J'ai
eu la mauvaise idée de l'écouter le matin, avant de
partir au travail. Une gageure, car hypnotisé par l'écoute
de la galette je n'ai pu m'en détacher avant la fin. En
conséquence, j'ai du subir les réprimandes de mon
patron pour un modeste retard de deux heures. Entre-temps, entraîné
par le rythme de « Sing to Me » (avec cheveux
dressés sur la tête) j'ai appuyé un peu
lourdement sur le champignon, dépassant ainsi la vitesse
limite (c'est qu'ils accélèrent la cadence les bougres) ; résultat, j'ai pris un PV et perdu des points. Dans
l'embouteillage, la cadence irrésistible, légèrement
funky, de « Liar » prit possession de mon
corps : me trémoussant et grimaçant dans mon siège,
j'eus la surprise de lire la stupéfaction et l'incompréhension
sur les visages confinés dans les voitures avoisinantes. De
retour à la maison, j'ignorai tout le monde pour me précipiter
sur la chaîne et me plonger à nouveau dans l'écoute
extatique de cette envoûtante galette. « Drink it Slow »,
je descendis sans y prendre gare ma bouteille de Jack agrémentée
de quelques bières, ce qui engendra une franche désapprobation
de ma famille qui me mit en quarantaine ; avec mon « précieux ».
Les
écoutes successives générant immanquablement un
hérissement de poils des avant-bras ont fini par avoir raison
d'une partie de ma pilosité (je
suis obligé d'attendre la prochaine lune...pour que cela
repousse).
Le pire c'est que c'est devenu une véritable addiction ; une
journée sans ce « Death Letter Jubilee »,
me paraît être une journée sans piment.
Des
regrets ? Non,
car il a la particularité de mettre irrémédiablement
du baume au cœur, même lorsque l'on a le moral à zéro.
C'est jubilatoire ! Vouaille !
Delta Saints a cette qualité rare d'avoir une réelle personnalité, qui fait que dorénavant on les reconnaît dès les premières mesures. Ils sont ancrés dans le Blues. Un Blues moite, gras, nimbé parfois d'effluves de souffre, payant et revendiquant son tribut au rock, dans une atmosphère sombre et enjouée, oppressante et vivifiante à la fois (la musique du diable ?).
Les
racines sont ancrées dans la musique du Sud des USA, du Delta
et des bayous. Pourtant ils sont assez loin des schémas
endémiques, faisant fi des carcans tout en restant
irrévocablement liés à un Blues profond et
authentique.
Du
Blues-rock trempé jusqu'aux os de l'eau boueuse des marécages,
ou du Swamp-blues dopé aux stéroïdes d'un Rock
chaleureux et hypnotique. Du Rock rampant nimbé d'effluves du
bayou remontant souvent pour vous saisir à la gorge et prendre
possession de vos sens.
En
titre caché, on retrouve même du Jazz bastringue de
New-Orleans.
On
n'est guère étonné que leurs influences
fièrement revendiquées (et qui effectivement ressortent
parfois au détour d'une mesure), soient, en vrac, Tony Joe
White, North Mississippi All Stars, Muddy Waters, Slim Harpo, Jason &
the Scorchers, Allman Brothers Band, Black Crowes.
Et je serai tenté
de rajouter, à brûle pourpoint, Aerosmith, Blues
Travellers, Howlin' Wolf et Chris Withley. Il y a même un mouvement sur "Sing to Me" qui m'évoque le Blackfoot de "Highway Song Live".
Leur premier essai (en fait la compilation du meilleur de leurs deux Eps -"tu clics là pour le lien"-) était déjà une belle réussite. « Death Letter Jubilee » est au-delà de la confirmation. Le premier présentait quelques points faibles, ici il n'y en a pas. Le quintet est passé à l'échelon supérieur. C'est mieux produit et mieux fini, (avec quelques chœurs féminins qui apportent un plus non négligeable). Il semble dorénavant totalement maître de son art, au point même d'être en passe de devenir le meilleur représentant du Swamp-Blues-rock. En tout cas, certainement un des plus original et envoûtant de ces dernières années. Treize compositions, aucune reprise, et rien à jeter (même si, en étant pointilleux, on pourrait se dispenser de « Jericho »).
En bref, Delta Saints c'est :
- Une basse sans complexes, au son plein et rond, avançant crânement, ouvrant la route à travers les marais à ses acolytes (David Supica)
- Un harmonica tantôt mutin, tantôt belliqueux. Parfois véloce tel un John Popper, parfois en phase avec la rythmique à la manière d'un Magic Dick, ou direct et rural façon Howlin' Wolf (Greg Hommert)
- Une voix de possédé, de hobo rendu fou par les divers breuvages qui lui ont altéré les cordes vocales. Une voix qui s'éraille aisément, dès qu'elle hausse le ton, et non seulement elle aime ça mais en plus elle s'y complaît (Ben Ringel)
- Un dobro qui griffe et lacère, au langage certes rude mais qui ne s'embarrasse pas de quelconque charabia (Ringel)
- Une Gibson baveuse et sournoise, prête à mordre, ou à commettre un larcin dès que ses compagnons lui laisse le champs libre (Dylan Fitch)
- Une batterie tribale, adepte du vaudou et autres rites païens (Ben Azzi).
Pas d'la musique de garçons coiffeurs ça mon pote ! Ça vient des tripes, ça vient du cœur, du sang, d'la sueur !
Play it à donf !!!
- Liar 2:55
- Chicago 4:36
- Death Letter Jubilee 4:19
- Jezebel 3:06
- Boogie 4:05
- Out To Sea 3:00
- Sing To Me
- Drink It Slow 4:08
- From the Dirt 3:30
- The Devil's Creek 2:55
- The River 1:53
- Old Man 3:48
- Jericho 2:23
The clip
Le précédent (clic/lien) : The DELTA SAINTS (2011)
J'étais déjà tombé sur eux sur you tube of mayonnaise aux détours de mes perenigrations, la 1ere vidéo m'avait accroché, la seconde que tu post je la découvre, ils ont du talent.
RépondreSupprimerrien à retirer ni à rajouter à cet article..tout est dit et bien dit! Excellent disque , bon du début à la fin où chaque morceaux nous surprend tout en gardant une "patte" bien reconnaissable. Du blues du bayou mais on est loin de tony Joe white...là ça arrache dur, la voix est effectivement éraillée juste ce qu'il faut et l'harmonica.. quel virtuose!
RépondreSupprimerMerci, the Bluesykid.
SupprimerPour Tony Joe White, c'est eux qui le disent.
Toutefois, en se référant plutôt au Tony Joe en début de carrière - par exemple les excellents "Black & White" (68) et "Tony Joe White" (71) - on retrouve parfois, en réminiscence, l'esprit. Mais oui, Delta Saints est bien plus dur.
Ils sont excellents, ces petits gars... Vus à Cognac l'an passé puis au New Morning il y a quelques semaines, l'ensemble s'améliore encore et ils en ont encore sous la pédale, les minots, semble-t-il.
RépondreSupprimerEn concert à Clermont Ferrand le 16 avril et chez nous au Temps des Crises (Beaumont en Véron 37) le 18 avril mais il ne reste presque plus de place...
Dominique