Et le Rock français alors…
Qui a dit que le rock français ne pouvait pas avoir une durée de vie aussi longue que celle des Rolling Stones, Barclay James Harvest, Aérosmith et consort ? Si, si il y a des groupes qui perdurent et bien !! J’ai toujours entendu et lu énormément de critiques (négatives !) à l’égard de Ange qui pourtant fait encore de la scène, des tournées et enregistre toujours des albums, alors qu’il y a bien longtemps que Téléphone, que l’on a à l’époque encensé, a raccroché le combiné et qu’il n’y a plus d’abonné au numéro demandé !
Bien sûr, le personnel du groupe changera avec le temps, mais cela n’empêchera pas "le Père" Christian Decamps de continuer à chanter sa poésie sur toutes les scènes de l’hexagone et outre-manche.
Né en 1946, ce chantre créateur du rock progressif en France faillit devenir prêtre. Mais comme le dit l’intéressé : "...Mais à 11 ans, tu ne sais pas encore quelles peuvent être les conséquences de cette décision sur ta vie sexuelle". Après avoir tout fait dans sa vie, même cycliste amateur. (Il voulait d’ailleurs faire le tour de France, mais abandonna l’idée quand il fuma sa première Gauloise.) Christian jouant de l’harmonica, ses parents achètent un accordéon à son frère Francis. S’apercevant qu’un accordéon c'est un harmonica avec des touches, il se rapproche de l’instrument. C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser à la musique.
Christian commence avec un premier groupe de bal Les Potaches, puis les Over Cap Sound où il rencontrera Jean-Michel Brézovar dit "Jo", le guitariste historique d’Ange.
Photos extraites de l'excellent livre "Au-delà du système, Ange, vingt ans de musique" par Jean-Paul Germonville au Presse universitaire de Nancy.
La genèse
Les Over Cap Sound ont vécu et Les Anges sont nés ! Ils commencent à écumer les bals de Haute-Saône, sponsorisés par un magasin de chaussure, le gérant, pour faire un peu de promo, leur fait enregistrer un 45 tours "quatre titres" tiré à 30 exemplaires et offert à ses clients…
Ci-contre : debout à droite Christian Decamps et, à sa droite, J.M Brézovar, cheveux courts et sans moustache
C’est en 1969 que Christian achète pour 9000 francs (une fortune pour l’époque !) un orgue Hammond sur lequel il commencera à composer. La première œuvre (Et pas des moindres !!) sera "La fantastique Epopée du Général Machin" considéré comme le premier opéra-rock français. Il reste quelques traces de l’épopée sur l’album "Concert 1970/1971" à la qualité sonore médiocre et publié sans l’accord des musiciens ! Voici un extrait des paroles d’une des chansons : "Ballade pour un juteux" : "Napoléon, un jour de caprice fit d’une putain une impératrice ; à l’armée, on est moins exigeant, on fait d’un con un adjudant".
Le premier à rejoindre le groupe est Jean-Michel Brézovar et en avant dernier son frère Francis dit "Didou". Les après-concerts se font dans la douleur. Jouer à Cherbourg le soir, et être à Belfort le matin à l’embauche, cause beaucoup de problèmes chez certains surtout que leur moyen de transport est un vieux tube Citroën à trois vitesses et à la vitesse de pointe de 80 km/h. Le premier chanteur à la voix haut perché style Balavoine partira pour "Le grand amour". Donc, comme il faut un chanteur, Christian s’y colle. Le bassiste lui, c'est avec ses parents qu’il y a des problèmes et c’est là qu’arrive Daniel Haas dit "Bouffi" qui jouait dans un groupe appelé Les Incrédules. Et quand Jean Pierre Garbin le batteur part faire son service militaire, débarque Gérard Jelsch, il n’y a plus qu’à retirer Les devant Ange pour que naisse l’Ange original !
