- CADRES NOIRS, ça tombe bien, je suis passée à
Saumur pendant les vacances ! Vous voulez bien me le prêter vot' bouquin
M'sieur Luc?
- non.
- et pourquoi ? J'adore
l'équitation moi !
- Parce que si vous
aviez lu la chronique ma petite Sonia, vous sauriez que ce livre ne parle pas
d'équitation. De plus, c'est un vrai livre, avec plein de mots dedans, et même
pas d'images.
- Mais justement, je
l'ai lue vot' chronique, et ça m'a donné envie de lire le bouquin. Allez, si
vous plait !
- NON !
………………………………………
- M'sieur Claude! (snif)
- Sonia mon p'tit, mais
qu'est-ce qui vous arrive ?
- M'sieur Luc, y veut
pas me prêter son bouquin... (snif) Y dit qu'y a trop de mots dedans et que
j'suis trop bête pour comprendre. (snif)
- Allons allons, faut
pas vous mettre dans un état pareil mon p'tit. Tenez, si vous ne savez pas quoi
faire, allez voir ce DVD, je vous le prête. C'est une belle histoire, une
histoire vraie, je suis sûr que ça va vous plaire.
- Oh, merci M'sieur
claude ! (snif)
- Arrêtez donc de
renifler et allez me chercher un pt'it café.
- (snif) tout de suite
M'sieur Claude.
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Il n'est que la vraie vie pour vous inventer une histoire pareille. Aucun scénariste n'aurait pu imaginer un sujet aussi simple, décalé, humain, rafraichissant, en un mot, touchant. Un pied de nez à notre époque, éprise de jeunesse, de vitesse et de technologie. Un film lent, sans effets spéciaux, ni bagarres. Pas même une scène de nu. Pas d'intrigues non plus. Ni de méchants. Rien à comprendre (quoique...), rien à démontrer. Alors que reste-t-il me direz-vous ? Il reste l'essentiel.
"A mon âge on a
vu à peu près tout ce que la vie peut nous réserver. J'ai appris à séparer le
grain de la paille et à laisser les choses sans importance tomber d'elles
même."
Alvin Staight, 73 ans,
malade, revenu de tout, ou presque, décide de traverser l'Amérique pour rendre
visite à son frère qui vient de faire une attaque. Les deux hommes, fâchés, ne
se sont pas parlé depuis 10 ans. Alvin, qui n'a pas le permis, construit une
remorque de fortune et prend la route, contre l'avis de tous, sur... son vieux
tracteur tondeuse !
Un
Road Movie au ralenti, dans une Amérique aux paysages grandioses, parsemée de
bourgades perdues qui semblent figées dans le temps. Des personnages simples et
bien intentionnés, qui portent en eux des valeurs oubliées, des références
bibliques, la magie du voyage, de l'émotion, une belle musique, bref tous les
ingrédients du cinéma d'antan, le bon vieux film américain qui fait du bien.
Entre Lost
Highway et Mulholland Drive,
le fantasque David
Lynch se serait-il offert une parenthèse avec cette histoire vraie ?
(dont le titre français traduit bien mal le double sens du titre original the Straight Story.) En quelque sorte
oui, mais cette histoire apparemment simple, si vraie soit elle, n'en reste pas
moins Extra Ordinaire. Ce titre français, qui insiste de façon presque naïve
sur l'authenticité des faits, souligne le paradoxe. Et l'interprétation qu'en
donne le réalisateur reste ancrée, de façon subtile (presque subliminale), dans
son univers fantastique.
David
Lynch ne s'empare de cette histoire vraie que pour la transcender, et on accède
à son univers d'autant plus facilement qu'il nous y invite de façon intuitive.
Les dialogues sont terre à terre, la clé du film est à chercher ailleurs, bien
au-delà des mots. D'ailleurs le problème d'élocution de Rose (Sissy Spacek) illustre bien les
limites du langage, et les gros plans répétés sur le visage buriné d'Alvin, son
regard limpide, ses expression furtives et ses silences habités traduisent à
merveille l'état d'esprit du personnage.
