jeudi 14 mars 2013

Boby Lapointe, Calembourrage de crâne - par Pat Slade


"Une chronique pas trop critique chroniquée par un chroniqueur pas trop critiqué !" Voilà comment une chanson de Boby Lapointe aurait pu commencer.                                      
Archétype de l’artiste incompris par ses contemporains, il  connaitra une gloire posthume auprès des jeunes générations. Certains à l’époque n’aimaient pas les jeux de mots et préféraient les jeux de maux, et non de Meaux où la moutarde leurs montaient au nez. Pourquoi me suis-je attaqué et attaché à ce personnage haut en couleurs ? À cause de me fille qui, du haut de ses douze printemps, est venue me voir un soir (croyant me piéger !) me chanter une chanson qu’elle apprenait à son cour de musique :
- Papa ! Connais-tu cet air et le chanteur qui susurre cette sympathique mélopée ?
- Oui ma fille, je connais cet air qui n’en manque pas. Aux rythmes animés tels les dessins de Walt Disney qui l’étaient aussi (Pas les rythmes). Et franchement je préfère que tu apprennes ceci que "Gabrielle" ou "Allumer le feu". Rien que d'y penser, j’en aurais jauni à l’idée"…
Et voilà qu'elle commence à me chanter avec assurance les paroles d’une chanson ou les jeux de mots et les calembours sont rois. "Un tube de toilette" qui ne n’en fera pas un auprès des vendeurs de dentifrice.


Le Début Débuta par le Commencement



Magicien farfelu du verbe et, clown syntaxique, ce bonhomme débonnaire (Comme disait Sandrine), né en 1922 à Pézenas dans l’Hérault (Les habitants s’appelle les Piscénois ! Et je ne décomposerais pas les syllabes !), d’une famille de mélomane, sa mère, Elodie, a une belle voix et en fait profiter les autres. Son père François-Ernest collectionne les instruments de musique, mais c’est aussi un amoureux des chiffres et des lettres. Il inventera le système «Bi-binaire» (Ne me demandez pas de vous l’expliquer !) (clic pour plus d'infos sur cette théorie.)
Baigné dans une telle ambiance, les mots et les chiffres seront sont environnement  culturel. Un de ses professeurs de collège qui a pour habitude de lire à haute voix à toute la classe les devoirs de français de Boby, lui dit : "Vous écrivez bien, quoique vos idées soient complètement loufoques".
Le petit Boby est un charmant diablotin rêveur. Les habitants de Pézenas se rappellent encore de ses espiègleries, comme le coq du clocher devenu phosphorescent un soir de pâque, ou le pékinois de la perceptrice se promenant un jour tondu en singe, ou encore les interversions de bonnes et de mauvaises bouteilles dans les caves. Il commence à apprendre le solfège, s’essaye aux divers  instruments de la collection de son père et prend des leçons de violon.
"Le violon de deux choses l’une ou tu joues juste ou tu joues tzigane. Moi, je n’ai pas tellement le choix, je joue tzigane. Y’en a qui prétendent que le violon ne supporte pas la médiocrité ! C’est faux ! Le violon supporte la médiocrité, c’est ceux qui écoute qui ne la supporte pas"


Il rêve de devenir pilote de chasse, même si ses talents littéraires lui valent fréquemment des "Zéro, hors sujet" en français, il se fait régulièrement exclure des établissements qu’il fréquente, pour s’être baigné dans le bassin de la cour d’honneur par exemple. Il obtient quand même son BAC "Math elem" et prépare centrale et sup-aéro. C’est à cette époque qu’il invente l’embrayage automatique, invention qui n’intéresse personne. Il commet encore quelques frasques mémorables dans son village natal comme un envol de la chapelle en surplis de chauve-souris ou un envol du pont de l’Hérault en bicyclette.

L’Hérault En Guerre, Mais Guère De Héros



En 1942, il doit interrompre ses études, il est appelé sur les chantiers de jeunesse. Un an plus tard il sera enrôlé de force en Allemagne au S.T.O  (Service du travail obligatoire). Il s’évade en novembre, est repris dans une rafle, il s’évade à nouveau avec le pseudo revanchard de Robert Foulcan. Recherché par les soldats Allemand, il se planque comme scaphandrier dans le port de La Ciotat. Il écrit toute les semaines à ses parents : "Les mémoires d’un petit soul’eau". Il se marie en 1946 et s’installe à Pézenas. En 1951 il publie à compte d’auteur, sous le pseudonyme de b.bumbo (En minuscules !) "Les douze chants d’un imbécile heureux". Treize textes en fait dont "Etranges propos d’un réveil chromé" qui deviendra le fameux "Ta Katie t’as quitté".  




A Paris Sur Seine Sur une Scène à Paris



En 1952, il monte à Paris avec femmes et enfants et tient en gérance un magasin de bonneterie qu’il baptise "Poil de carotte". Il écrit une pièce de théâtre "Le barbu du square ou 20 ans d’aléas" (Drame social en vingt scènes et trois époques). La layette marchotte, mais n’aide pas à mettre du beurre dans les épinards. Il écrit "Aragon et Castille", il démarche les interprètes et les éditeurs. Il exerce divers  métiers : électricien, fort des halles, barman, vendeur de machines à écrire, figurant dans quelques films ("Une vie de garçon", "tourments"), représentant pour le café Mexicana qui lui inspira la chanson "Tchita la créole".