L'envol…
Commencent alors les tournées marathon, les festivals où ils jouent un morceau de 45 minutes appelé "La Messe des Incrédules" dont il ne reste aucune trace à ce jour. Mais c’est surtout au Golf Drouot où tout va commencer. Le club mythique parisien accueille le groupe sept fois avant qu’il ne gagne le tremplin et ne décroche le contrat avec la maison de disque Phillips.
1970 : le premier single que tout collectionneur rêve de posséder, deux titres : "Israël" et "Cauchemar", les vrais premiers sillons officiels produits par un jeune inconnu à l’époque du nom de Gérard Manset.
Il faudra attendre 1972 pour voir la suite avec deux simples "Tout feu tout flamme", "Docteur Man" et "Le Soleil est trop vert", "Le Vieux de la Montagne".
Arrive la même année le premier trente centimètres "Caricature" avec les deux marionnettes en jaquette que l’on retrouve sur scène dans le titre "Le Soir Du Diable" avec un Christian au regard halluciné jouant du xylophone pour enfant avec les mains gantées des deux marionnettes.
Caricature a droit à un album promo (Aussi une pièce de collection), album hors commerce réservé aux médias, contenant photos et coupures de presse. Offert aux journalistes présents à la conférence de presse dans un sac de toile estampillé du visuel de l’album, avec dedans, bien sûr l’album mais aussi une crème de gruyère (Vache qui rit ?) et une banane !
Caricature a eu l’honneur de faire à l’époque le Johnny Hallyday Circus. Didou (Francis) fait l’acquisition d’un nouvel orgue. Pour conserver la tonalité si particulière de son vieil instrument, il se rend à Lyon chez l’importateur Viscount et travail avec les techniciens sur le vibrato et la reverb', ainsi le son Ange première époque est sauvegardé. Puis ce sera le festival de Seloncourt ou ils ouvrent les hostilités devant Genesis dont c’est le premier concert en France. Singulier, avec le recul de voir Phil Collins montant, dans la pénombre, sa batterie sans l’aide d’un seul roadie. En été 1973, ce sera le fameux festival de Reading ou l’après-midi du 26 Août après un set de 40 minutes, les 30.000 spectateurs présent leurs feront un standing ovation.
Un Ange au paradis
En 1973 "Le Cimetière Des Arlequins" est l’album qui confirme bien à l’époque qu’Ange est un groupe à part, avec ses histoires qui dérivent entre les comptes médiévaux et la science-fiction (Le King Crimson Français). Mais surtout, il y a LE morceau qui ouvre les hostilités, c’est la reprise d’une icône de la chanson à laquelle jamais personne n’avait osé s’attaquer, mais Ange et surtout Christian Decamps ne font aucun complexe et tiennent le pari. "Ces Gens-La" de Jacques Brel sous la verve de Christian remue la mise en scène et dépoussière le rythme et le mythe du grand chanteur Belge.
Puis c’est la tournée en Angleterre dans les universités et dans le Mythique "Marquee Club". De retour en France, c’est la ruée sur l’album qui vient juste de sortir, les ventes s'envolent. Ce sera leur premier disque d’or en 1976.
Chez ces gens là et Le Cimetière des Arlequins extraits de l'album...
X Chez ces gens là et Le Cimetière des Arlequins extraits de l'album...
Un Ange en enfer
1973 : un conflit éclate au sein du groupe. Gérard Jelsch, le batteur, annonce son désir de claquer la porte. Il revient sur sa décision, pour l’instant du moins.
C’est pendant une autre tournée en Angleterre qu’est composé "Au-Dela Du Délire", l’album médiéval de Ange. Après avoir honoré une série de contrats, ils s’arrêtent à Calais, point de départ de la tournée Bivouac 74.
La veille de la première, lors de l’ultime répétition, c’est l’accident. Christian doit, au cours de "Fils De Lumière", dans l'ordre : jaillir d’un soleil placé au-dessus de la batterie, prendre son essor en coulisse sur un tremplin et finir son saut devant le micro. Mais emporté par la musique, il se réceptionne mal. De surcroit le micro est mal placé ! Résultat : mauvaise réception et ses deux talons se brisent.