C'est
au travers des images et des sons que le réalisateur se dévoile, par petites
touches, jouant avec l'immensité des paysages qu'il prolonge jusqu'au ciel,
avant de réduire le cadre au ras du sol, allant jusqu'à ne filmer que la bande
jaune de la route où chemine Alvin sur sa minuscule tondeuse. Tout au long du
film il suggèrera une pluralité de dimensions par une alternance de plans
larges, de gros plans, de plans serrés, mais aussi de visions d'en haut selon
un code établi dès les 1eres minutes.
Souvenez-vous.
La présentation se déroule sur fond de ciel étoilé, et de musique (Angelo
Badalamenti)… Puis la caméra survole lentement la campagne, (c'est
l'automne, le temps de la moisson) puis la bourgade, (une rue quasi déserte,
traversée par quelques chiens) avant de s'immobiliser au-dessus d'une petite
maison, celle d'Alvin au moment même du départ de sa fille Rose. La musique s'arrête. La
présence de la voisine semble provoquer une légère hésitation, mais dès qu'elle
s'absente à son tour, la caméra se dirige résolument vers une des fenêtres,
sans toutefois la franchir. A l'intérieur, on entend quelques pas, puis le
bruit sourd d'une chute. L'observateur invisible et silencieux s'attarde
quelque peu sur le retour de la voisine. (Faut dire qu'il y a de quoi...) Fondu
au noir, changement de plan. Caméra à hauteur d'homme.
Il
a dû se passer quelque chose d'inhabituel, Alvin est en retard. Tous ses
copains l'attendent. L'un d'eux, parti aux nouvelles, le découvre étendu sur le
sol, lui demande ce qu'il fait par terre, et semble désolé de devoir annuler un
rendez-vous prévu ce jour. La voisine qui n'a rien vu (et pour cause, elle a
les yeux masqués..) se mêle de tout, et cherche, affolée "quel n° on fait
pour le 15" Alors qu'Alvin ne réclame qu'un peu d'aide pour se
relever. Puis Rose,
quelque peu perturbée, mais pleine de bon sens, l'oblige à voir un médecin,
lequel confirmera le mauvais état de santé d''Alvin qui refuse obstinément de
se soigner. On suivra ses doutes et ses hésitations sur son visage, jusqu'à
cette fameuse scène d'orage. Le téléphone sonne. C'est Rose qui répond. Long
gros plan sur le visage d'Alvin, qui semble pressentir la mauvaise nouvelle. Un
éclair fulgurant déchire le ciel au moment même où Rose lui apprend l'attaque
de son frère Lyle.
La caméra survole et s'attarde sur la maison, à nouveau vue d'en haut. À partir
de ce moment, plus rien ne pourra le faire changer d'avis, Alvin a pris sa décision. Sous
le regard curieux des habitants du village il se prépare à partir pour un
voyage de 500 km au volant de sa tondeuse à gazon, et semble s'amuser de leur
incrédulité. Il n'est déjà plus des leurs. Seule Rose, dans sa simplicité, bien
qu'horrifiée par son départ, l'accepte et comprend.
Au
volant de sa tondeuse, abandonnant sa fille à la protection des étoiles, Alvin
tourne le dos à ce petit monde étriqué, et le thème musical change de
dimension. Tout au long de ce voyage initiatique à rebours, malgré un premier
départ manqué, la route sera étonnement droite, le hasard particulièrement
bienveillant (la vieille bâtisse qui lui sert d'abri pendant un orage,
l'hystérique dame au cerf qui lui offre, bien involontairement, une manne sous
forme de viande fraîche...), et la détermination d'Alvin, qui semble puiser sa
force dans la contemplation du ciel étoilé, ou des restes fumants d'un feu de
bois, ne faiblira jamais.
Voyage
initiatique à rebours donc, au cours duquel chaque nouvelle rencontre fait
surgir des images du passé. "Ce qu'il y a de pire dans la vieillesse c'est qu'on se
rappelle le temps où on était jeune". De la jeune fille
fugueuse au vieillard torturé par ses souvenirs de guerre, en passant par les cyclistes
insouciants et les frères querelleurs, le destin semble universel et Alvin
puise dans son expérience la réponse appropriée au réconfort de chacun, se
mettant en règle avec le passé avant d'aborder la traversée du pont qui enjambe
le Mississipi. Il passera la dernière nuit du voyage dans un cimetière, en
compagnie d'un prêtre et s'offrira une (dernière ?) bière. David Lynch égraine les symboles
tout au long du chemin, il appartiendra à chacun d'en récolter les fruits,
selon son imaginaire propre, comme semble nous y inviter l'omniprésence des
silos à grains.
