D’Edith Gassion à la
Môme Piaf
Beaucoup
vont se dire que depuis ma chronique sur Barbara,
je donne souvent dans les revues nécros des chanteuses et chanteurs historiques
! Que Nenni ! Jamais au grand jamais je ne ferai de chronique sur Claude François,
Joe Dassin ou Mike Brant. Déjà je ne suis pas un grand admirateur de ce genre là
et je veux rester dans l’esprit de notre Deblocnot, autrement dit répondre à
l'attente des lecteurs qui aiment les vraies voix, la poésie authentique et un
certain genre de culture musicale, même si populaire, ou a contrario qui sort
des sentiers battus.
Il
n’est donc pas impossible que dans de futures chroniques, je parle de Brel, Brassens,
Gainsbourg, Nougaro,
Mouloudji ou encore Boby
Lapointe. Mais aujourd’hui la môme Piaf est
à l’honneur. En octobre, cela fera un demi-siècle que sa voix se taisait
jamais. Tellement de livres et de films ont été écrits ou tournés sur sa personne
et sur sa vie, qu’il sera difficile de rajouter une pierre à l’édifice.
La
légende nous dit qu’elle serait née sur les marches de la porte d’entrée d’un
immeuble, en fin de compte, elle serait née à l’hôpital Tenon. Enfant
d’artistes, un père contorsionniste dans un cirque et une mère chanteuse de
rue, issus eux-mêmes de parents venant du cirque. Un début de vie en dents de scie, un premier
mariage à 17 ans avec un certain Louis
Dupont avec qui elle aura une fille. Edith connaitra le malheur de perdre
son enfant qui mourra de méningite deux
ans plus tard. A l’âge de 20 ans, elle se retrouve seule au bord du gouffre,
divorcée, proche de la drogue, de la prostitution et de la déprime. Son univers
est bien dans les rues de Belleville
et de Ménilmontant. en 1935, elle reprend des chansons
populaires au coin de la rue Troyon et de l’avenue Mac-Mahon.
Un
homme s’arrête et lui demande pourquoi ne ferait-elle pas des essais dans une
salle. Cet homme, c’est Louis Leplée,
directeur d’un cabaret parisien «Le Gerny’s» sur les Champs Elysées (Devenu depuis «Le château Frontenac» un hôtel 4 étoiles). C’est
ainsi que Edith commencera sa carrière au «Gerny’s» à 20 ans et que Leplée lui
donnera son nom de scène La Môme Piaf.
Son mentor finira assassiné par des voyous à son domicile !
Du Gerny’s à L’Olympia
Ses
premiers titres seront des complaintes de la rue comme «Les
Môme de la cloche» ou «Entre Saint-Ouen
et Clignancourt» en 1936.
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Mais
il lui fallait un répertoire autre que celui qui constituait son tour de chant
de La Rue. C’est alors que, sur les conseils de Louis Leplée, elle fit le tour des maisons d’éditions pour y
chercher des chansons nouvelles. Après le «Gerny’s», arrive le temps ou les salles se
font plus imposantes avec un public grandissant. Des rencontres primordiales
dans sa vie vont lui ouvrir de plus grandes perspectives de carrière. Raymond Asso, le premier homme dans la vie et dans le lit d’Edith prendra sa
carrière en main. Il lui écrira plusieurs textes, puis lui présentera Marguerite Monnot
qui lui composera la musique et ça donnera «Mon
légionnaire» entre autres…
De Salle En Salle, de
Succès en Succès
Pour
passer par le vedettariat il faut passer par l’«A.B.C» que dirigeait
l’autoritaire Mitty Goldin, le roi
du music-hall de l’époque. Ensuite ce sera «Bobino», «l’Européen» ou encore «L’Alhambra» en tête d’affiche. Elle s’accoquine désormais
avec le tout Paris. Durant la période de l’occupation, elle passe tantôt en
zone libre pour chanter au profit des travailleurs détenus en Allemagne (S.T.O
: Service du Travail Obligatoire) et aide ses amis juifs comme le compositeur Norbert Glanzberg. Ces années-là, elle
enregistre de nouvelles chansons comme "l’accordéoniste" de Michel Helmer. Norbert
Glanzberg survivra au conflit mondial et à la shoah, et sur un
texte de Henri Contet, il composera
le célèbre "Padam
Padam" enregistré en octobre 1951.
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Edith et les Hommes
Edith
Piaf a été une femme libre dans sa vie, ses amours et ses choix artistiques.
Elle a été l'une des rares artistes "femme" à servir de pygmalion.
Elle mettra sur les rails, entre autres, un jeune homme du nom d’Yvo Livi plus connu sous le nom d’Yves Montant.
Après l’avoir mis en vedette américaine, elle l’entrainera dans les studios de
cinéma ou ils tourneront ensemble : «Etoile sans
lumière».