La tournée est annulée… Un concert de soutien est organisé à Belfort avec des groupes de l’époque comme Mona Lisa, Tangerine, Introversion qui n’attirera que 1300 personnes. Ange fait une brève apparition avec Christian installé sur une charrette d’infirme. En compensation, sorti au printemps, l'album "Au-Delà Du Délire" monte en flèche au box-office. Le chiffre des ventes est impressionnant, malgré le silence des radios officielles, exceptée RTL. Ange a toujours été soutenu par Jean Bernard Hebey (l’homme de "Poste Restante"). Suite à l’accident, Jelsch quitte le groupe. Phil Umbdenstock le "sixième ANGE", illustrateur de nombreuses de leurs couvertures dont l’illustration intérieur de la pochette de "Au-Delà Du Délire", va leur présenter un copain de classe, Guénolé Biger qui fait partie des meilleurs batteurs strasbourgeois. Après audition, il est adopté…
Les Anges et le maréchal-ferrant
Une rencontre entre Christian et un vieil homme va donner naissance à un album intimiste "Emile Jacotey", pittoresque et qui restera dans la mémoire collective régionale.
La légende de la grande tradition orale avec Emile Jacotey, maréchal-ferrant de Haute-Saône, se passera dans sa cuisine en présence de Christian, Francis, Daniel Haas et un technicien armé d’un quatre pistes. L’homme leur fait visiter son ancien atelier transformé en garage ou dort une quatre chevaux modèle 1952 qui affiche à peine 25.000 km au compteur. Et dans un coin, il montre sa "fierté", un statuaire forgé de ses mains. Le magnéto 4 pistes entouré de verres remplis d’alcool blanc tourne et Emile de sa voix de sage évoque sa vie.
Les trois-quarts d’heure d’enregistrement constitueront la trame de l’album à venir. Un portrait d'Emile Jacotey par Philippe Huart orne l’album. La partie centrale, représentant Emile comptant ses histoires entouré du groupe et de leurs compagnes, est née des crayons de Phil Umbdenstock. Le groupe refera le voyage chez Emile pour lui remettre un disque d’or qu’il accrochera dans sa cuisine. Un autre cadeau lui sera offert, une chaine Hi-Fi sur laquelle il pourra s’écouter. Gravé deux fois dans la cire sa voix est passée à l’immortalité : "Je suis né ici. Mes parents ont toujours habité ici. Mes grands-parents aussi. J’exerçais le métier de maréchal. J’avais 70 ans quand j’ai arrêté. Et pis maint’nant, à c’t’âge ci, qu’est-ce que vous voulez ? je m’repose".
Au début de 1978, Emile est "Parti torcher le cul au firmament/ Après s’être chanté un tout petit vin/ S’être bu un dernier refrain". La deuxième face de l’album sera faite dans l’urgence, avec quand même de très beaux morceaux comme "Aurelia" et "J’irai plus loin que ton sommeil". Mais des morceaux comme "L’Ode à Emile" et "Sur La Trace Des Fées" (petit clin d’œil perso à mon pote Fred de FB !) sont deux morceaux magnifiques. Pour la petite histoire, Emile n’avait jamais évoqué sa rencontre avec le rock à ses proches. La petite fille du forgeron devait découvrir un jour, non sans émotion, le visage de son grand-père dans la vitrine d’un disquaire parisien.
Extraits : Ode à Émile, puis Sur les traces des fées :
X A suivre dans l'épisode 2….
Si vous avez aimé cet article, et si vous craquez avant de lire l'épisode 2, précipitez vous sur le reportage de nos deux envoyés très spéciaux, Philou et Rockin', sur :
ANGE à l'Oceanis de Plomoeur le 26 février 2011 Vidéos
En live en 1977, sur la trace des fées, une intro à l'orgue au sonorité féérique, forcément....
Je pense avoir vu 5 last Concert de Ange...
RépondreSupprimerJe suis sur qu'ils vont refaire une tournée !
ange toute ma vie autour de ce groupe:
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