Je
vous laisse bien sûr découvrir par vous-même la fin, un grand moment d'émotion
superbement maitrisé, presque sans dialogue et dénué d'effets spéciaux, où tout
repose sur le jeu des acteurs et les silences. Formidable Richard Farnsworth qui semble
vivre le rôle plus qu'il ne le joue, et qui par ses expressions, ses regards,
ses sourires esquissés nous entraine avec lui dans un émouvant voyage
intérieur.
"Une histoire vraie" restera son
dernier film. Gravement malade, il mettra fin à ses jours moins de deux ans
après le tournage.
Le
film sera bouclé en cinq semaines, soit la durée du périple du véritable Alvin Straight,
en suivant son itinéraire, dans le middle ouest des États-Unis.
Quelques
plans du film puis un extrait de la musique d'Angelo Badalamenti (compositeur
complice de David Lynch)
Oooh !!! Le BEAU film humaniste (humain ?) que voilà. Et dans notre monde du "toujours plus vite", "Une histoire vraie" nous invite justement à appuyer sur la pédale de frein et à la contemplation.
RépondreSupprimerMerci d'en avoir parlé d'une aussi belle façon.
Vincent
c'est un plaisir, Vincent, de partager un tel film avec ceux qui l'ont aimé, dans l'espoir de donner envie aux autres de le voir...
RépondreSupprimerEt oui Sonia, le Déblocnot' a été créé aussi et surtout pour ça.
RépondreSupprimerQuand même ! Et pour la deuxième fois, voilà que je me surprend à ce que nous partagions le même plaisir pour deux films pourtant très différents. Encore 2 ou 3 "coups de coeur" de ce genre de ta part et je te demande en mariage.
Te voilà prévenue.
Vince.
Hi Vince!
RépondreSupprimerj'envisageais justement, pour ma prochaine chronique de parler de "la mégère apprivoisée" parce qu'il y a un temps pour tout dans la vie! Ta proposition tombe à point nommé et j'imagine déjà les merveilleuses soirée qu'on pourrait passer à taper nos chroniques à 4 mains. Je peux te l'avouer maintenant, puisqu'on est entre nous, depuis le jour où tu m'as fait découvrir Steven Wilson, je n'ai de cesse d'attirer ton attention, mais face à ton attitude distante quand on se croise dans les couloirs du deblocnot, je n'ai jamais osé faire le 1e pas.je me souviens t'avoir laissé un commentaire (sous un faux nom, par timidité..)sur la chronique du pianiste et ta réponse avait laissé entrevoir une possible harmonie entre nous, puis il y eu Supertramp, Georges Michael(fallait oser, mais c'est le seul album que j'aime de lui, si c'est pas un signe ça!) Cars, Scorpions..
juste un petit problème, faudrait que tu mettes un peu de blues dans ton (hard) rock, sinon je choisirai "scènes de ménage" pour ma prochaine chronique...
te voilà prévenu.
Sonia
tiens vous me faites penser à un truc les tourtereaux: et si je créai une rubrique matrimoniale; ça marche bien ça ...
RépondreSupprimerBientôt les fritelles...
RépondreSupprimer... connaissais pô... et tu sais quoi ? ... ça m'donne vraiment envie de le voir !
RépondreSupprimerGOTO FNAC
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GOTO Neuilly
Taper Mamie Zinzin
ENDIF
ENDIF
A Sonia:
RépondreSupprimer...Mais j'en ai déjà mis du Blues dans mon Hard !!! Chez Whitesnake notamment. Et chez Thunder encore plus. Mais promis j'essayerai de nouveau. ('tain la pression que j'ai moi !).
Aah ! Sonia... Mon souffle et ma respiration ne battent désormais qu'au rythme de celui de tes petits doigts s'activant frénétiquement (enfin que je crois !) sur les touches de ton clavier. Incorrigible que je suis...
Vince
oui, M'sieur Vincent, j'oubliais Whitesnake, c'est vous qui me l'avez fait découvrir aussi,comme quoi.. y a encore du chemin à faire mais on arrivera peut être à accorder nos guitares! par contre, j'ai dû rater Thunder, mais je vais réparer cet oubli bien vite.
RépondreSupprimer