Quarante-deux
ans après les faits, Sony et Columbia sortent un coffret qui se révèle bourré
de surprises. Dans ce luxueux objet (mieux réalisé je trouve que le volume 1 en
termes de design et de packaging - le livret ne se balade plus entre les
volets, les photos sont sublimes), voici donc la quasi-totalité de quatre
concerts donnés par le troisième quintet de Miles Davis au cours de l'été 1969.
Les deux premiers concerts ont été captés à Juan-les-Pins les 25 (disque 1) et
26 juillet 1969 (disque 2). Le troisième concert fut capté le 5 novembre de la
même année au Folkets Hus de Stockholm. C’est le seul concert qui présente un
morceau incomplet (Masquarelo).
Rappel
des faits : en décembre 1967, le second grand quintette avec Hancock, Shorter,
Carter et Tony Williams s'est disloqué. « Pour se détacher davantage de
lui-même, Miles Davis va s'appliquer une fois encore à court-circuiter le vieil
homme » comme le dit si bien Alain Gerber dans Le Blues du Blanc. « Plus
radicalement qu'il ne l'a jamais fait. Et plus naïvement : par l'électricité ».
Il suffit de suivre la progression du trompettiste à partir de ces années-là,
avec d'abord MILES IN THE SKY, puis FILLES DE KILIMANJARO et enfin IN A SILENT
WAY pour comprendre cette transmutation prodigieuse : la contrebasse est
délaissée au profit d'une basse électrique, puis Miles Davis montre à ses
pianistes (Herbie Hancock, Chick Corea et enfin Keith Jarrett) le chemin du
Fender Rhodes (ce fameux piano électrique inventé par Harold Rhodes). D’abord
réticents, ils saisissent peu à peu les possibilités de l’instrument électrique
et surtout ses couleurs : à mi-chemin entre le piano et le vibraphone, un
clavier polyphonique réellement dynamique où l’on sent un marteau qui frappe et
rebondit, et qui permet des nuances de toucher et d’attaque inouïs. Aussi, lors
de sa tournée européenne de 1969, Miles Davis ne fait pas appel à ses
guitaristes (Joe Beck, George Benson et John McLaughlin avaient participé aux
projets studios précédents), et notre Sorcier Noir n’adapte pas encore la
pédale wah-wah. Enfin, le seul musicien du deuxième quintet à être resté, c’est
le génial Wayne Shorter. On l’entendra tour à tour au sax ténor et au sax
soprano. Le « Lost quintet » est ainsi composé de Miles (trompette), Shorter
(saxophones), Chick Corea (Fender Rhodes), Dave Holland (contrebasse et basse
électrique) et le tout jeune Jack DeJohnette (batterie), ces trois derniers
étant loin d’être des compagnons de hasard.
Première
surprise et non des moindres : l’auditeur retrouve au cours de ces trois heures
de musique intense les traces thématiques du premier et deuxième quintet :
Ainsi Round Midnight, Milestones, I Fall In Love Too Easily, Masquarelo,
Footprints ou encore Nefertiti. Autant le dire, c’est du bonheur en barre de
retrouver ces pièces confrontées à autant d’intensité et d’alchimie. Les
musiciens soudés et composant une seule et même unité proposent une musique
rythmée par de furieuses explosions. Dionysos est comme présent, serrant leurs
joues entre ses cuisses mues et crasseuses. Quel équipage ! Rien n’illustre
mieux que cette musique la fonction essentielle de l’art, pour reprendre une
expression de Michel Tournier dans Le Roi des Aulnes : « à nos cœurs rendus
malades par le temps – par l’érosion du temps, par la mort partout à l’œuvre,
par la promesse inéluctable de l’anéantissement de tout ce que nous aimons –
l’œuvre d’art apporte un peu d’éternité. C’est le remède souverain »
Deuxième surprise : on a dit ici et là que la qualité sonore laissait parfois à désirer. Pour avoir écouté de nombreux bootlegs de ce “Lost Quintet” dont Miles Davis disait dans son Autobiographie « Man, I wish this band had been recorded live because it was really a bad motherfucker. I think Chick Corea and a few other people recorded some of our live performances, but Columbia missed out on the whole fucking thing” qu’on peut traduire par « Mec, je regrette que Columbia n’ait pas enregistré ce quintet en concert car c’était une sacrée tuerie. Je pense que Chick Corea et d’autres ont enregistré des morceaux, mais merde, Columbia a raté toutes les occasions pour nous enregistrer », celui-ci est de loin le meilleur. Il y a deux ans, Columbia avait sorti pour notre plus grand plaisir le live de juillet 1969 à Newport (BITCHES BREW LIVE), mais c’était sans Wayne Shorter. Deux autres bootlegs avec ce quintette étaient également parus chez Disconforme et Gambit (THE COMPLETE LIVE AT THE CORONET et le LIVE IN BERLIN) mais leur qualité sonore était largement en dessous de ce que propose aujourd’hui Columbia. Même si l’on notera ici et là quelques défaillances au niveau du mixage (la basse de Holland est quasi-inaudible à Juan-Les-Pins), l’ensemble constitue pour moi un merveilleux témoignage.