L’impresario de Bourvil entend sa chanson "Aragon et Castille" et lui propose de la faire interpréter par le comédien dans le film "Poisson d’avril"…

…sans beaucoup de succès. Il divorce en 1956, achète un magnétophone à bandes et enregistre 8 titres accompagné d’une guitare sommaire. Pour subsister, il s’installe à Saint Mandé : "Robert Lapointe antennes, Radio, Télévision F, Modulation, toutes installations : collectivités, longue distance, etc.". Quand on demande à Boby comment installer une antenne de télévision, il répond tout de go : "Sur le toit !".
Les vrais débuts ce feront au Cheval d’or en 1959. Dans la salle un habitué, François Truffaut, qui adore le phénomène et lui demande d’interpréter "Framboise" et "Marcelle" dans son film "Tirez sur le pianiste", accompagné par Charles Aznavour, même si dans la scène, ce n’est pas lui qui joue.
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Le producteur du film ne comprend pas les paroles et enjoint Truffaut de couper la scène ou de la sous-titrer, le réalisateur le prend au mot. Le premier karaoké avant l’heure. C’est comme "Le chanteur sous-titré" que Boby obtient ses premiers succès aux Trois Baudets, à l’Alhambra, à l’Olympia, à Bobino 
Charles Aznavour l’engage en vedette anglaise de son tour de chant à l’Alhambra. Commence alors le marathon des cabarets, parfois jusqu'à quatre par nuit. En 1961 sort un album cinq titres tiré à seulement 1000 exemplaires avec des titres comme "Bobo Léon" ou "Troubadour ou la crue du Tage".

"Le chanteur sous-titré" devient le surnom attitré du chanteur. "Et aussi chanteur radio-passif !" Ajoute-il de façon goguenarde, certaines de ses chansons étant contraintes à un passage plus tardif sur la radio d’état. En 1962, il ouvre son propre cabaret, rue de la Huchette "Le cadran bleu" et apparait dans un spectacle à sa façon, "Show et froid de volaille". A l’entrée, il installe une pointeuse, sa devise : "Chez Lapointe, on s’pointe et on pointe !"

La Bobine de Boby à l’Ecran



En 1963 sort un EP 4 titres avec "L’hélicon" et "La peinture à l’huile"
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Entre les enregistrements, les cabarets, les tournées avec les amis Georges Brassens, Jean Ferrat et aussi une première partie des Rolling Stones dans le cadre des "Musicoramas" sur Europe 1, il continue à écrire des textes dont l'un atteindra la treizième place au hit-parade en 1966

Anecdote d’enregistrement de cette chanson, Boby Lapointe avait son propre sens du rythme. Sur l’enregistrement de "Saucisson de cheval", sa façon de prendre le rythme passait par-dessus ses épaules, mais pas par-dessus de celles du preneur de son.
Discussion entre l’ingénieur du son de l’époque et Boby Lapointe :
- Le technicien : Mr Lapointe, je crois que vous n’êtes pas en mesure…
- Boby : En mesure de quoi ?
- Le technicien : …
- Boby : Dites tous de suite que je dépasse la mesure !
En 1969, de la scène éclairée, il passe à l’écran dans les salles obscures. Il amorce une carrière de comédien dans "Les choses de la vie" de Claude Sautet et sept autres films dans ces années-là et 1971. Il jouera le rôle de P’tit Lu dans "Max et les ferrailleurs" avec Michel Piccoli et Romy Schneider,  une espèce de brute au cerveau peu évolué. Entre deux films, il enregistre un duo avec Anne sylvestre "Depuis le temps j’l’attends mon prince charmant" (vidéo). 1970 démarre avec une tournée en vedette américaine de Joe Dassin (qui insistera après sa mort auprès des patrons de Philips, pour le faire rééditer et ainsi lui offrir un la postérité).
Homme éclectique à souhait, le journal «Hara-Kiri» (N° 101 février 1970) publie un roman-photo ou Boby incarne Dieu lui-même. En 1971, la cadence s’accélère, il est à l’Olympia en vedette américaine de Michel Delpech, puis enchaine une tournée avec Georges Moustaki. Puis retour au cinéma dans "Les assassins de l’ordre" avec Jacques Brel et «La veuve Couderc» avec Simone Signoret. De décembre 71 à janvier 72, malgré un cancer qui le ronge, il fera quand même la première partie de Pierre Perret à Bobino. Bien avant l’heure, l’écologie et le futur de la planète le passionne, il commence la rédaction d’un texte de réflexion général. Il continuera aussi de travailler à  de nouvelles chansons. Le 29 juin 1972, il décède d’un cancer. Il est enterré à Pézenas ou l’on a fait graver sur sa tombe : «Il voulait jouer de l’hélicon».

Trois vidéos «Depuis le temps que j’l’attends mon prince charmant»  en duo avec Anne Sylvestre, «Aragon et Castille» le seul scopitone qu’il ait tourné et «Framboise» extrait du film «Tirez sur le pianiste» avec son sous-titrage.   



5 commentaires:

  1. "Chez Lapointe, on s’pointe et on pointe !" ... son penchant aussi pour la gente masculine comme dans sa chanson "Comprend qui peut" ;)

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  2. Mort en 1972 ??? Je ne pensais pas que c'était si ancien, finalement, sa carrière aura duré 10 ans, c'est peu.

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  3. Il passé la majeure partie de sa vie à Pézenas ... accro à l'Hérault donc ...

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