Elle
décide de s’attaquer au public américain, elle fait alors la connaissance des Compagnons de la chanson (Elle était la
compagne de Jean-Louis Jaubert le
directeur et chanteur - le chauve - dans les compagnons), groupe vocal avec qui
elle enregistre «Les
trois cloches». Le groupe ayant déjà beaucoup de succès de l’autre côté
de l’atlantique, Edith veut à tout prix être reconnue comme eux.
c’est
en 1949 après une série de récital à
New York dans un cabaret nommé «Le Versaille»,
devant un public qui ne comprend pas grand-chose à son "charabia
frenchy", qu’elle inaugure une de ses plus belles chansons, "la vie en rose"
(écrite en 1947). Une chanson qui a
été reprise 38 fois par Iggy Pop et Grace
John entre autres et aussi huit fois en instrumental avec Stéphane Grappelli et aussi par d’autres
comme André Rieu et Richard Clayderman (choisissez votre camp
!)
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Mais
le plus important, c’est que son regard va croiser celui d’un boxeur de renom, Marcel Cerdan. Ce français né en
Algérie est champion du monde de boxe depuis 1948 face à Tony Zale,
titre qu’il perdra face à Jack LaMotta
en juin 1949. Le match retour n’aura
jamais lieu. Prévu en décembre 1949,
alors qu’il part s’entrainer à New-York, son avion s’écrase. La polémique veut
que LaMotta ayant des accointances
avec la mafia, cette dernière y serait pour quelques choses dans l’accident
d’avion de Cerdan. Marcel Cerdan sera le grand amour d’Edith Piaf, le début d’une relation
passionnée, mais malheureusement courte.
Elle chante pour la première
fois «L’hymne
à l’amour», une chanson qui deviendra un hommage post-mortem après
le décès du boxeur. Après la mort de Cerdan,
elle est dans un désarroi irréversible. Elle s’entoure d’une cour d’hommes
auteurs-compositeurs comme Gilbert Bécaud
ou Charles Aznavour qui lui écrira en 1951 «Jezebel» et «Plus bleu que
tes yeux»
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C’est
aussi cette année-là qu’elle chante dans une opérette «La P’tite Lili» Avec Eddy Constantine. Un homme en chasse un
autre, elle se marie avec le compositeur
Jacques Pills en juillet 1952. Elle reprend le chemin des
studios et aussi ceux du cinéma où elle apparaitra dans «Si
Versaille m’était conté» de Sacha
Guitry (1953) et «French Cancan» de Jean Renoir (1954). La
consécration arrive en 1957, elle
enflamme le Carnegie
Hall, elle est désormais une star internationale. De retour en
France, sa vie oscille entre les cures de désintoxication du aux drogues
qu’elle prenait suite à deux accidents de voiture en 1951, la maladie déjà
présente, et surtout la musique. A l’Olympia en 1956, elle chante une chanson un peu rock’n’roll: «L’homme à la
moto».
Tout le monde veut vendre une chanson à la Môme. Michel Rivgauche écrit alors le texte de «la foule» :
Elle
joue à guichet fermé pendant trois mois à l’Olympia en 1958. Le temps passe, les hommes aussi. Edith
prend un nouvel amant, un artiste néophyte du nom de Jo
Moustaki, la relation sera courte, mais fougueuse. Il lui écrira
le fameux «Milord».
Si elle ne garde pas longtemps un homme, elle sait se rendre indispensable au
music-hall. Elle sauve l’Olympia de la faillite en 1961.
Sa
santé se dégrade, ce qui ne l’empêche pas de mener une vie de bohème et de
femme amoureuse. Elle enregistre avec un jeune auteur-compositeur débutant,
Charles Dumont, «Non,
je ne regrette rien».
Elle
recommence sa vie avec un deuxième mariage. Elle épouse en 1962 un jeune inconnu de 26 ans Théo Sarapo qu’elle tente de rendre célèbre avec leur duo «A quoi ça sert
l’amour»
Il
l’accompagne dans le dernier moment de sa vie. Elle meurt dans le sud de la France le 11 octobre 1963, il y aura cinquante
ans cette année. Sa mort réelle ayant eu lieu la veille, Jean Cocteau aurait
appris son décès avant de s’éteindre lui-même le 11 octobre. De tous les hommes
qui ont traversés avec elle les écueils de sa vie, je rajouterais : Serge Reggiani ou encore Paul Meurisse avec qui elle a joué dans
la pièce «Le
bel indifférent » écrite pour elle par Jean Cocteau à qui elle imposera son nouvel amant. Ce petit bout de
femme mangeuse d’hommes qui aura brulé la vie par les deux bouts, cherchait une
revanche contre son début de vie. Challenge gagné ! Elle restera à jamais
l’incarnation d'UNE voix française, une voix d’or éternelle.
Trois
vidéos pour finir «Mon Dieu» (1960), «La goualante du pauvre Jean» (1954)
et «Les trois
cloches» (1946) :
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