Deuxième surprise : on a dit ici et là que la qualité sonore laissait parfois à désirer. Pour avoir écouté de nombreux bootlegs de ce “Lost Quintet” dont Miles Davis disait dans son Autobiographie « Man, I wish this band had been recorded live because it was really a bad motherfucker. I think Chick Corea and a few other people recorded some of our live performances, but Columbia missed out on the whole fucking thing” qu’on peut traduire par « Mec, je regrette que Columbia n’ait pas enregistré ce quintet en concert car c’était une sacrée tuerie. Je pense que Chick Corea et d’autres ont enregistré des morceaux, mais merde, Columbia a raté toutes les occasions pour nous enregistrer », celui-ci est de loin le meilleur. Il y a deux ans, Columbia avait sorti pour notre plus grand plaisir le live de juillet 1969 à Newport (BITCHES BREW LIVE), mais c’était sans Wayne Shorter. Deux autres bootlegs avec ce quintette étaient également parus chez Disconforme et Gambit (THE COMPLETE LIVE AT THE CORONET et le LIVE IN BERLIN) mais leur qualité sonore était largement en dessous de ce que propose aujourd’hui Columbia. Même si l’on notera ici et là quelques défaillances au niveau du mixage (la basse de Holland est quasi-inaudible à Juan-Les-Pins), l’ensemble constitue pour moi un merveilleux témoignage.
Troisième
surprise : le dvd. Capté live le 7 novembre 1969 au Philarmonic de Berlin, le «
Lost Quintet » donne à voir et entendre un concert historique. Rien que pour ce
travail et cet effort fourni par Columbia pour nous restituer une image en
couleur de haute définition, avec un son quasiment sans équivalent (c’est à ce
point monstrueux, d’une qualité digne d’éloges), je dirais que ce coffret vaut
largement le détour. Lumières et contrastes saisissants, qualité des cadrages,
superpositions de plusieurs plans. Miles Davis sue, transpire, ses comparses
jouent toujours avec autant d’intensité. A la contrebasse, Dave Holland est
monstrueux, quant à Wayne Shorter il proposant des soli époustouflants,
notamment au soprano (un instrument qu'il venait d'adopter quelques semaines
auparavant, lors de la session de IN A SILENT WAY). L’on se pince par tant de
génie et de fulgurances. Le concert dure près de 45 minutes, et Miles Davis enchaîne
sans interruption les thèmes suivants : Directions, Bitches Brew, It’s about
that Time, I Fall In Love Too Easily, Sanctuary et The Theme. Enfin, dernière
surprise, c’est un quintet tout acoustique qui nous est proposé lors du concert
de Stockholm (disque 3). Corea est cette fois-ci au piano, et le résultat est
tout aussi fascinant.
Autres albums du Sorcier chroniqués par Freddie : LIVE IN BERLIN et QUINTET LIVE 1967
Autres albums du Sorcier chroniqués par Freddie : LIVE IN BERLIN et QUINTET LIVE 1967
Et on se fait plaisir avec 35 minutes de concert, à Juan les Pins, en 1969, avec le fameux quintet...
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