, Charles Dumont, «Non, je ne regrette rien».

Elle recommence sa vie avec un deuxième mariage. Elle épouse en 1962 un jeune inconnu de 26 ans Théo Sarapo qu’elle tente de rendre célèbre avec leur duo «A quoi ça sert l’amour»

Il l’accompagne dans le dernier moment de sa vie. Elle meurt  dans le sud de la France le 11 octobre 1963, il y aura cinquante ans cette année. Sa mort réelle ayant eu lieu la veille, Jean Cocteau aurait appris son décès avant de s’éteindre lui-même le 11 octobre. De tous les hommes qui ont traversés avec elle les écueils de sa vie, je rajouterais : Serge Reggiani ou encore Paul Meurisse avec qui elle a joué dans la pièce «Le bel indifférent » écrite pour elle par Jean Cocteau à qui elle imposera son nouvel amant. Ce petit bout de femme mangeuse d’hommes qui aura brulé la vie par les deux bouts, cherchait une revanche contre son début de vie. Challenge gagné ! Elle restera à jamais l’incarnation d'UNE voix française, une voix d’or éternelle.

Trois vidéos pour finir «Mon Dieu» (1960), «La goualante du pauvre Jean» (1954) et «Les trois cloches» (1946) :



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